L'externalisation des archives

 

On constate une tendance des entreprises privées et publiques à développer l’externalisation de leurs archives au format papier et électronique. Les expériences de toutes ces structures nous mettent en garde sur la nécessité d’un travail de réflexion et organisation préalable avant de confier la mémoire ainsi sauvegardée à un tiers. Portrait des pratiques usuelles dans ce domaine.

 L'externalisationou Outsourcing. L'externalisation désigne la délégation d'une fonction secondaire à un prestataire extérieur, fonction qui pourrait potentiellement être réalisée en interne. L'externalisation concerne les tâches liées au fonctionnement de l'organisation, intervenant beaucoup plus indirectement que les activités opérationnelles sur la production finale de l'entreprise. L'externalisation se distingue de la sous-traitance, qui concerne les opérations contractuelles par lesquelles un entrepreneur confie tout ou partie d'un travail destiné à ses propres clients.">i des archivesi papiers et électroniques a le vent en poupe dans l’Hexagone. La volonté de rationalisation des coûts explique en grande partie cette pratique, mais pas exclusivement. Dans le cas des archives électroniques, « la sécuritéaccrue de l'informationi et la pérennité des formats d'archivagei » sont aussi souvent garanties, explique Denis Zandvliet, directeur commercial d'Anacomp, prestatairei d'origine états-unienne spécialisé dans l'externalisation, la maintenance, l'imagerie et l'impression. « La possibilité de gagner de l'espace et la mise en conformité réglementaire, pour les filiales de groupes américains » constituent d'autres facteurs d'adoption, selon Stéphane Benais, directeur des technologies de l'information chez Iron Mountain, tiers archiveuri outre-Atlantique, acquéreur des français Memogarde en 1999 et Architel en 2005. « Confier le traitement des documents à un tiers apporte une certaine neutralité juridique », assure Xavier Guillet, directeur marketing de la branche française d'Asterion.
Par ailleurs, après une normalisation de l'Afnori en 1999 – avec la normei Z42-013 –, la loi du 13 mars 2000 sur la signature électronique a facilité l'essor de l'archivage électronique, reconnaissant une valeur de preuve aux documents numériques authentifiés et sauvegardés sur des médias non-réinscriptibles. Créée en 2001 par des fédérations professionnelles et des spécialistes en dématérialisation, la Fédération nationale des tiers de confiancei (FNTC) a en outre clarifié les processus à respecter par les tiers de confiance.
 
frein psychologique

Au chapitre des freins à l'externalisation, les prestataires citent toutefois des résistances d'ordre psychologique perdurant dans les sociétés, comme la peur du changement ou la crainte d'une moindre sécurisation ; également des obstacles sociaux, concernant les services internes qui peuvent pâtir d'une éventuelle externalisation. Ou encore une certaine incapacité à évaluer les gains de coût avec l'externalisation, le budget lié à l'archivage interne étant relativement noyé dans celui des systèmes d'information.
 
définir le périmètre des archivesà externaliser

Pour l'Association des archivistes français, le terme archives correspond à « l’ensemble des documents produits dans l’exercice d’une activité pour garder trace des actions d’une personne, ou d’une organisation publique ou privée ». A ce titre, et contrairement à une idée reçue, ce terme n'est pas réservé aux documents anciens, un document devenant « un document d’archives dès sa création ». On distingue alors deux types d'archives, ajoute Xavier Guillet : « des supports avec valeur historique ou culturelle et des documents à valeur probante ».
En amont de l'externalisation, il convient pour l'entreprise « de s'interroger, de cerner les flux d'information à archiver, d'identifier les personnes autorisées à lesconsulter et de se renseigner sur les durées légales de conservationi applicables », explique Jean Luc Jouhannaud, directeur commercial de Locarchives, tiers archiveur dans l'archivage depuis 1977. Le prestataire se charge à cette occasion du « métrage des archives papiers », selon Stéphane Bennais d'IronMountain. Sa prestation d'audit a vocation à « estimer les taux de rotation » des documents, en distinguant l'archivage vivant ou courant de celui qui est dormant ou définitif. Le coût des premières archives, consultées fréquemment, sera en effet plus important.
 
assistance gracieuse

En règle générale, les tiers assistent gratuitement leurs prospects à ce stade de l'étude préalable. Cette prestation devient payante lorsqu'il s'agit d'identifier des flux plus massifs, dans les grands groupes notamment, ou à l'occasion de projets complexes exigeant l'intervention de cellules dédiées. En parallèle, la réalisation du cahier des charges formalise les besoins et les attentes du client, aussi les évolutions possibles du périmètre d'archives physiques concernées et des capacitésde stockage numériques offertes par les prestataires.
 
consulter les différents intervenants

Il existe de nombreux tiers archiveurs sur le marché français. Cependant, rares sont ceux présentant des offres globales, d'archivage papier et électronique.C'est le cas, entre autres, d'Ago, Archiv'Alpha, d'Archiveco, de Locarchives ou de SGA (Société générale des archives). Le marché risque néanmoins d'évoluer très rapidement si l'on en croit le responsable d'un archiveur national ; il nous indique que « les sociétés ancrées sur le papier cherchent actuellement à se diversifier dans le numérique, préparant l'évolution prochaine du marché ».
Des spécialistes de l'éditique – traitement industriel des documents de gestion – les rejoignent, entrant de plus en plus en concurrence avec les tiers archiveurs plus traditionnels. Certains liés à de grands groupes postaux, ils se soucient de compléter leurs offres de traitement des flux papier par une solution de gestion des flux électroniques. C'est le cas d'Asterion, société de la Poste belge présente en France, d'Aspheria, une filiale de la Poste française, et de Koba, une entité de son homologue allemand opérant de ce côté du Rhin. Les opérateurs postaux belges et français ont en outre respectivement investi dans des fournisseurs de certificats électroniques (Certipost en Belgique et Certinomis en France). Dans l'Hexagone, après avoir créé Aspheria en 2001, La Poste a également absorbé en juillet dernier la société Orsid, via sa filiale Sofipost. Forte de quatre cent trente collaborateurs, cette dernière s’est spécialisée dans l'éditique et l'archivage.
D’autres éditeurs, comme STS Group, ont également développé des solutions logicielles d'archivage légal, distribuées auprès d'intégrateurs et de partenaires dans l'hébergement ou l'éditique.
 
border les relations avec le tiers archiveur

Avant l’engagement, divers aspects de la prestation sont à spécifier dans les contrats d'externalisation noués entre le client et le tiers archiveur sélectionné. Le client s'assurera des compétences internes du prestataire, de la qualité de l'indexationi offerte, du respect des critères propres à la conservation – comme le taux d'hydrométrie ou la climatisation. L'engagement portant sur plusieurs années, « il lui faut aussi vérifier la solidité financière de son fournisseur, selon Stéphane Benais d'Iron Mountain, et prévoir des clauses et de réversibilité dans le contrat ». « Des pénalités peuvent en outre être prévues en cas de non respect des engagements», affirme Xavier Guillet, d'Asterion.
D'autres points ayant trait à la sécurité s’intégreront dans des clauses précises des contrats de service. « Le prestataire doit prendre une assurance sur le transport et les dommages matériels et immatériels », d’après Hervé Chavasse, consultant en imagerie numérique chez Safig, spécialiste de l'externalisation ; puis « ses salariés doivent avoir signé des clauses de confidentialité liées aux données concernant les clients ». D'autres« règles opérationnelles fixées par l'entreprise » peuvent être appliquées, note pour sa part Denis Zandvliet : « L'accès aux documents pourra, par exemple, être exclusivement réservé aux comptables ou à des responsables des ressources humaines habilités».
 
formats appropriéset signature électronique

En ce qui concerne les formats électroniques utilisés pour la sauvegarde, tout dépend des délais de conservation. Un format non normalisé mais répandu peut en effet être approprié pour un archivage à court terme, précise Olivier Torrès, directeur marketing d'Aspheria. Pour l'archivage à long terme, le PDFi-Aest en revanche de rigueur. Basculé par Adobe dans le domaine public, ce format a été normalisé par l'Organisation internationale de la normalisation (Iso) en 2005 (norme Iso 19005). Il est recommandé pour la conservation à long terme.
Quant à la signature électronique, celle-ci peut être délivrée par les prestataires en partenariat avec destiers de confiance comme Adesium, Certinomis, Certipost ou Verisign. Concrètement, il s'agit d'une « empreinte calculée par un algorithmei. Elle doit être générée lorsque le document est versé dans le système d'archivage. Chaque modification du document entraîne une modification de l'empreinte », expliqueJ ean-Luc Jouhannaud, directeur commercial de Locarchives.
Enfin, se pose la question « du mode retenu pour la restitutioni de l'archive elle-même ou d'une copie, que ce soit au format papier, par fax ou par voie électronique», conclut Xavier Guillet, directeur marketing d'Asterion.
 
la douloureuse

Bien entendu, tout ceci a un coût ! A titre d'exemple, Locarchives réclame un loyer annuel pour chaque unité physique de stockage, c'est-à-dire pour chaque conteneur réservé aux archives papier. Sont comptées en sus les prestations de recherche des documents. Du côté des archiveurs électroniques, les clients sont le plus souvent  facturés par licencei et en fonction de la charge sur les serveurs. Anacomp et Asterion facturent ainsi les utilisateurs en fonction des giga ou des téra-octets de données reçues. Ils répercutent ensuite sur les clients les prestations de gestion et d'accès aux documents.
 

Les podcasts d'Archimag
Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.