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Archives de guerre : comment l'Ecpad préserve la mémoire des armées françaises ?

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    Identification d’un film d'archive par une technicienne de restauration de film de l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (Ecpad). (©Maxime Duhamel/ECPAD/Défense)
  • Depuis plus d’un siècle, l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, ou Ecpad, préserve la mémoire des archives audiovisuelles des armées françaises. Il est également à la manœuvre pour produire des images sur différents théâtres d’opérations extérieures. Visite dans les casemates du Fort d’Ivry.

    Temps de lecture : 6 minutes

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    Quel est le point commun entre Pierre Schoendoerffer, Claude Lelouch, Raymond Depardon, Antoine de Maximy et Michel Drucker ? Tous sont passés, au moment de leur service militaire, par l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense.

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    Un patrimoine unique à l'Ecpad

    À quelques encablures de Paris, il faut longer un discret chemin pour parvenir jusqu’à l’imposant fort d’Ivry que l’Ecpad occupe depuis 1946. Il faut ensuite passer un contrôle de sécurité avant d’accéder à un domaine de 11 hectares ceint d’une haute muraille.

    De gauche à droite, des bâtiments plutôt austères et des casemates qui hébergent un patrimoine unique : 13, 5 millions de photographies et 38 000 films produits par les armées françaises depuis plus d’un siècle.

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    « La création de notre institution remonte à 1915 », explique Laurent Veyssière, directeur de l’Ecpad ; « il s’agissait alors de contrer la propagande allemande lors de la Première Guerre mondiale et de montrer la vaillance des soldats français aux pays alliés. Il s’agissait également de témoigner, par l’image, des dommages de guerre et de documenter l’action de l’armée. Cette tradition du retour d’expérience remonte au XVIIe siècle ».

    En 2021, ce sont près de 250 personnes (23 % de militaires et 77 % de civils) qui mènent à bien les missions de l’Ecpad : des archivistes, des photographes, des spécialistes de la restauration documentaire, des réalisateurs, des ingénieurs du son, des formateurs… Au total, 54 métiers cohabitent au fort d’Ivry.

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    Restauration et conservation d'archives : de la plaque de verre aux cassettes vidéo

    À la tête d’une équipe de 70 personnes, Emmanuelle Flament-Guelfucci ne manque pas de travail :

    « Nous effectuons un diagnostic sanitaire sur une multitude de supports qui vont de la plaque de verre aux cassettes vidéo en passant par les films nitrate. Ce patrimoine doit également faire l’objet de restauration suivi d’un contrôle de qualité car il est souvent dégradé ».

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    Avec plus d’un siècle d’antériorité, ces documents couvrent aussi bien la Première que la Seconde Guerre mondiale, ainsi que les conflits d’Indochine et d’Algérie. Plus inattendus, certains fonds proviennent de dons et d’acquisitions réalisées à l’occasion de ventes aux enchères.

    En 2019, l’Ecpad a ainsi procédé à l’achat de la collection dite Gemmi de Prévot relative à la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Ces corpus « entrés par voie extraordinaire » représentent aujourd’hui 419 000 photographies et 800 films.

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    Dans les casemates, des magasins de conservation ont été installés afin de protéger les bobines de film et les tirages. « Ces caissons flambant neufs permettent de respecter les réglementations en matière de température, d’hygrométrie et de ventilation », précise Emmanuelle Flament-Guelfucci.

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    En 2019, un plan de sauvegarde et de numérisation sur cinq ans a été lancé pour conserver l’ensemble des films sur support nitrate. L’opération a un coût : 6 millions d’euros. Elle assurera le traitement de 5 000 bobines et donnera naissance à des fichiers numériques qui sont progressivement mis à disposition des utilisateurs (sociétés de production, musées, ministères…).

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    Des soldats de l'image sur les théâtres d’opérations extérieures

    L’Ecpad est gardienne de la mémoire audiovisuelle des armées françaises, mais ses missions vont bien au-delà de la préservation d’archives.

    « Nous envoyons nos soldats de l’image sur différents théâtres d’opérations extérieures, comme au Mali ou en Estonie », souligne Laurent Veyssière ; « leur mission dure quatre mois et leur permet de filmer ce qui se passe sur le terrain. Et, en tant que soldats, ils peuvent être amenés à ranger leur caméra pour se saisir de leur arme et participer au combat ».

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    Mais avant de partir en opération extérieure, tous les soldats passent par l’École des métiers de l’image pour apprendre leur métier. Lancée en 2013, l’Emi a déjà formé plus d’un millier de militaires qui y apprennent l’essentiel : les techniques de prise de vue (photo et vidéo), l’écriture journalistique, l’écriture scénaristique, la maîtrise de la lumière, le droit d’auteur…

    « Les soldats capturent, traitent et diffusent des images à la demande des officiers de communication en fonction des objectifs », précise Stéphane Jardy, directeur de l’École des métiers de l’image ; « leurs images servent à alimenter les réseaux sociaux, mais aussi à produire des documentaires de longue durée… Nous nous adaptons en permanence aux nouveaux outils et aux médias ».

    Derrière une lourde porte, un vaste studio de prise de vue sert à l’apprentissage de la photographie de portrait. Plus loin, des dizaines d’ordinateurs sont à la disposition des stagiaires des trois armées (air, terre, marine) pour parfaire leur maîtrise des logiciels de retouche et de montage. Réseaux sociaux obligent, des modules spécifiques ont été récemment créés pour investir ces terrains d’expression.

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    Chaîne de production

    Le 26 novembre dernier, la Nation rendait hommage au Compagnon de la Libération Daniel Cordier dans la cour des Invalides. La cérémonie, diffusée sur les chaînes d’information, était réalisée par l’Ecpad. Aux manettes, le réalisateur en chef Maxence Carion :

    « Nous assurons la production d’environ 400 événements par an qui vont du défilé du 14 Juillet aux cérémonies, en passant par des opérations extérieures. Avec 80 agents, nous sommes en mesure d’assurer toute la chaîne de la production : tournage, musique, montage, diffusion… »

    L’unité de production de l’Ecpad dispose de ses propres caméras, mais loue également du matériel lorsque cela est nécessaire. Ce fut par exemple le cas lors de la captation des cérémonies commémoratives des débarquements de Normandie et de Provence.

    L’Ecpad sort également la grosse artillerie lorsque les circonstances l’exigent. 20 caméras, 4 duplex, une moto-caméra et une douzaine de caméras sur le parc André Citroën ont été mobilisés pour un direct de plus de 4 heures à l’occasion de la journée nationale des blessés de l’Armée de Terre. Les images sont diffusées auprès des médias et servent aussi à alimenter les lives Facebook, Twitter et YouTube.

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    Plateforme Images Défense

    À partir de 2021, l’Ecpad devra s’atteler à deux nouveaux défis : la mise en ligne d’une plateforme d’accès aux archives de l’Ecpad. Baptisée Images Défense, elle proposera dans un premier temps 100 000 images fixes et 2 000 films. Entièrement gratuite, elle sera régulièrement enrichie de nouveaux corpus iconographiques et mettra des métadonnées moissonnables en open data à disposition des professionnels de la documentation.

    La nouvelle année sera également l’occasion d’accueillir et de traiter l’ensemble des archives audiovisuelles du ministère des Armées qui sont actuellement dispersées à travers toute la France. « Un chantier dont on ne connaît pas l’ampleur et un gros travail en perspective », explique-t-on au fort d’Ivry.

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