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Dossier : Débuts difficiles du livre numérique en bibliothèque

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  • Davantage fréquentées, mais avec moins de lecteurs abonnés, comment les bibliothèques intègrent-elles le numérique dans leurs ressources ? C’est aujourd’hui le livre numérique qui fait le plus débat. Sous diverses formes, de la liseuse au téléchargement, il est proposé par un nombre croissant d’établissements. Mais les bibliothécaires détiennent-ils toutes les cartes ? Le projet de prêt numérique en bibliothèque (PNB) doit faciliter le processus. Retour d’expérience à Paris et Carouge, en Suisse.

    Sommaire du dossier :

    Au 1er mars 2015, près de 600 bibliothèques municipales proposaient des liseuses ou des tablettes à leurs usagers. Selon un recensement effectué par le consultant Hervé Bienvault, le nombre d’établissements disposant d’une offre numérique de lecture progresse régulièrement en France. La carte du prêt de liseuses ou tablettes en bibliothèque montre un maillage territorial plutôt régulier. Sans surprise, la région Ile-de-France figure en tête, suivie d’agglomérations également bien engagées : Rennes, Clermont-Ferrand, Nantes... Trois déserts numériques apparaissent cependant aux confins de la Lozère, des Alpes de Haute-Provence et de la Haute-Marne.  

    L’expansion des offres numériques est confirmée par l’enquête annuelle 2014 réalisée par Vodeclic (solution de formation) entre décembre 2014 et janvier 2015 auprès de 900 bibliothèques françaises. Mais avec une nuance : « Le budget reste le principal frein au lancement des ressources », souligne cette étude. 47 % des bibliothèques interrogées par Vodeclic répondent disposer d’un budget inférieur à 5 000 euros et même inférieur à 2 000 euros pour 23 % d’entre elles. Au premier abord, ces enveloppes sont donc modestes quand il s’agit d’acquérir des liseuses, des tablettes et des catalogues numériques. Mais cela ne semble pas entamer la volonté des bibliothèques de regarder vers l’avenir : 81 % déclarent avoir un projet de lancement de ressources numériques, dont 38 % dans les deux prochaines années.

    Un marché encore embryonnaire

    Pour autant, « il y a un vrai retard en France », constate Lionel Dujol, secrétaire adjoint chargé du numérique au sein de l’Association des bibliothécaires français (ABF). Comparativement aux États-Unis et au Canada, l’offre numérique française est en effet 

    bien modeste. Mais elle est à rapprocher de la maturité marché du livre numérique sur le marché nord-américain où les e-books contribuent désormais de façon importante au chiffre d’affaire des éditeurs. En France, la part du livre numérique reste marginale : 4,1 % du chiffre d’affaires net des éditeurs selon une étude du cabinet KPMG. Dans ce contexte, les bibliothèques sont à l’unisson d’un marché encore embryonnaire. Ce retard s’explique aussi par une série de facteurs techniques, juridiques et commerciaux. Les bibliothécaires se plaignent par exemple de l’extrême complexité à gérer les DRM (digital rights management ou gestion numérique des droits) imposés par les éditeurs ; il y aurait autant de règles de prêt que d’éditeurs !

    « En France, on estime à 100 000 le nombre total de titres proposés aux bibliothèques en prêt numérique », indique le Syndicat national de l’édition qui soutient le projet PNB (prêt numérique en bibliothèque). Mais, autant le dire tout de suite, il n’est guère facile de comprendre qui fait quoi dans cette chaîne de prêt numérique ! Tentative d’explication... Un distributeur de livres numériques transmet à la société Dilicom la description des offres que lui a confiées son éditeur. Ces offres sont ensuite intégrées dans un fichier exhaustif du livre (FEL) et diffusées vers les libraires qui, à leur tour, les présentent aux collectivités. Les bibliothèques peuvent alors acquérir les titres choisis en les commandant auprès des distributeurs. Quant à l’éditeur, il reste maître dans la définition des conditions d’accès aux livres numériques de son catalogue : nombre d’emprunts autorisés, durée maximale d’emprunts... « L’essentiel est de préserver la diversité des offres commerciales tout en standardisant leur présentation pour simplifier leur commercialisation aux bibliothèques », souligne-t-on au Syndicat national de l’édition.

    « le PNB est inabordable pour les bibliothèques ! »

    Autre écueil, celui du coût du PNB. Selon une enquête menée par le collectif SavoirsCom1 et le site Actualitté, « le PNB est inabordable pour les bibliothèques !» Plusieurs scénarios ont été échafaudés pour parvenir à ce constat. Le premier : si les bibliothèques devaient racheter les versions PNB de leurs collections imprimées, ce coût serait de 9 millions d’euros pour les collectivités de plus de 100 000 habitants, et 2,6 millions d’euros pour les collectivités de 40 000 à 100 000 habitants. Soit un prix moyen de 17,55 euros par livre numérique « sans prendre en compte les licences qui obligent à le racheter au bout de x prêts ». 

    Le deuxième scénario est construit autour de l’acquisition des seules nouveautés que les bibliothèques achètent déjà en papier. Dans ce cas, le budget s’élèverait à 490 000 euros pour les collectivités de plus de 100 000 habitants et à près de 1,3 million d’euros pour les collectivités de 40 000 à 100 000 habitants. 

    « Il faudrait multiplier par 14 le budget annuel déjà consacré aux ressources numériques pour les villes de plus de 100 000 habitants », estime SavoirCom1 qui met les pieds dans le plat : « Et s’il fallait tout simplement ne pas acheter le moindre livre numérique dans PNB pour ne pas entrer dans cet engrenage ? Et si le modèle de vente à l’acte devait être abandonné au profit d’une vente en bouquet à un prix abordable ? »

    Au ministère de la Culture, un conseiller de Fleur Pellerin interrogé par L’Express souligne que « les quelques bibliothécaires qui s’expriment contre [le PNB] le font en leur nom ».

    En dépit de ces critiques, le Réseau Carel, association qui milite pour l’accès aux ressources numériques en bibliothèque, « reste globalement optimiste par rapport à l’offre PNB ». Son attention se focalise aujourd’hui sur des questions techniques particulièrement complexes, mais aussi sur les tarifs pratiqués par certains éditeurs. Le Réseau Carel appelle à une régulation des prix afin de ne pas laisser à l’écart du livre numérique les bibliothèques les plus éprouvées par les restrictions budgétaires.

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