le Centre d'archives socialistes milite pour le versement

CAS-Fondation Jean-Jaurès Intervention manuscrite de Lionel Jospin, secrétaire général du PS, en 1982. CAS-Fondation Jean-Jaurès

 

Créé en 1999 par la Fondation Jean-Jaurès, fondation politique proche du Parti socialiste français, le Centre d'archives socialistes (CAS) est un des très rares centre français d'archives politiques. A l'interface entre gestion des versements et valorisation de fonds auprès des publics.

« Inscrite dans les gènes de la Fondation Jean-Jaurès puisque les statuts de la fondation en 1992 projettent la création d'un centre d'archives et de documentation dédié à l'histoire du mouvement ouvrier et socialiste» (1), le Centre d'archives socialistes n'a pû éclore que suite à une convention tripartite signée en 1997 entre le Parti socialiste, la Fondation Jean-Jaurès et l'Office universitaire de recherche socialiste. Car «le PS reste propriétaire de ses archives», précise Thierry Mérel, l’un des deux archivistes qui a mis en place le CAS. En effet, le statut des organisations militantes en France relève du droit privé. S'il présente les problématiques d'un centre d'archives privé, très différentes de celles des centres d'archives publics, le CAS est membre de l'Association des archivistes français (AAF), mais revendique également son appartenance au Codhos, le Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale (2)

Régulièrement interrompu par des coups de fils de demande de rendez-vous pour accéder au fonds, Thierry Mérel brosse le quotidien du centre, «constituer l'interface entre les archives socialistes et les chercheurs», soulignant par là même cet aspect consubstantiel au archives, l'accueil du public et la valorisation. Une dimension de valorisation accentuée par l'organisation en partenariat avec d’autres fondations et centres de recherche universitaires, de colloques et séminaires, ainsi que d'édition de travaux de recherche.

ne rien jeter

Mais ce rôle d'interface ne se joue pas qu'en aval, il se joue aussi en amont, au moment du versement, avec une action pédagogique et de sensibilisation aux bonnes pratiques, ainsi qu'à l'importance des archives. Rôle loin d'être superfétatoire car le militant politique vit dans l'action. Et rôle couronné par un passage de plusieurs pages dans le guide du secrétaire de section consacré à l'importance des archives qui conclut, en majuscules et dans une prose fleurant bon le militantisme : « Ne rien jeter, informer la fédération ou les centres d'archives partenaires (l'OURS, la Fondation Jean-Jaurès), une solution sera trouvée ». « Concrètement, et à l'issue d'un gros travail de collecte d'arriéré réalisé depuis 1999, détaille l'archiviste, des réflexes se sont mis en place et les effets sont perceptibles du côté de la rue Solférino où on constate une rationnalisation des versements grâce à notre action pédagogique. Nous sommes d'ailleurs régulièrement en rapport avec le PS, notamment avec son service de documentation qui joue un peu pour nous le rôle de relais auprès des différents secrétariats nationaux ».

Ces archives à la fois courantes et patrimoniales - « mais n'ont-elles pas toutes vocation à être considérées comme patrimoniales un jour ?, s'interroge Thierry Mérel, nous ne sommes pas dans des archives sérielles !» - ne parviennent pas toutes au 12, cité Malesherbes. Emmanuelle Jouineau, responsable du CAS, a également un rôle de conseil auprès des fédérations socialistes quant à la gestion de leurs archives. Elles peuvent aussi être conservées et valorisées au sein du siège des fédérations, ainsi que versées aux Archives départementales par exemple.

Les prochaines échéances électorales vont encore accentuer cette démarche : « On veille à ce que les archives de la campagne soient bien conservées, que leur versement s'effectue correctement en amont, comme ça a été le cas en 2002 et 2007 », témoigne l'archiviste diplômé de l'Université d'Angers. Qui se fait presque lyrique lorsqu'on l'interroge sur la spécificité des archives politiques : « Il s'agit d’archives très riches car elles rendent compte de la société et de sa perception à des moments donnés, et constituent une réponse à des problématiques variées. D'ailleurs, les chercheurs qui consultent le fonds ne sont pas qu'historiens, il y a des politologues, des sociologues, des documentaristes ».

à chaque parti sa politique archivistique

Cette spécificité réside aussi dans l'objet lui-même : drapeaux, affiches, foulards, mais aussi pin's ! Spécificité enfin des archives de chaque mouvement politique, « chaque parti ayant une tradition personnelle, une culture spécifique, et ne présente pas le même rapport au militantisme, explique Thierry Mérel. Il est donc important de constituer le fonds de manière la plus logique, avec un plan de classement choisi en fonction de la structure du parti, conformément à son organisation ». Mais alors comment expliquer la visibilité et l'activité bien supérieures des archives des partis de gauche par rapport à celles des partis de droite ? Faut-il voir un quelconque rapport entre idéologie et démarche archivistique ? « C'est plutôt lié à l'histoire, estime l'archiviste. Logiques et partis de gauche existent sous leur forme organisée depuis beaucoup plus longtemps que les actuels partis de droite, également davantage liés à de grandes figures. Mais il y a des limites à cette explication, tempère-t-il. Le parti radical, plus vieux parti de France, a des archives qui, à ma connaissance, ne sont pas valorisées ». Last but not least, Thierry Mérel reconnaît que la dimension think tank de la Fondation Jean-Jaurès encourage et incite à la valorisation des fonds.

 

(1) Emmanuelle Jouineau, « Le Centre d’archives socialistes de la Fondation Jean-Jaurès. Nouvelles sources d’archives et perspectives de recherche sur le parti socialiste », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 13, janvier-avril 2011 :

à www.histoire-politique.fr

(2) Fédérant diverses institutions – centres d’archives privées et publics, bibliothèques et centres de recherche, issus du monde syndical et politique, et universitaire – le Codhos, association née en 2001, tente de remédier à la dispersion des sources de l’histoire du monde ouvrier via la mise en commun des expériences et des ressources.

 Un guide pour que le ou la secrétaire de section soit aussi un peu archiviste

+ repère

le fonds du CAS et valorisation numérique

- Près de 1,5 km linéaire abrités dans des locaux agrandis en 2004, 2006 et 2010.

- Plusieurs centaines de séances de consultation annuelle.

- Plus de 1200 affiches.

- Plus de 100 000 pages numérisées, avec le soutien du Ministère de la Culture consultables sur :

Quelques-uns des fonds conservés : élections (1973-2007), premier secrétariat (1971-1988), relations internationales du parti socialiste (1971-1999), fédérations socialistes (par département, 1958-1998).

« Le CAS et ses fonds requièrent aujourd'hui une meilleure visibilité en ligne. Notre prochain gros chantier consiste d'ailleurs en la mise en place d’un portail dédié à la valorisation de ces fonds, pour certains déjà numérisés ». Ainsi que l'évoque Thierry Mérel, le CAS propose sur le site de la Fondation Jean-Jaurès l'accès à un certain nombre de collections. Parmi lesquelles les débats des congrès (1939-1997), les 672 numéros de l’hebdomadaire du Parti socialiste L'Unité parus de janvier 1972 à décembre 1986 [voir Archimag n°224, La fondation Jean-Jaurès numérise l'hebdomadaire L'Unité], 648 affiches, etc.

à www.jean-jaures.org

+ Dossier: archives et politiques: une cohabitation diffiicile d'Archimag N° 251

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Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.