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Regards sur la liberté d’expression

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    « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » (Pixabay)
  • Pour ceux qui croient encore que le droit n'est qu'une liste d'interdits, voici quelques considérations sur la liberté d'expression. La liberté d'expression est une des libertés individuelles que reconnaît tout État garantissant la liberté de ses citoyens. Voyons-en les fondements juridiques.

    • La Déclaration des droits de l'Homme de 1789

    En France, la première trace écrite de cette liberté se trouve dans notre Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 de la Ve République.

    L'article 11 de ce texte proclame : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

    Il n'est pas formellement question de liberté d'expression, mais de...

    ...« communication des pensées et des opinions ». D'où sont déduites les libertés de « parler, écrire et imprimer ».

    • la déclaration de l'Onu

    La Déclaration universelle des droits de l'homme de l'Onu, du 10 décembre 1948 dispose, article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

    • la convention du Conseil de l'Europe

    C'est un des tout premiers textes du Conseil de l'Europe, ce club de 47 États européens : la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Article 10, Liberté d'expression :

    • « 1 Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. (…)
    • 2 L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».
    • la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

    L'Union européenne s'est dotée récemment de sa propre déclaration sous le nom de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, entrée en vigueur avec le Traité de Lisbonne fondant l'« Union européenne », le 1er décembre 2009. Article 11, Liberté d'expression et d'information :

    « 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières ».

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    Les contours de la liberté d'expression, formulés parfois différemment, sont finalement très proches. Dans le texte de l'Onu, les libertés d'opinion et d'expression sont réunies alors qu'elles sont distinctes dans les textes ultérieurs : liberté de pensée, de conscience et de religion, article 18 pour la Convention de 1950 et article 10 de la Charte de l'UE.

    La filiation entre les trois textes récents est évidente, plus encore pour la Convention du Conseil de l'Europe et la Charte de l'UE.

    liberté d’expression et abus de droit

    Une liberté, comme tout droit, n'est pas absolue et ne saurait confiner à l'anarchie. Dès 1789, les rédacteurs prévoient des limites à la liberté d'expression. C'est aussi très net dans les textes ultérieurs (voir l'article 10.2 de la Convention du Conseil de l'Europe ci-dessus).

    Ces dispositions ne font que formaliser la théorie générale de l'abus de droit. Tout citoyen est détenteur de droits qui lui garantissent une vie paisible.

    Mais s'il vient à se servir de ses droits pour nuire, on parle alors d'abus de droit : le titulaire d'un droit n'en use pas pour sa sécurité, mais dans le but de nuire à autrui ou à la collectivité.

    • liberté d'expression et e-réputation

    Publier un avis de consommateur critique, mais étayé et fondé sur des réalités relève de la liberté d'expression et, à la limite, il appartient au commerçant de veiller à la qualité de ses prestations. Mais publier des avis outranciers ou encore mensongers, exagérés ou inventés dans le seul but de nuire à un tiers tel qu'un commerçant, c'est de l'abus de droit.

    • les limites juridiques à la liberté d'expression

    Ces limites varient d'un pays à l'autre. On sait par exemple qu'aux États-Unis, la liberté d'expression est sacro-sainte, inscrite comme chez nous dans la Constitution, à ceci près qu'elle est vécue outre-Atlantique comme un absolu intangible.

    En France, conformément aux réserves émises dès l'article 11 de la déclaration de 1789 : « sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » et aux textes européens subséquents, l'abus de la liberté d'expression est sanctionné dans des cas précis qui se multiplient avec le temps : dénigrement et concurrence déloyale, sanctionnés sur la base de la responsabilité civile extracontractuelle des articles 1240 et suivants du Code civil ; harcèlement moral, « porn revange », etc.

    • une extension : la liberté de la presse et les délits d’information

    Logique extension de la liberté d'expression : la liberté de la presse. Il a fallu attendre en France la loi du 29 juillet 1881 pour voir établie cette liberté, désormais solidement implantée, comme dans tous les pays démocratiques.

    Mais le législateur de 1881 et ses successeurs ont assorti cette liberté d'un certain nombre de limitations : les délits dits d'information, dont les plus généraux sont la diffamation et l’injure. Ces délits s'appliquent d'ailleurs hors des médias, à toute diffusion publique d'information.

    le phénomène #BalanceTonPorc et la liberté d’expression

    Le récent mouvement de dénonciation très large de harceleurs sexuels pose à nouveau question entre liberté d'expression et règlement de compte plus ou moins masqué. Ici interviennent plusieurs autres droits de l'homme tels que la présomption d'innocence et la liberté d'avoir un procès équitable, ainsi que l'adage fondant un État de droit : « Nul ne peut se faire justice à soi-même ».

    Qui saura faire la distinction dans le grand déballage médiatique et sur les réseaux sociaux, entre des faits réels pouvant justifier un procès et une dénonciation calomnieuse, pénalement réprimée, mais que d'aucuns n'hésitent pas à commettre, toujours dans le cadre de l'abus de droit ?

    liberté des idées et des informations et droit d’auteur

    Il est un dernier aspect essentiel de la liberté d'expression : son incidence sur le droit d'auteur. Les idées et les informations sont libres et ne sont pas protégées par le droit d'auteur qui seul concerne la mise en forme de ces idées et informations dans des mots, des phrases, des paragraphes…

    Cette liberté de circulation des idées et informations est tout droit issue de la liberté d'expression et donc de la liberté de circulation des idées et informations. Un principe qu'oublient de nombreux éditeurs de presse lorsqu'ils voudraient aller jusqu'à interdire la rédaction des résumés documentaires sans l'accord des auteurs des œuvres d'origine…


    à retenir

    La liberté d'expression est un droit qui comporte comme tout autre droit des limites au titre de l'abus de droit toutes les fois où cette liberté nuit directement à autrui. Elle ne saurait donc justifier la publication d'informations ou d'idées qui nuisent sans raison légitime à des tiers ou à la collectivité publique.

    Cette liberté est aussi le fondement de la libre circulation des idées et des informations consacrée en droit d'auteur et qui fonde la liberté de rédiger des résumés, des synthèses ou toute autre reformulation des idées et informations contenues dans un texte d'auteur.

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