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Prêt numérique en bibliothèque : où en est le PNB ?

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    Le 8 mars dernier, RéseauCarel a réuni une centaine de professionnels à la médiathèque Gustave Eiffel de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour faire le point sur le PNB. (LoKan Sardari via Visualhunt / CC BY-NC-SA)
  • Quatre ans après son lancement, le prêt numérique en bibliothèque avance cahin-caha, au rythme des négociations entre bibliothécaires et éditeurs. Plus de 100 000 titres figurent désormais au catalogue, mais de nombreuses insuffisances restent à surmonter.

    La vie du PNB n’est pas un long fleuve tranquille. Et c’est peu dire que le prêt numérique en bibliothèque suscite des interrogations parmi les acteurs de la chaîne du livre : éditeurs, libraires et bibliothécaires se rencontrent, mais arrivent-ils à se comprendre ? Au mois d’octobre dernier, l’Association des bibliothécaires de France pointait le manque de transparence du PNB : « Il n’y a pour l’heure aucune évaluation qualitative », regrettait l’ABF qui s’inquiétait par ailleurs du « risque de fracture territoriale » qui pourrait advenir entre les grandes collectivités et les établissements les plus modestes. « Nous déplorons le fait que PNB crée une inégalité d’accès à la lecture pour les usagers sur l’ensemble du territoire français », soulignait alors l’ABF. 

    De son côté, RéseauCarel adoptait une position plus nuancée. « Nous considérons toujours que le PNB, bien qu’imparfait, constitue une offre prometteuse susceptible d’offrir à terme aux usagers un large catalogue de titres grand public en mode déconnecté avec un service de prêt simultané. Certains éditeurs ne mettent toutefois pas encore tous leurs titres et nous nous battons pour qu’ils le fassent », nous confiait Alexandre Lemaire vice-président de RéseauCarrel en décembre dernier

    Plus de 100 000 titres au catalogue

    Quatre ans après son lancement, où en est-on ? Le PNB est progressivement passé de l’état de projet à celui de plateforme opérationnelle. Au mois de février 2016, 104 866 titres figuraient dans le catalogue et une soixantaine de bibliothèques étaient considérées « en production ». Durant l’année 2015, environ 60 000 prêts ont été enregistrés. Un chiffre qu’il convient de relativiser, car toutes les bibliothèques partenaires n’avaient pas encore déployé une plateforme de prêt. Ces derniers mois, les promoteurs de PNB assurent avoir constaté une forte augmentation du nombre de téléchargements.

    La typologie des offres, quant à elle, fait apparaître plusieurs caractéristiques : l’accès à la ressource numérique peut se faire par téléchargement ou en mode lecture en ligne (streaming) ou bien encore une combinaison des deux. Le format ePub est le plus répandu, mais des ouvrages au format PDF sont également proposés par les éditeurs. Le nombre de prêts et d’utilisateurs simultanés varie en fonction des éditeurs de même que la durée de prêt maximale autorisée par lecteur.

    Dillicom, opérateur technique de PNB, rappelle un point important : « Chaque éditeur définit l’offre telle qu’il l’entend : public et segment de clients visés, caractéristiques de l’offre en termes d’usage, et prix ». Côté prix justement, le prix médian constaté s’élève aujourd’hui à 14,64 euros contre 17,99 euros en janvier 2015 et 18,30 euros en décembre 2014.

    Conscient que le dispositif rencontre de sévères critiques, l’opérateur a déjà fixé un certain nombre de chantiers afin de rassurer les bibliothécaires. Notamment d’élargir PNB à de nouvelles catégories de bibliothèques ; à ce jour, l’essentiel des établissements partenaires appartient en effet au segment bibliothèques municipales. À l’avenir, les bibliothèques universitaires pourraient rejoindre le dispositif. Mais cela devra passer par d’autres chantiers jugés tout aussi importants : augmenter le niveau de service, particulièrement celui des métadonnées, créer des synergies entre les bibliothèques et les librairies, ajuster les prix afin de tenir compte des ressources des établissements les plus modestes...

    20, 30 ou 50 jetons ?

    Le 8 mars dernier, RéseauCarel a réuni une centaine de professionnels à la médiathèque Gustave Eiffel de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour faire le point sur le PNB. L’occasion d’entendre les bibliothécaires qui négocient avec les éditeurs tels Guillaume de la Taille, chef de projet bibliothèque numérique à la ville de Paris et Alexandre Lemaire responsable du numérique pour le réseau de lecture publique belge francophone. Pour le premier, « ces négociations nous permettent de faire comprendre aux éditeurs nos besoins et nos contraintes. Nous insistons en particulier sur une meilleure prise en compte des petites bibliothèques. Nous abordons également la question des “jetons”, c’est-à-dire du nombre d’emprunts d’un même ouvrage. Pour un petit établissement, 50 jetons, c’est trop ! Nous devons convaincre les éditeurs de proposer des montants de 20 ou 30 jetons ».

    En écho, Alexandre Lemaire souligne « la difficulté de lire les offres commerciales des éditeurs qui ne recouvrent pas les mêmes prestations : nombre de jetons, prêt simultané ou pas, nouveautés ou livres du fonds, durée des prêts... Les éditeurs se rendent également compte que les bibliothèques peuvent être des alliées des éditeurs pour lutter contre le piratage ».

    Coût unique, coûts récurrents

    Autre question importante : combien le prêt de livres numériques coûte-t-il aux bibliothèques ? Tout dépend de l’ampleur du projet. La bibliothèque départementale du Bas-Rhin a déboursé 22 000 euros sur deux ans pour mener à bien les développements informatiques nécessaires et se raccorder à PNB. Ce coût se répartit de façon presque équivalente entre le budget de la plateforme (55 %) et celui des acquisitions (45 %). 

    À Carquefou (Loire-Atlantique), la médiathèque a dépensé environ 4 000 euros pour déployer sa plateforme de prêt. Auxquels se sont ajoutés 7 500 euros de frais d’acquisitions pour l’année 2015. En une année, l’offre éditoriale numérique de la médiathèque s’est ainsi sensiblement enrichie en passant de 150 titres à environ 600 titres mis à disposition des lecteurs au début 2016. 

    Dans tous les cas, les bibliothèques doivent s’attendre à consentir un budget d’initialisation (à payer une seule fois), puis à des coûts récurrents comme l’incontournable programme d’acquisitions. Quant au prix du raccordement à PNB, il varie en fonction du nombre d’habitants de la collectivité : 30 euros par an pour moins de 5 000 habitants, 70 euros pour une population comprise entre 20 000 et 39 999 habitants, 350 euros pour une population comprise entre 100 000 et un million d’habitants. Enfin, un budget dédié à la formation des bibliothécaires est indispensable afin de les mettre à niveau dans le domaine toujours en mouvement du livre numérique. 

    Qu’en pensent les lecteurs ?

    En bout de chaîne, les usagers ignorent tout de ces contraintes techniques, juridiques et financières. À leurs yeux, seule compte la facilité avec laquelle ils peuvent accéder aux livres numériques. Selon les villes, les lecteurs peuvent emprunter une liseuse déjà chargée d’ouvrages ou bien télécharger sur leur propre machine des fichiers pour une période déterminée (généralement trois semaines). 

    Devant le public de RéseauCarel, plusieurs bibliothécaires ont livré leur retour d’expérience. Pour Habiba El Bakali (Réseau de lecture publique de la région de Brumath, Bas-Rhin), « les lecteurs ont besoin d’un accompagnement aussi bien sur le maniement des liseuses que sur le téléchargement de fichiers. Les seniors apprécient la légèreté des liseuses et la possibilité d’agrandir la police de caractères. En revanche, les usagers regrettent que l’offre numérique ne soit pas aussi importante que l’offre papier ». 

    Dans le réseau des bibliothèques municipales de Grenoble, 1 200 usagers se sont abonnés au service de lecture numérique sur 36 000 inscrits. Un millier de titres sont mis à leur disposition. Le secteur adulte est le plus demandé (6 732 emprunts pour 608 titres disponibles) très loin devant les livres pour la jeunesse (412 emprunts pour 123 titres disponibles). Lors d’entretiens avec les usagers, plusieurs doléances sont apparues : simplification d’accès, nécessité de mettre en place une médiation numérique, création de communautés de lecteurs numériques...

    Et un chiffre préoccupe la BM de Grenoble : 250 personnes n’ont jamais achevé leur inscription sur la plateforme : la faute à une procédure trop complexe ?

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