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Open law : l’innovation au service du droit

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    Point sur la question de l'open law. (PixaBay)
  • En juin 2014, la Direction de l’information légale et administrative ou Dila ouvrait des données juridiques. Cette démarche a suscité l’émergence d’une communauté open law autour des données juridiques ouvertes afin de favoriser l’innovation collaborative entre les acteurs de l’open data et les professionnels publics et privés de l’information juridique.

    Retour sur les premiers mois de la démarche d’open law qui devrait modifier durablement la place du droit dans en France, sa compréhension et sa pratique.

    1. Un programme rapidement exécuté

    L’ouverture du droit réunit la plupart des problématiques soulevées par les questions d’open data :

    • redevances en contrepartie du service de mise à disposition géré par un producteur public ;
    • aléas économiques pour des éditeurs juridiques en place sur un marché mature en pleine mutation numérique ;
    • présence de données personnelles dans certaines données juridiques ;
    • enjeux géostratégiques avec la concurrence des systèmes de la Common law pour la gouvernance de l’information juridique sur le web des données.
    De la 16e à la 3e place

    Si certaines de ces questions restent dans l’attente de leur conclusion prochaine (ouverture de la jurisprudence et redéfinition du décret du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet), l’ouverture de l’ensemble des bases de données juridiques produites par la Dila sur Légifrance sous licence ouverte est bien effective depuis juin dernier, moins de six mois après la décision politique (comité interministériel pour la modernisation de l'action publique ou Cimap du 18 décembre 2013). Avec cet évènement considérable pour le monde du droit et de l’innovation, la France est ainsi passée de la 16e à la 3e place au classement international open data index au cours de l’année 2014.

    Une vision partagée de l’open data

    Les débats qui ont précédé cette ouverture ont eu le mérite de permettre à l’écosystème de l’information juridique d’anticiper l’open data du droit. À l’été 2014, différentes initiatives en gestation se sont regroupées autour d’un projet commun rapidement appelé « open law, le droit ouvert », pour marquer à la fois son rattachement aux démarches open law portées par les différentes communautés de « llegal hackers » à l’international tout en intégrant une référence francophone pour rappeler les particularités de notre système juridique fondé sur le droit écrit.

    Partenaires cofondateurs

    Autour de la Dila, des représentants des associations historiques du secteur (Adij, Juriconnexion et Droit.org) et des acteurs de l’innovation ouverte et collaborative (acteurs indépendants, Numa, Open World Forum et Etalab) ont complété le comité d’organisation.

    L’idée partagée par ces partenaires cofondateurs : l’open data ne doit pas se limiter à ouvrir les données, il faut aussi s’assurer qu’une communauté les réutilise, en assure la maintenance et les enrichisse. Stimuler la réutilisation de ces données doit contribuer à l’entrée de nouveaux arrivants innovants et à la redéfinition du rôle des différents acteurs déjà en place. Comme le rappelle Benjamin Jean, président de l’Open Law et du cabinet inno3, c’est totalement une démarche d’open innovation : « La Dila n’a pas cherché à tout faire, elle a fait faire, elle a donné l’opportunité d’innover ».

    2. Structuration d’une communauté d’innovation

    Du lancement du programme, le 30 octobre lors de l’Open World Forum 2014, à la présentation publique des premiers projets au jury du prix Dila de l’accès au droit, le 11 décembre, la communauté s’est rapidement regroupée au cours de différents évènements de cocréation organisés par le Dilab à Numa. Pour Paul Richardet, chef de projet Silicon Sentier/Numa, un des pionniers français du coworking et de l’innovation collaborative, « c’est une collaboration réussie et inédite à ce niveau entre le secteur public et privé qui a permis de réussir ce pari de voir 17 projets déposés pour le prix Dila après quelques semaines de travail ».

    Ne pas tomber dans les travers des hackathons

    C’est aussi la conséquence d’un constat partagé par les porteurs du programme et des solutions apportées : nous assistons à l’épuisement des hackathons qui recoupent trop souvent des évènements de communication sans lendemain ou des stratégies d’industriels qui cherchent à récupérer des développements innovants à moindre coût par l’intermédiaire de règlement de concours défavorable aux participants.

    Pour éviter de tomber dans ces travers, la démarche de cocréation a fait l’objet d’une multitude d’évènements (barcamp, meet-up, pitch de projets...) avec un accompagnement des innovateurs par des mentors expérimentés en matière d’information juridique, eux-mêmes assistés de professionnels de l’innovation collaborative.

    Outil d’aide au choix des licences

    Le cadre juridique de la cocréation lui-même a fait l’objet d’une démarche innovante par les porteurs du programme. Cela s’est notamment traduit dans le règlement du prix Dila et par la création d’un outil d’aide au choix des licences libres et ouvertes pour que les porteurs de projets puissent définir eux-mêmes leur stratégie juridique et ainsi ne pas subir les conditions imposées unilatéralement par l’organisateur.

    3. De nouveaux défis d’innovation pour 2015

    Après le succès de la première étape et la richesse des projets présentés par la communauté open law à la Dila pour son prix de l’accès au droit, le collectif prépare de nouveaux défis d’innovation à l’horizon avril 2015 avec de nouveaux partenaires.

    Au programme : la dépersonnalisation des données, les référentiels et les ontologies du droit, l’open access juridique, la vulgarisation et la pédagogie du droit (avec notamment la question des Mooc juridiques).

    Recherche collective de financements

    Au-delà de ces défis élaborés en fonction de besoins exprimés par les partenaires de cette deuxième étape et de la vision du collectif pour les suivantes, la communauté envisage également de rechercher collectivement des financements (réponses à des appels à projets, crowdfunding…) et de réunir ses expertises pour codévelopper des projets qui ne pourraient être portés par des entités publiques ou privées isolées, compte tenu de leur complexité ou de leur caractère disruptif.

    Il s’agit notamment de projets d’intérêt général pour favoriser le positionnement du droit français dans le monde des données interconnectées (linked open data), pour développer des solutions open source sur cette base de connaissances pour l’accès au droit, la rédaction des textes et des contrats et pour permettre à notre doctrine de profiter au mieux de l’open access pour disposer d’une meilleure visibilité et d’une meilleure normalisation des citations des travaux scientifiques.

    Sémantique et interopérabilité

    L’étape trois est déjà connue : travailler sur l’enrichissement sémantique et rendre interopérables les données juridiques françaises ouvertes avec les données juridiques européennes. À l’agenda de l’open law, ce nouveau défi trouvera certainement l’occasion de prospérer avec la présidence française du forum des journaux officiels européens en septembre 2015 et les journées européennes d’informatique juridique coorganisées par l’Adij et Juriconnexion en 2016.

    Dans le même mouvement, la communauté prépare également de nouveaux défis d’innovation autour du droit local, un enjeu de premier plan pour la démocratie locale, l’intelligibilité et l’accessibilité du droit, qui pourrait ainsi directement passer de l’affichage sur la devanture de la mairie à une publication sur le web des données et une interopérabilité avec les sources nationales et européennes…

    Au-delà des « legal start-up » qui profitent et profiteront des travaux de la communauté, cela offrira également de nouvelles perspectives ou de nouveaux marchés pour les industriels publics et privés en place qui seront en capacité d’intégrer et de valoriser des démarches d’innovation ouvertes et collaboratives dans leurs stratégies.

    Développement en mode agile

    Pour la Dila, cette première expérience d’innovation collaborative offre de nouveaux leviers pour développer en mode agile des services publics numériques innovants et contribuer plus efficacement à la modernisation de l’action publique. La Dila, éditeur et opérateur public de services numériques poursuivra donc son implication dans le programme open law pour accompagner la création et la fidélisation d’une communauté autour de l’innovation dans le secteur des données juridiques.

     

    Thomas Saint-Aubin

    Responsable du pôle stratégie de la Dila et coordinateur du Dilab

    Membre du CA de l’Adij

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    Lauréats du prix Dila de l’accès au droit

    1er prix : Marc Sallières, DataAsso, service cartographique pour les associations et les citoyens, en partenariat avec la société Altic, avec Jean Karinthi.

    2e prix : Alexandre Delliaux, Pavlex, logiciel d’aide à la rédaction des textes juridiques normatifs.

    3e prix : Emmanuel Barthe, Le sommaire du JORF : personnalisation, thématisation et enrichissement collaboratif ; en partenariat avec Imagitio/Splayce, avec Alexandre Delliaux, Julien Martin et Dan Kohn.

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    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.
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