mémoire de la police

le service de l’identité judiciaire, sous les combles du 36, quai des Orfèvres, fin XIXe siècle service des archives et du musée de la Préfecture de police

 

La préfecture de police de Paris vient de se doter d’un nouveau service destiné à valoriser un patrimoine qui suscite une curiosité croissante de la part des chercheurs et du grand-public. Grâce à une politique de dérogation généreuse, ces archives sont aujourd’hui plus accessibles que jamais.

Ce fut l’une des surprises littéraires de la rentrée littéraire 2008 : le livre Dans les secrets de la police s’était écoulé à 25 000 exemplaires ! Un score très honorable pour un ouvrage vendu au prix de 69 euros. Depuis, les éditions de L’iconoclaste ont récidivé avec une version texte à un prix plus abordable – 24,90 euros – qui, à ce jour, dépasse déjà les 20 000 exemplaires. Ce succès doit autant à la qualité des ouvrages qu’à la curiosité croissante du grand-public pour les archives policières. Depuis toujours, les archives de la Préfecture de police ont alimenté la légende. Héritière de la Prévôté de Paris et de la Lieutenance générale, la célèbre PP est l’une des institutions les plus anciennes de l’État et passe pour être l’une des mieux informées de France. Son patrimoine archivistique est d’une telle richesse que l’on vient du monde entier pour le consulter : « Nous recevons environ 2 500 personnes par an qui viennent aussi bien de Chine, des États-Unis, du Japon, d’Inde et bien sûr de France, précise Jean-Marc Gentil, directeur du nouveau service de la mémoire et des affaires culturelles (SMAC) de la Préfecture de police ; il s’agit d’historiens, de chercheurs, d’écrivains ou de journalistes qui sont à la recherche de documents policiers – police judiciaire, anciens Renseignements généraux, ordre public… – et politiques – comptes rendus de manifestations, événements sociaux, visites officielles ».

exonération de versement

Créé au mois de novembre 2009 à l’initiative du préfet de police Michel Gaudin et de son directeur de cabinet Christian Lambert, le SMAC a une ambition : faire mieux connaître un patrimoine qui a longtemps souffert d’une réputation d’inaccessibilité. Il est vrai que la Préfecture de police bénéficie d’une exonération de versement aux Archives nationales en raison du caractère sensible de ses documents. À l’instar du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense, elle gère ses propres fonds grâce à des archivistes habilités à exploiter des documents policiers. La PP est en revanche tenue de respecter la loi de 2008 sur la communication des archives. Selon Jean-Marc Gentil, la Préfecture va même plus loin : « Lorsque les demandes des chercheurs portent sur des archives non communicables, nous procédons à un examen de leur requête. Chaque année, nous accordons environ 70 dérogations particulières. Les refus opposés aux demandes de dérogation sont rarissimes ».

dérogations particulières, dérogations générales

En 2009, les dérogations particulières ont porté sur des communications d’archives relatives à l’occupation allemande (30 %), à la IVe et la Ve républiques (18 %), à l’épuration (11 %), aux affaires criminelles (6 %), à la guerre d’Algérie (5 %), à la généalogie (3,5 %). Quant aux de - mandes de consultation de documents concernant le parti communiste, jadis nombreuses, elles ne représentent plus que 1,5 % des dérogations. Il existe une autre catégorie de dérogation, dite générale, qui permet d’accéder à des documents déclarés incommunicables par la loi de 2008. Cette dérogation générale couvre deux périodes sensibles : la collaboration et la guerre d’Algérie. Ce principe dérogatoire fut décidé par l’hôtel Matignon en 1997 pour la collaboration et en 2001 pour la guerre d’Algérie.

l'oreille musicale

La mémoire de la Préfecture de police ne se réduit pas aux archives stricto sensu. Le SMAC coiffe également le patrimoine documentaire, musical, littéraire, muséal, technique et audiovisuel de l’institution policière. On le sait peu, la PP a l’oreille musicale… Elle possède une batterie fanfare et un orchestre d’harmonie dont les 122 musiciens sont recrutés après des épreuves de haut niveau au sein des conservatoires nationaux. La Musique des gardiens de la paix joue dans le monde entier des oeuvres dont certaines ont été composées spécifiquement pour cet orchestre par Henri Dutilleux, Lili Boulanger ou Michel Legrand. À ce titre, elle possède une bibliothèque musicale équivalente à celle de l’Opéra de Paris. Autre héritage géré par le service de la mémoire et des affaires culturelles, le patrimoine technique de la Préfecture de police est plus connu du grandpublic. Chaque année, à l’occasion des journées du patrimoine, la PP expose d’anciens véhicules de police et de pompiers de toutes les époques en plein coeur de Paris sur la place Louis Lépine. En septembre 2009, 25 000 spectateurs s’étaient pressés pour admirer des carrosseries remises à neuf par les garagistes de la préfecture. Le musée de la police [voir encadré] est quant à lui une caverne d’Ali Baba pour quiconque s’intéresse à la vie des sinistres Landru et docteur Petiot…

défi numérique

Comme toutes les institutions archivistiques, le SMAC est aujourd’hui confronté aux défis de l’ère numérique. Les collections audiovisuelles comptent près de 2 millions de films négatifs et 4 000 plaques de verre. Ajoutées aux fonds papier, c’est une double tâche de numérisation qui attend la Préfecture de police : « Nous sommes au pied des pyramides de Guizeh ! », constate Jean- Marc Gentil. Avant de prendre la direction du SMAC, cet ancien sous-préfet fit ses armes au Louvre en tant que secrétaire général et eût la charge des résidences de la présidence de la République. Son souhait est de numériser prioritairement les documents lus plus consultés et les plus fragiles. Figureraient dans ce premier lot, les archives relatives aux sinistres Brigades spéciales qui, sous l’occupation, traquaient les résistants, les juifs et les communistes. La mémoire de la police est aussi celle de la nation tout entière comme le montrent les partenariats noués entre le SMAC et les institutions culturelles françaises et étrangères. Dernier en date, le prêt de 60 pièces du musée de la police pour l’exposition « Crime et châtiment » qui se tient jusqu’au 27 juin prochain au musée d’Orsay.

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