Droit : rôle de la norme dans la conservation des écrits électroniques

Uolir

 

La norme occupe une place particulière lorsque l’on aborde l’archivage, et particulièrement l’archivage électronique. Elle est fréquemment mise en avant par les prestataires d’archivage électronique comme un gage de leur compétence et de la qualité de leur prestation.

La norme est un instrument technique qu’il convient de resituer dans un cadre juridique. Elle est produite à la suite d’un processus précis de normalisation et a des conséquences juridiques variées.

processus d’adoption des normes

Le système français de normalisation a fait l’objet d’une réorganisation récente, par un décret du 16 juin 2009. La normalisation est aujourd’hui définie par l’article 1er du décret précité en ces termes : « La normalisation est une activité d’intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations. Elle vise à encourager le développement économique et l’innovation tout en prenant en compte des objectifs de développement durable ». C’est une association loi 1901 qui est principalement chargée de la normalisation : l’Association française de normalisation (Afnor), reconnue d’utilité publique par un décret du 5 mars 1943. Concrètement, les projets de normes sont élaborés par secteur par des commissions de normalisation qui regroupent toutes les personnes souhaitant participer à l’élaboration de la norme. Après la mise à disposition du public du projet de norme pendant un minimum de quinze jours, la norme est homologuée par l’Afnor. Pour l’archivage électronique, plusieurs normes ont été produites, telles la norme NF Z 43-400 « relative à l’archivage des données électroniques » de 2005 et la norme NF Z 42-013 « relative à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes » mise à jour en 2009.

L’article 17 du décret du 16 juin 2009 rappelle que « les normes sont d’application volontaire. Toutefois, les normes peuvent être rendues d’application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l’industrie et du ou des ministres intéressés ». Par dérogation au principe d’application volontaire des normes, il en existe certaines dont l’application est obligatoire et qui acquièrent la même valeur juridique que le texte qui s’y réfère. Les pouvoirs publics rendent obligatoire certaines normes essentiellement pour des raisons tenant à la sécurité des personnes, à la santé, la protection des consommateurs ou de l’environnement. Tel n’a pas été le cas pour l’archivage électronique. Cependant, dans la sphère publique, certaines normes relatives à l’archivage électronique peuvent, de manière indirecte, acquérir cet effet obligatoire.

le rôle des normes d’archivage dans la sphère publique

En la matière, il convient de souligner l’importance du Référentiel général d’intéropérabilité (RGI). Le RGI référence des normes et des standards que les autorités administratives, dont les collectivités locales et les organismes publics, sont tenues de respecter dans la mise en place et l’exploitation de leurs systèmes d’information. La rédaction du RGI a été prévue par l’ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 « relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ». Au terme de son processus d’élaboration, le texte de la version 1.0 du RGI a été adopté par un arrêté du 9 novembre 2009 du Premier ministre. Le RGI n’est pas dédié spécifiquement à l’archivage électronique mais traite de cette problématique. Le RGI établit soit des règles dont le respect est impératif pour les administrations, soit des recommandations dont l’application doit être privilégiée par les administrations. Aucune règle ne traite directement de l’archivage mais plusieurs recommandations y ont trait. Ainsi, s’agissant de « l’archivage » des documents bureautiques« non révisables statiques », le RGI recommande l’utilisation du PDF/A et le PDF 1.7 pour la « conservation » des documents bureautiques « dynamiques ». Cependant, comme le RGI l’indique luimême, le nombre de règles prévues dans le v 1.0 du RGI est volontairement limité pour circonscrire l’impact de la mise en conformité au RGI. Il est à prévoir que, dans ses futures versions, le RGI fixera des règles en matière de conservation des écrits électroniques. Il convient également d’évoquer l’arrêté du ministre de la Culture du 4 décembre 2009 précisant les normes relatives aux prestations en archivage et gestion externalisée. La loi n°2008-696 du 15 juillet 2008 a réformé la législation applicable aux archives publiques et prévue la possibilité de confier la gestion des archives publiques, y compris dans leur forme électronique, à des prestataires de services tiers. En application de l’article L 212-4 du code du patrimoine, les personnes souhaitant assurer la conservation d’archives publiques doivent bénéficier d’un agrément. Parmi les conditions à remplir pour obtenir cet agrément figure l’obligation d’exercer son activité en conformité avec les normes relatives à l’archivage électronique déterminées par arrêté du ministre chargé de la Culture. Cet arrêté, publié le 4 décembre 2009, référence la norme NF Z 42-013 dans sa version de mars 2009 comme norme à appliquer par ces prestataires.

l’utilité juridique de la norme dans la sphère privée

Même non obligatoire, la norme n’est pas dénuée d’utilité juridique lorsqu’elle est appliquée. Pour ce qui concerne les entreprises privées, la conservation des écrits relève de problématiques juridiques variées. Dans certains cas, la conservation de l’écrit électronique est une obligation légale. On prendra pour exemple la comptabilité. L’article 102 B du Livre des procédures fiscales prévoit qu’un document comptable établi de façon dématérialisée doit être conservé sur un support informatique. Cependant, la loi ne se réfère à aucune norme technique que l’entreprise devrait suivre pour satisfaire aux exigences fiscales. Très souvent, cependant, la conservation de l’écrit ne relève pas d’une obligation légale mais de l’intérêt qu’a l’entreprise de conserver la preuve écrite des obligations dont elle est débitrice ou créancière aussi longtemps que ces dernières ne sont pas prescrites. Lorsque les documents sont conservés sous forme électronique, l’entreprise doit pouvoir rapporter la preuve que la conservation s’opère dans des conditions garantissant l’intégrité du document électronique. Prenons l’exemple de la copie numérique d’un document papier signé – par exemple un contrat ou une lettre reçue par l’entreprise. L’article 1348 du code civil nous apprend que la copie numérique ne vaudra preuve que si cette copie est une reproduction « fidèle et durable » du document original papier. Toute la question est de savoir comment réaliser la copie électronique fidèle et durable d’un original papier. La loi ne dit rien sur cette question. Et c’est ici que la norme prend tout son sens. La norme NF Z 42-013, par exemple, constitue l’expression consensuelle de ce que les professionnels de l’archivage électronique considèrent être les spécifications à mettre en oeuvre pour conserver, sur la durée, une copie électronique fidèle de l’original papier. Elle constitue ainsi la formalisation des règles de l’art applicables en matière d’archivage électronique. L’entreprise qui assure la conservation d’originaux papier sous forme de copies numériques, en respectant cette norme, doit logiquement aboutir à l’établissement de copies « fidèles et durables » au sens de l’article 1348 du code civil précité. Il n’y a cependant, à ce jour, aucune jurisprudence publiée qui vienne le confirmer. La norme NF Z 42-013 s’applique également à la conservation de documents « nativement » électroniques. Il convient de ne pas se méprendre sur la nature de la preuve qui sera constituée en faisant application de la norme NF Z 42-013 dans cette circonstance. Lorsque le document électronique à conservern’est pas un document revêtu d’une signature électronique présumée fiable, au sens de l’article 1316-4 alinéa 2 du code civil, ce document a une valeur probatoire limitée si la personne à laquelle on l’oppose le conteste. Le mode d’archivage d’un tel courrier électronique est donc neutre juridiquement. Archiver le message dans un système répondant à la norme NF Z 42-013 ne permettra pas de conférer au message une valeur probatoire supérieure. Mais le tout n’est pas d’appliquer la norme. Encore faut-il pouvoir prouver qu’on l’applique ! C’est là tout l’objet de la certification.

 

À retenir

D’un point de vue juridique, la norme NF Z 42-013 constitue la formalisation de l’état de l’art en matière d’archivage électronique.

  • Dans la sphère publique, cette norme doit être respectées par les prestataires d’archivages électroniques.
  • Dans la sphère privée, son application vise à plusieurs objectifs juridiques : réaliser des copies fidèles et durables au sens de l’article 1348 du code civil d’un document original papier ou conserver un document électronique revêtu d’une signature électronique dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité, au sens de l’article 1316-1 du code civil.
  • Aucune jurisprudence n’est cependant encore venu consacrer les effets juridiques de cette norme.
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