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Archivage électronique : quand le Quai d'Orsay archive ses emails

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    Les jardins du ministère des Affaires européennes et étrangères à Paris, qui s'est lancé dans un vaste chantier d'archivage de ses emails. (A/Bruno Texier)
  • Le ministère des Affaires européennes et étrangères est engagé dans un vaste chantier d’archivage électronique de ses courriels. Plutôt que de viser l’exhaustivité, les archivistes ont opté pour une stratégie de tri basée sur la pertinence documentaire.

    Temps de lecture : 6 minutes

    Avec 160 ambassades à travers le monde, la France possède le troisième réseau diplomatique mondial. Auxquelles il faut ajouter des dizaines de consulats et de représentations permanentes auprès d’organismes internationaux comme l’Onu, l’Unesco ou l’OSCE. Le ministère des Affaires étrangères (MAE), ce sont aussi 15 000 messageries réparties entre l’administration centrale — le Quai d’Orsay — et les représentations françaises à l’étranger.

    enlightenedLire aussi : Archivage électronique : comment mettre en place et gérer son système numérique

    De nombreux emails envoyés et reçus

    Pour mener à bien leurs missions, les 14 000 agents du ministère produisent et reçoivent de nombreux courriels :

    « Nous estimons que chaque messagerie reçoit près de 100 courriels par jour », explique Françoise Watel, responsable du département des archives au sein de MAE ; « lorsque la question de leur archivage s’est posée, nous avions le choix entre la conservation de tous les mails ou la conservation d’une partie seulement de cette production. Très vite, nous avons opté pour la deuxième solution ».

    Mais quelles messageries sélectionner ? Celles des diplomates en poste dans les plus grandes ambassades (Berlin, Washington, Pékin…) ? Celles des directeurs régionaux ? Celles du cabinet du ministre ?

    enlightenedLire aussi : Comment (bien) archiver des données sensibles ou confidentielles ?

    Archivage électronique de 500 messageries

    « Après avoir engagé une réflexion en 2014, nos critères de sélection ont évolué et nous sommes parvenus à établir une stratégie de tri. Nous avons décidé de sélectionner les boîtes qui hébergent l’information la plus engageante, ce qui représente environ 500 messageries. Ces boîtes feront l’objet d’un archivage électronique car elles se trouvent au croisement des niveaux opérationnels et décisionnels du ministère. Concrètement, il s’agira, par exemple, des messageries des sous-directeurs ou des directeurs adjoints », souligne Françoise Watel.

    Précision importante : c’est bien la fonction qui a été prise en compte dans les critères de sélection et non pas l’agent en tant qu’individu.

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    Agent du Quai d’Orsay et collecteur d’archives

    Depuis plusieurs mois, l’équipe d’archivistes en charge de cette collecte est à pied d’œuvre pour mettre en place ce chantier d’archivage électronique. Marie Lassmann, chargée de mission pour la collecte numérique, est régulièrement au contact des agents pour les accompagner dans ce nouvel exercice :

    « Nous proposons un accompagnement aux agents afin de les sensibiliser aux enjeux de cette collecte. Nous préconisons de ne conserver que les échanges engageants et d’éliminer les mails personnels comme les listes de diffusion ou les courriels en relation avec la gestion quotidienne. Car c’est l’agent lui-même qui procédera à la sélection des courriels à archiver. Il le fera selon la pertinence du document ce qui signifie que seule une partie des messages sera conservée ».

    Cette doctrine de tri écarte également la notion de « mail unitaire ». Lorsque cela sera jugé nécessaire, les agents devront sélectionner une chaîne de courriels afin de conserver le contexte et la logique des mails échangés.

    enlightenedLire aussi : L'archivage électronique des emails : la valeur légale (1/4)

    La Cop 21, un terrain d’essai pour l’archivage du courrier électronique

    Apparues dans les années 1990 au sein du MAE, les messageries ont été très sollicitées lors de la préparation de la Cop 21 (Conférence de Paris sur les changements climatiques de 2015).

    « Cet évènement constitue un beau terrain d’essai en matière de collecte, de tri, de traitement et d’intégration dans la plateforme d’archivage électronique Saphir », explique Marie Lassmann.

    Au-delà du courrier électronique, Saphir a vocation à archiver une production documentaire hétérogène composée de correspondance diplomatique, d’actes d’état civil établis par le ministère des Affaires étrangères… Au total, ce sont près de 300 applications métier qui sont utilisées au sein de la diplomatie française (voir encadré).

    enlightenedLire aussi : L'archivage électronique des emails : quels types d’emails faut-il conserver et archiver ? (2/4)

    Côté outils, les archivistes procèdent depuis plusieurs mois à des tests de logiciels dédiés à la collecte, au tri et au traitement des mails. Ils s’appuient également sur les analyses réalisées par le Siaf (Service interministériel des archives de France).

    Le même esprit de travail collaboratif prévaut à d’autres échelons :

    « Nous rencontrons régulièrement nos collègues d’autres ministères à l’occasion de journées d’études ou de groupes de travail interministériels. Nous sommes attentifs à tous les retours d’expérience car ces chantiers sont complexes à mettre en place », reconnaît Françoise Watel.

    Autre source d’information, certains pays sont également engagés dans des chantiers similaires. En Belgique, aux Pays-Bas et dans le monde anglo-saxon, les ministères des affaires étrangères misent sur l’intelligence artificielle pour améliorer l’archivage des courriels de leurs diplomates.

    enlightened​​​​​​​Lire aussi : RH : robots logiciels et intelligence artificielle investissent le courrier

    Attention au contexte de la production des courriers

    Mais à Paris, le recours à l’intelligence artificielle n’est pas envisagé pour l’immédiat :

    « À ce jour, les résultats ne sont pas concluants car l’intelligence artificielle en est encore au stade du balbutiement. Les algorithmes ne sont efficaces que s’ils tiennent compte du contexte de production. Cela demande beaucoup de travail notamment au niveau du paramétrage des algorithmes car il faudra recueillir l’expertise des agents et la prendre en considération. Il est essentiel de documenter le contexte. Les pays qui testent l’intelligence artificielle dans le domaine diplomatique en voient les limites. Nous pouvons espérer que l’IA fera gagner du temps de traitement, mais nous devons éviter la pensée magique ! »

    2020 sera pour les archives diplomatiques une année de test portant aussi bien sur les outils que sur les procédures. Pour Françoise Watel, cette période d’observation est essentielle :

    « En fonction des résultats, nous pourrons envisager une collecte élargie aux postes diplomatiques français à l’étranger ».

    enlightened​​​​​​​Lire aussi : Qui doit procéder à l'archivage des emails et comment sont protégées les données ?

    Saphir, un programme qui s’inscrit dans la logique Vitam

    Le programme Vitam est un programme interministériel mené et financé par les ministères des Affaires étrangères, des Armées et de la Culture. Son ambition est d’archiver un très important volume d’archives et de métadonnées : un objectif de plusieurs milliards d’objets a été assigné à Vitam.

    Dans le sillage de Vitam, cinq projets voient le jour progressivement. La plateforme Adamant est déployée au sein des Archives nationales depuis la fin 2018. Le projet Archipel est en cours de déploiement au sein du service historique de la Défense et sera dédié à la gestion hybride des archives de celui-ci dans un outil métier.

    enlightened​​​​​​​Lire aussi : Vitam : la version 3 du logiciel d'archivage numérique est disponible

    Un Saphir au Quai d’Orsay

    Au Quai d’Orsay, le projet Saphir constitue le service d’archivage électronique du ministère des Affaires étrangères. Il permet le versement de la correspondance diplomatique et la préservation des applications consulaires. Il est également mis à contribution pour assurer l’archivage électronique des actes de l’état civil établis par le ministère des Affaires étrangères et récemment dématérialisés.

    Le projet Siamae, quant à lui, a pour objectif de permettre l’archivage intermédiaire hybride et sécurisé des documents produits et reçus.

    Enfin, le projet Octave, porté par le ministère de la Culture et le Siaf (Service interministériel des Archives de France), sera doté d’une série de fonctionnalités : import de thésaurus, génération de rapports et de bordereaux, dédoublonnage et renommage des noms de fichiers…

    enlightened​​​​​​​Lire aussi : Octave, l'outil libre développé par les Archives de France, s'enrichit d'une nouvelle version

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