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Les réseaux sociaux d’entreprise dans le monde : une affaire de cultures

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    Permettre la collaboration entre des personnes, des métiers, par-delà les frontières, les langues : un challenge pour les RSE.
  • S’équiper d’un réseau social pour faciliter la collaboration et la diffusion des connaissances en leur sein : nombre d’entreprises de par le monde franchissent le pas. Mais les réseaux sociaux d'entreprise sont-ils utilisés partout de la même façon, quels que soient le pays ou la culture ? Trois éditeurs de RSE répondent.

    En France, on a besoin d’une formation au réseau social d’entreprise (RSE), alors que les Polonais “bricolent” tout de suite avec sans se poser de question ; les Russes quant à eux attendent des directives ; au Brésil, les échange passent naturellement par les RSE… En Allemagne ou en Suisse, la collaboration est évidente car le collectif est plus prégnant… Les Américains ont une assez bonne attitude pour partager l’information ; plus il y a d’Anglo-Saxons dans un projet de RSE, plus c’est facile ; ils ont une tendance naturelle à communiquer, n’ont pas peur d’être jugés, veulent montrer qu’ils participent…

    D’un pays à l’autre, on peut noter des différences de prise en main d’un RSE fondées sur des caractéristiques culturelles, mais il ne faut pas en tirer de généralité. En tout cas, aucun des éditeurs interrogés ne le fait, que ce soit Yoolink, le plus modeste (dernier chiffre d’affaires connu, près de 350 000 euros en 2012), Jalios (6 millions d’euros) ou Jive (environ 200 millions de dollars).

    différences entre secteurs

    De plus, remarque Vincent Bouthors, président de Jalios, s’il peut y avoir des éléments culturels très importants qui influent sur l’adoption d’un RSE, les différences sont peut-être plus prononcées encore d’un secteur d’activité à l’autre. Chez l’avionneur Airbus par exemple, la collaboration par-delà les frontières coule de source.

    Inversement, est-il facile pour un éditeur de se vendre en dehors de son pays d’origine ? Le français Yoolink tente les Etats-Unis, via une commercialisation en ligne qui s’appuie sur des partenaires. Mais percer sur ce marché est difficile, avoue Sunny Paris, son président ; “pour les Américains, la préférence va au made in USA”.

    Pour son compatriote Jalios, qui réalise déjà 10 % de son chiffre d’affaires à l’international, c’est outre-Rhin que sont nourries de solides ambitions. Avec une stratégie bien réfléchie. Le coeur de cible de Jalios est constitué des entreprises de taille intermédiaire, nombreuses en Allemagne. Les questions de choix d’outils y sont peu politiques - on ne va pas comparer la taille de Jalios avec celle d’autres éditeurs -, mais centrés sur les fonctionnalités. On n’est pas face à des petites entreprises qui peuvent avoir tendance à choisir un outil par mimétisme, parce qu’il a été retenu par une consoeur. A ce grand potentiel du marché allemand, s’ajoute le fait que Jalios n’y identifie pas de vrai danger concurrentiel. L’éditeur, qui sur place a embauché des Allemands pour porter sa croissance, s’engage dans une stratégie à 3-4 ans, avec un budget d’un million d’euros, sur fonds propres.

    Pour l’américain Jive, en revanche, qui emploie plus de 600 personnes, on pourrait presque dire que la phase de conquête de marchés est acquise et laisse peu à peu la place à celle du renforcement de ses positions. En France, affirme Marc Bonis Charancle, responsable de la stratégie solutions, Jive-n a été retenu par un tiers des entreprises du Cac40 et de nombreuses PME.

    accéder par mobile, un point c’est tout !

    Ces stratégies ne sont pas construites ou ajustées en fonction de différences culturelles. Les étonnements sont d’un autre ordre. A commencer par l’appropriation de la mobilité, qui peut connaître des extrêmes d’un pays à l’autre. Nos voisins espagnols surprennent. Marc Bonis Charancle déclare : “En Espagne, les utilisateurs demandent à accéder par mobile, un point c’est tout” ! C’est une particularité en Europe où l’on ne rencontre d’habitude pas de projet “mobile first” - comme cela se voit notamment en Asie - avec des fonctionnalités du RSE qui n’existent que pour le mobile. Le mobile suppose de proposer des textes plus courts, de permettre une communication avec des photos, d’organiser l’information de manière plus simple… Revers de la médaille, en étant mobiles, certes les gens interagissent davantage, mais la pertinence baisse : quand on communique dix fois par jour avec son smartphone, à un certain moment, apparaîtra inévitablement un “lol”.

    Du côté des Etats-Unis aussi, “il est important d’avoir sur ce marché une version très mobile, analyse Sunny Paris ; or c’est encore un point faible de Yoolink, nous allons apporter des améliorations pour 2017”. Il juge que “les solutions américaines proposent du “pur flux”, de la communication en temps réel, plutôt que sur la base de connaissances”. Dans une autre logique, en France, on aime organiser, structurer l’information. Dès lors, on y a affaire “plus à des outils de diffusion de l’information interactifs, qu’à de vrais outils de création transversale”. Un peu comme si le réseau social venait se greffer sur le documentaire.

    langue du siège et langues locales

    Par ailleurs, dans leur ensemble, les RSE acceptent le multilinguisme, de quoi permettre aux différentes langues de s’exprimer. La solution Yoolink est disponible en français, anglais, espagnol, portugais et a même été traduite en Russe. Les plateformes de Jalios et Jive sont également multilingues. Celle de Jive propose en outre de traduire automatiquement les contenus. En général, les clients de dimension internationale utilisent la langue du pays où se situe le siège de la société pour la diffusion de l’information d’entreprise, et les communautés communiquent dans leurs langues locales.

    Cependant cette ouverture a ses limites. Sunny Paris le souligne : “Dès l’instant où l’on veut travailler ensemble sur un projet, il faut s’entendre sur une langue commune d’échange”.

    En un sens, cette rigueur va à l’encontre de l’esprit qui régnait sur les RSE il y a quelques années. Les RSE étaient relativement déconnectés du système d’information et chaque collaborateur pouvait créer sa communauté ; on comptait sur un déploiement par viralité.

    Aujourd’hui, le “corporate” prime. C’est d’en haut que l’on choisit, déploie et contrôle le RSE, ceci dans un esprit de groupe, pour donner de l’homogénéité à la communication. Une communication très “top-down”, carrée, policée, sans différence entre les pays et basée sur les besoins globaux de l’entreprise : casser les silos, obtenir une culture de groupe, un effet de marque.

    “le RSE pour mettre du métier”

    Si cela n’exclut pas de vouloir compter sur une plateforme engageante pour l’utilisateur et  mobile, Marc Bonis Charancle déclare : “Le RSE n’est plus là pour faire du fun, mais pour mettre du métier”. Bref, on échange librement, dans un cadre corporate. Et désormais chez Jive, au terme de RSE on préfère celui d’“intranet collaboratif”.

    C’est bien le contexte de l’entreprise qui est prédominant, confirme Vincent Bouthors. Et pour la mise en place du RSE, l’on s’intéresse également aux collaborateurs et à leurs habitudes de travail ; il est très important de leur montrer ce que la solution va rendre possible - éviter les réactions du type “c’est sympa, mais qu’est-ce qu’on est censé faire avec ?”. Jalios s’appuie sur les huit étapes du changement décrites par Kotter concernant l’accompagnement au changement, et valables quel que soit le pays (1).

    Le président de Jalios remarque enfin que si les différences culturelles peuvent jouer dans la vitesse d’adoption de la solution, l’intérêt est l’adoption en définitive, et l’usage qui est fait gomme alors ces différences.

     

    Michel Remize

    (1) Professeur à la Harvard Business School, John Paul Kotter est l'auteur du best-seller international "Leading Change", qui décrit les huit étapes à mettre en place pour transformer une entreprise. (Source Wikipedia)


    + repères

    test and learn à la française

    Le “test and learn” ferait partie de la culture anglo-saxonne. Il s’agit, dans le cadre d’un projet, de lancer des chantiers afin d’en valider ou non la pertinence : essayons, cela marchera ou ne sera pas concluant, mais on en apprendra toujours quelque chose.

    Récemment, le groupe français Seb, spécialiste du petit équipement domestique, s’est illustré dans cette démarche. Il a testé la version bêta de Facebook at Work, le nouveau RSE de Facebook. Côté avantages, une bonne image pour l’entreprise, une solution dont les fonctionnalités sont connues des collaborateurs et qui est mobile et, côté bémols, des impératifs techniques et de sécurité.

    Finalement, Seb signe pour Yammer, le RSE de Microsoft, l’entreprise ayant une plateforme Office. Le choix de la simplicité.

    Voir : → www.usine-digitale.fr : Pourquoi Seb n'a pas déployé Facebook at Work

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