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Ecole des chartes : le numérique a créé des ponts entre archives, bibliothèques et musées

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    "Aujourd’hui, les carrières sont cependant beaucoup moins monolithiques qu’auparavant", explique Michèle Bubenicek, directrice de l'Ecole des chartes. (ENC)
  • Michelle Bubenicek est directrice de l’École nationale des chartes depuis 2016. L’ENC, fondée le 22 février 1821, célébrera son bicentenaire l’an prochain. Sa directrice revient pour Archimag sur cet anniversaire, sur la place faite au numérique dans la formation des archivistes, sur les différents parcours proposés au sein de l'institution et sur les débouchés. Rencontre.

    Temps de lecture : 8 minutes

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    ecole_chartes_batiment.jpgL’École nationale des chartes célébrera son 200e anniversaire en 2021. Quelle forme prendra cet anniversaire ?

    Nous allons proposer une riche programmation qui va commencer par l’émission d’un timbre-poste le 22 février 2021, soit deux cents ans, jour pour jour, après la création de l’École nationale des chartes en 1821. Ce timbre illustrera le fait qu’au cœur des enseignements et de la recherche de l’École, on trouve encore et toujours l’écrit, du plus ancien au plus récent, du parchemin au numérique !

    Le 29 avril 2021, nous organiserons une conférence dans le grand amphithéâtre de La Sorbonne sur les missions de l’école. Cette conférence sera prolongée par la pose d’une plaque commémorative sur les murs du bâtiment que nous avons occupé de 1897 à 2017. Le lendemain nous organisons un grand bal dans un lieu très contemporain.

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    Les 17 et 18 juin, un colloque aura lieu dans nos locaux, ainsi qu’à l’Institut de France, autour du thème de « L’École des chartes inattendue ». L’occasion de rappeler les parcours parfois surprenants de nos élèvest : la diplomatie, les entreprises, la bande dessinée, la musicologie... Personnellement, j’interviendrai sur la figure de l’historienne et archiviste Régine Pernoud, qui était aussi une chartiste.

    Nous proposerons également au mois de décembre 2021, en partenariat avec plusieurs institutions patrimoniales, un colloque autour du « moment Guizot », c’est-à-dire cette période du XIXe siècle où a émergé la notion de patrimoine.

    Enfin, nous serons présents aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois où nous mettrons notamment l’accent sur la place qu’occupe l’École des chartes dans le domaine du numérique et ce que l’on appelle désormais les « humanités numériques ».

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    Justement, le numérique a envahi le territoire du patrimoine documentaire. Comment l’ENC enseigne-t-elle le numérique à ses élèves ?

    Cette présence du numérique à l’École a commencé dès le début des années 1990. J’étais alors élève à l’ENC et je me souviens déjà de cours de programmation informatique, ce qui n’était pas du tout courant à l’époque.

    L’École a ensuite mis en ligne des ressources documentaires de plusieurs types : contenus pédagogiques, bases de données, transcriptions paléographiques… À partir de la décennie 2000, cet investissement dans le numérique s’est poursuivi et amplifié.

    Aujourd’hui, nous poursuivons ce fort investissement grâce à une mission projets numériques, réorganisée en 2017, et dotée actuellement de trois postes d’ingénieurs informaticiens qui accompagnent l’ensemble des projets numériques de l’école. Avec notamment le souci d’assurer la pérennité de toutes nos productions numériques, des plus anciennes aux plus récentes.

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    Quelle est la part de l’enseignement numérique dans le cursus des élèves chartistes ?

    Les élèves fonctionnaires archivistes paléographes doivent obligatoirement suivre plusieurs modules lors de leur première année : fouille de données, instruments de recherche, données structurées et requêtes… Selon leur sujet de thèse, les élèves peuvent ensuite poursuivre les enseignements numériques les plus proches de leur champ de recherche.

    Pour les élèves en master « Technologies numériques appliquées à l’histoire », cursus fondé en 2006, ces enseignements numériques sont très soutenus, puisque la deuxième année du parcours leur est entièrement dédiée. Grâce aux stages qu’ils réalisent au sein de diverses institutions patrimoniales ou d’entreprises, nos diplômés sont immédiatement opérationnels et en mesure de travailler aussi bien dans le secteur privé que le secteur public.

    Le master « Humanités numériques », créé en 2017 dans le cadre de l’université PSL dont l’École est désormais membre-composante, est plus orienté vers la recherche : philologie numérique et computationnelle, visualisation de données, intelligence artificielle… L’une de nos étudiantes, diplômée de ce master, vient par exemple de débuter une thèse sur la disparition lexicale au Moyen Âge, la méthode consistant à tracer le vocabulaire dans plusieurs corpus grâce aux ressources de l’intelligence artificielle.

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    Quelles sont les différentes voies d’accès à l’École des chartes ?

    Pour le parcours « archiviste paléographe » (4 ans), il existe deux concours d’entrée accessibles après une classe préparatoire littéraire (de type khâgne, hypokhâgne spécialisées).

    Le concours A est davantage centré sur l’histoire médiévale, l’histoire moderne et les langues anciennes.

    Le concours B est quant à lui plus axé sur l’histoire moderne et l’histoire contemporaine, ainsi que d’autres options comme l’histoire de l’art par exemple.

    Actuellement, environ 20 places sont disponibles chaque année pour l’ensemble de ces deux concours.

    Outre le parcours « archiviste paléographe », l’École propose plusieurs parcours de master (actuellement au nombre de trois : « Technologies numériques appliquées à l’histoire », « Humanités numériques », « Histoire transnationale »). Enfin, depuis 2010, l’École propose également le doctorat.

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    Ces concours d’entrée au parcours archiviste paléographe ont la réputation d’être redoutables…

    Ils sont en effet difficiles et présentent le même niveau de difficulté que les concours d’entrée dans les écoles normales supérieures. Le concours A est particulièrement vaste en termes de connaissances. À l’École des chartes, nous comptons ainsi environ un admis pour dix candidats.

    Quels sont les débouchés des élèves diplômés de l’École nationale des chartes ?

    La majorité des élèves archivistes-paléographes diplômés se tournent généralement vers deux voies principales qui restent les services d’archives et les bibliothèques : Service interministériel des archives de France, Archives nationales, archives départementales, archives diplomatiques… D’autres se tournent vers les bibliothèques : BNF, bibliothèques municipales, bibliothèques universitaires…

    Aujourd’hui, les carrières sont cependant beaucoup moins monolithiques qu’auparavant. L’avènement du numérique, domaine dans lequel nombre de chartistes excellent, a jeté des passerelles entre les archives, les bibliothèques et les musées.

    J’ajoute que de plus en plus d’embauches se font sur la base de projets qui peuvent durer plusieurs années. Notre diplôme permet une grande mobilité entre ces différents univers.

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    Et du côté des diplômés des masters ?

    Le master « Technologies numériques » est professionnalisant et donne généralement accès à des postes de chef de projet notamment dans des institutions patrimoniales, voire dans le secteur privé.

    Nous faisons en sorte que ce master évolue sans cesse pour continuer de répondre aux attentes des employeurs. Les masters « Humanités numériques » et « Histoire transnationale » conduisent à la recherche, avec la préparation d’une thèse de doctorat, et aux métiers de l’enseignement.

    Que propose l’ENC dans le domaine de la formation continue ?

    Nous proposons un catalogue de formation continue qui s’est fortement enrichi au cours de ces dix dernières années afin de répondre à des attentes diverses, en nous concentrant sur nos fondamentaux que sont les domaines de l’archive et du livre, l’édition critique savante, le patrimoine et les sciences dites auxiliaires de l’histoire comme la paléographie : l’École offre ainsi des stages de formation professionnelle (paléographie, gestion d’un marché de numérisation de fonds patrimoniaux, cartographie…), des séminaires (généalogie, ancien français…) ou des formations « à la carte ».

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    L’École des chartes a signé en 2019 la « Déclaration d’Alexandrie » avec l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar (Sénégal) et l’université Senghor d’Alexandrie (Égypte). Plus largement, quelle est son action à l’international ?

    À mon arrivée à la direction de l’École des chartes, j’ai été frappée par sa grande notoriété à l’étranger. En Amérique, en Asie ou en Afrique, notre école apparaît comme une référence majeure en matière de préservation du patrimoine et de compréhension des archives.

    Nous devons donc être à la hauteur de notre réputation et répondre aux demandes qui proviennent de l’étranger en matière de formation. J’ai ainsi participé au voyage qu’Emmanuel Macron a effectué en 2019 en Éthiopie et dont l’une des orientations était celle de la coopération en matière de patrimoine, pour renforcer les accords que nous avons passés avec ce pays pour la préservation des archives des palais nationaux d’Éthiopie. Nous envoyons des stagiaires à Addis Abeba depuis plusieurs années.

    Aujourd’hui, l’attractivité de l’école passe également par ses masters numériques. Et nous créons actuellement un diplôme universitaire d’archivistique 100 % en ligne qui sera opérationnel à la rentrée de 2021.

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    Quant à la « Déclaration d’Alexandrie », elle va prendre la forme de plusieurs actions sur le continent africain : partage des réseaux de professionnels, d’enseignants et de chercheurs, accompagnement pour la construction de parcours de formation et de recherche, organisation d’actions de formation continue à destination des professionnels des archives, bibliothèques et musées, construction d’outils numériques.

    Toutes ces actions témoignent de la capacité de séduction de notre modèle archivistique à l’étranger. Le modèle français suscite de fortes attentes y compris dans certains pays d’Amérique centrale et du Sud qui souhaitent s’ouvrir aux méthodes européennes. Nous sommes aidés dans cette stratégie d’influence par le Quai d’Orsay.

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    L’ENC est installée rue de Richelieu depuis 2014. Le bâtiment vous donne-t-il satisfaction ?

    En passant de la rive gauche à la rive droite, nous avons rejoint le quartier patrimonial à proximité des la Bibliothèque nationale de France, du Louvre et des Archives nationales.

    Le bâtiment Art Déco que nous occupons aujourd’hui nous offre des espaces beaucoup plus généreux et mieux équipés que ceux dont nous disposions à La Sorbonne. Aussi bien pour les élèves et les professeurs que pour l’ensemble des collaborateurs, ce bâtiment donne toute satisfaction. Nous avons été gâtés par l’État !

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