vers une justice plus électronique

 

Présenté comme un vaste plan de modernisation de la justice, le chantier de dématérialisation prend son envol en 2008. Mais la vitesse de croisière ne sera atteinte que dans plusieurs années. En attendant, le tribunal de commerce de Paris et les notaires font figure de précurseurs.

 À la tête du ministère de la Justice, Rachida Dati n’a pas attendu longtemps pour affirmer sa volontéde doter la justice d’outils informatiques performants. Quelques jours après avoir été nommée garde des Sceaux, elle annonçait, le 25 juin 2007, que la numérisation et la dématérialisation étaient un projet prioritaire : « Je sais que c’est une attente forte des magistrats et des fonctionnaires pour améliorer leurs conditions de travail [...]. Il ne peut pas y avoir de fracture judiciaire numérique. La numérisation et la dématérialisation, c’est une justice plus efficace. Les avocats doivent pouvoir accéder au dossieri pénal de leurs clients sous forme numérique pour mieux les défendre, notamment lors des comparutions immédiates. En matière civile, les avocats doivent pouvoir suivre en temps réel par internet">i l’état d’avancement d’un dossier ». Elle indiquait la mise en place d’un système concédant aux avocats le suivi de leur procédure en ligne dans chaque tribunal de grande instance (TGI), à partir du 1er janvier 2008.
À la date prévue, les TGI et les cours d’appel ont reçu le matériel nécessaire à la dématérialisation des procédures pénales. Ils disposent d’un système de communication électronique avec les barreaux, les avocats travaillant sur les copies électroniques. Le coût de l’équipement, pour le seul exercice 2007, s’élève à dix millions d’euros. Au ministère de la Justice, le déploiement a été piloté par une équipe de trente personnes placées sous la direction du secrétariat général. Quant aux juridictions, elle sont mis en place des comités de pilotage composés de magistrats, d’avocats et de techniciens informatiques. La dotation à l’échelle nationale a été précédée au cours de l’été 2007 de l’équipement en stations de numérisation dans une centaine de juridictions pilotes. Six mois sont un minimum nécessaire pour évaluer l’apport des outils et leur impact sur les méthodes de travail.
 
pas pour demain
 

Mais si le ministère de la Justice affiche sa satisfaction d’avoir équipé les principales juridictions françaises en quelques mois, certains observateurs estiment que la justice dématérialisée n’est pas pour demain. Numériser les masses colossales de documents durera des années, sans compter le manque de connaissances d’une partie des employés en matière de scanners et de suites logicielles, même si un plan de formation a été engagé. Les cabinets d’avocats ne sont, quant à eux, pas tous équipés de systèmes d’informationi capables de recevoir et traiter les documents dématérialisés. Mais le mouvement est enclenché et près d’une vingtaine de barreaux, comme Avignon, Narbonne et Brest, ont signé une convention avec le Conseil national des barreaux pour accéder à e-Barreau, le réseau privé virtuel des avocats. La plate-forme offre une connexion avec le greffe et l’échange des actes et des pièces de procédure avec le tribunal de grande instance. E-Barreau a été développé par l’opérateur de services Certeurope.
L’équipement se fait au fil de l’eau, sans certitude de connaître le nombre de cabinets en mesure de communiquer par voie électronique. Peu sensibilisés aux enjeux de la dématérialisation, les avocats ont mis un certain temps à s’approprier le réseau virtuel. Quant aux barreaux régionaux, ils signent les uns après les autres uneconvention avec le conseil national pour y accéder. Rachida Dati avait fait part de sa décision. Il incombait au ministère de la Justice d’initier le mouvement vers la dématérialisation et de ne pas attendre que les avocats soient dotés d’outils ad hoc, sinon la réforme numérique n’aurait jamais lieu. Les avocats abonnés au réseau privé virtuel des avocats pourront obtenir en ligne les éléments de procédure tels que les convocations, les notifications et procéder à des échanges électroniques avec les services enquêteurs.
 
problèmes insolubles de confidentialité
 

Le mouvement vers la dématérialisation a commencé ily a plus de trente ans. Selon Stéphane Cottin, documentalistehttp://www.adbs.fr)">i juridique et blogueur spécialisé, « l’informatisationSIGB).">i du casier judiciaire, entamée dès le début des années 1970 et entièrement réalisée en 1995, est une réussite exceptionnelle et trop discrète que le monde nous envie. Citons également la base officielle Cass, créée en 1960, regroupant les arrêts de la Cour de cassation. Il ne s’agissait que de stockage, mais des solutionsplus dynamiques ont rapidement vu le jour ». Stéphane Cottin estime cependant que « les expériences de numérisation et de dématérialisation sont toujours restées locales, relativement peu coordonnées et soumises aux aléas de budgets fluctuants ». À ses yeux, la dématérialisation présente aussi des désavantages et pose « des problèmes insolubles de confidentialité et de pérennité des systèmes ». Les risques de piratage existent et pourraient déboucher sur l’interception de pièces numérisées, constituant un viol de l’instruction.
 
précurseur
 

Le notariat poursuit sa mue numérique lentement, mais sûrement. Depuis le 1er janvier 2008, les actes notariés peuvent être établis et signés sous forme électronique. « L’innovation a été encouragée par le Conseil supérieur du notariat incitant les notaires à se doter de matériel de dématérialisation », précise maître Lefèvre, notaire à Moutiers (Savoie). Il pourrait faire office de précurseur puisqu’il a décidé d’acquérir un système d’archivagei électronique et une solution de Gedi dès 2000. L’étude a atteint sa vitesse de croisière numérique, les minutes étant numérisées et envoyées à la Conservationi des hypothèques. Ce service administratif dépend de la direction générale des impôts et se charge de la gestion du fichieri immobilier. Grâce à sa plate-forme électronique, la Conservation des hypothèques reçoit les actes de notaires dématérialisés.Ces exemples réussis pourraient servir de référence aux inévitables imperfections accompagnant la migrationi.
 
références réussies
 
 
Des expériences ont déjà eu lieu et font figure de références. Le greffe du tribunal de commerce de Paris procède depuis plus d’un an à la dématérialisation des procédures et propose des certificats destinés aux entreprises parisiennes et aux avocats. Une autorité de certification délivre les certificats donnant accès aux téléprocédures de la sphère publique et aux formalités du registre du commerce. La chambre nationale des huissiers de justice a confié à Experian la mise en place d’un service de numérisation et d’archivage électronique des actes authentiques à destination des huissiers de justice. La plate-forme, développée par CDC Arkhinéo, propose un minutier central rassemblant les premiers originaux de l’étude dématérialisée et archivés par la profession, des services de transmission d’actes et un coffre-fort électronique.
 

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Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.