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Droit à l'image : quand peut-on utiliser la photo d'une personne sans autorisation ?

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    Loin d’être un droit absolu, le droit à l’image des personnes physiques connaît de nombreux cas où le consentement de la personne n’a pas à être requis. (Freepik/@Racool_studio)
  • Sans que cette idée soit bien précise, chacun imagine qu’il dispose d’un droit absolu sur son image. Ce qui n’est pas le cas. Après un rappel des fondements juridiques du droit d’une personne sur son image, découvrez les limites les plus fréquentes du droit à l’image (droit à l’information du public, personnages publics, la théorie de l'accessoire, etc), c'est-à-dire les cas où il est possible d'exploiter l'image d'une personne sans autorisation.

    Temps de lecture : 7 minutes

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    1. Rappel des fondements juridiques du droit d’une personne sur son image

    Deux fondements juridiques constituent le socle classique sur lequel la jurisprudence a bâti le droit à l’image d’une personne physique. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en constitue un troisième.

    L’image, attribut de la personne humaine

    L’image d’une personne est un attribut de sa personne. Les attributs de la personne sont intimement liés à celle-ci. Ils sont pour cette raison inaliénables et ne peuvent donc en principe être cédés.

    En matière de droit à l’image, lorsque ces attributs sont aménagés aux termes d’un accord d’exploitation d’image, cet accord ne peut être donné que pour un très court délai que la jurisprudence estime à un maximum de trois ans. C’est par exemple le cas lorsqu’une personne participe à une émission de téléréalité ou à un jeu télévisé ; la maison de production fait signer un accord d’exploitation de l’image du participant qui ne peut excéder ce délai.

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    Image et intimité de la vie privée

    La protection de l’intimité de la vie privée peut faire obstacle à la diffusion de l’image d’une personne, sauf accord exprès. L’article 9 du Code civil pose le principe : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

    Précisons que le respect de la vie privée ne se limite pas au domicile privé, espace sanctuarisé de la vie privée. Il peut y avoir également des scènes de la vie privée dans l’espace public. C’est le cas de la vie religieuse, alors même qu’un lieu de culte est un lieu ouvert au public. Une personne se trouvant à titre privé dans une église en train de prier, fût-elle une femme politique connue, ne saurait tolérer la publication de telles images.

    Ségolène Royal, a ainsi fait condamner Paris-Match à 6 000 euros de dommages-intérêts et 2 000 euros de frais de justice pour avoir publié des photos d’elle en prière dans une église en Italie (ordonnance de référé, TGI Paris, 29 mai 2008).

    Au côté de la vie religieuse, la vie privée s’entend notamment de la vie familiale (photo d’une maman sortant de la crèche avec son enfant dans les bras) ou scène de la vie amoureuse (amoureux enlacés ou s’embrassant, voire plus).

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    Image et donnée à caractère personnel

    Dès l’instant que, de par son image, une personne est identifiable, toute manipulation de cette image (depuis la création jusqu’à la suppression, en passant par la publication) constitue un « traitement de données à caractère personnel » au sens de l’article 4 points 1 et 2 du RGPD applicable depuis le 25 mai 2018. Mais c’était déjà le cas depuis l’origine de la loi Informatique, fichiers et libertés du 6 janvier 1978 : ce n’est donc pas une nouveauté.

    Ce qui est nouveau depuis le RGPD, c’est le principe devenu essentiel d’un consentement explicite de la personne concernée (articles 6.1.a et 7). En d’autres termes, il se pourrait que, dans des cas où l’autorisation tacite de la personne photographiée semblait jusque-là suffire, il soit nécessaire de recueillir un consentement explicite et d’en garder trace (article 7.1).

    Il existe cependant des cas où ce consentement n’est pas requis, ce qui introduit à nouveau des limites dans le principe d’accord sur le droit à l’image.

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    2. Les limites du droit à l’image

    Compte tenu de la prééminence de la protection des données personnelles (RGPD), le paysage des limites au principe d’autorisation d’exploitation de l’image d’une personne se trouve profondément modifié.

    Au pôle de la liberté d’exploiter l’image d’une personne sans autorisation, se trouve le droit à l’information du public. Depuis la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur le droit au déréférencement sur les moteurs de recherche (CJUE, 13 mai 2014), le droit privatif de la protection des personnes doit être mis en balance avec cette liberté d’information du public.

    Le droit à l’information du public

    C’est ainsi que « l’exercice à titre professionnel, de l’activité de journaliste » (article 80, 2°, loi du 6 janvier 1978 mise à jour) dispense du recueil de son consentement pour publier l’image d’une personne faisant l’objet de l’actualité.

    La jurisprudence se charge de délimiter les contours de cette notion. Comme le suggère la loi, compte tenu de la force de protection du RGPD, la prééminence du droit à l’information du public devrait être limitée aux médias professionnels. La question se pose également de la durée de « l’actualité ».

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    Les personnages publics

    Il découle du même principe de droit à l’information du public qu’un personnage public ne puisse s’opposer à la publication d’images le concernant dans l’exercice de sa vie publique.

    Nous avons vu, par l’exemple de Ségolène Royal, que dans le cadre de la vie privée, une personnalité en vue jouit de la même protection que tout un chacun. Soulignons en revanche que toute personne projetée sous les feux de l’actualité devient momentanément « personnage public ».

    La théorie de l’accessoire

    Cette théorie, largement utilisée en droit, s’applique au droit à l’image : lorsque la personne, même reconnaissable, n’est que l’accessoire d’une image — la photo représentant par exemple à titre principal une rue ou une place, un bâtiment ou encore une foule —, elle ne dispose en principe d’aucun droit de s’opposer à la publication de cette image.

    La seule limite reste le préjudice qu’elle pourrait subir des suites de la publication, qui est toujours indemnisable sur la base de la responsabilité civile extracontractuelle (articles 1240 et suivants du Code civil), consacrée par la jurisprudence (voir notamment TGI de Nanterre, 26 novembre 2015 — D. B-Z. / Webédia).

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    Nous introduirons cependant un distinguo selon les éditeurs de l’image :

    • Activités journalistiques professionnelles : l’aspect information du public prévaut logiquement et aucun consentement n’est requis ;
       
    • Toute autre publication, notamment blogs, réseaux sociaux : dès l’instant que la personne est identifiable au sens de l’article 4.1 du RGPD (« personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement »), même si elle n’est pas l’objet principal de l’image, il y a traitement de données personnelles. Le droit à l’information du public ne pouvant primer, le consentement de la personne nous semble requis.

    Des autorisations tacites ?

    L’incidence du RGPD conduit à réviser considérablement le champ des autorisations tacites couramment admises jusque-là par la jurisprudence.

    C’était le cas notamment lorsque :

    • les personnes posaient visiblement sur la photo ;
    • elles ne s’opposaient pas formellement dans leurs relations avec le photographe ou le diffuseur de l’image ;
    • la publication de l’image était la suite logique de la participation à l’évènement filmé ou photographié.

    L’article 6.1.a du RGPD évoque un consentement pour « une ou plusieurs finalités spécifiques », et l’article 7.1 impose de conserver trace du consentement et ce de manière séparée de tout autre acte.

    Il s’ensuit que — réserve faite des cas où l’information du public prévaut — aucune autorisation tacite ne peut exister puisqu’il faut recueillir et conserver cette autorisation. Par exemple, dans le cadre d’un cours à distance qui est filmé, l’enseignant qui aurait cédé logiquement ses droits d’auteur pour la réalisation de ce cours, devrait spécifiquement préciser qu’il consent également au traitement de son image. Il en serait de même si l’utilisation des images dépassait le cadre dans lequel le consentement a été donné (finalités spécifiques) : par exemple republication du cours filmé dans un autre cadre que celui défini initialement.

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    Le droit de retirer son consentement

    L’autre exigence du RGPD est le droit qu’a toute personne de retirer son consentement à tout moment (article 7.3). Dès lors, dans tous les cas où le régime du consentement de l’intéressé s’applique, il faut prendre en compte la possibilité pour celui-ci de le révoquer à tout moment.

    Ce droit peut se heurter au principe de réalité : il est ainsi impossible de retirer la photo d’une publication papier déjà diffusée. Mais ce retrait de consentement doit jouer dès que les circonstances le permettent, par exemple rien ne s’oppose en matière de publication en ligne à retirer l’image d’une personne.

    Droit à l'image : ce qu'il faut retenir :

    Loin d’être un droit absolu, le droit à l’image des personnes physiques connaît de nombreux cas où le consentement de la personne n’a pas à être requis. Cependant, le principe du RGPD d’un consentement explicite et formalisé pour tout traitement de donnée à caractère personnel, et le droit de retirer son consentement à tout moment restreignent le nombre de ces cas.

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    Repères juridiques :

    • Code civil : articles 9 (vie privée), 1240 et suivants (responsabilité extracontractuelle).
    • RGPD : articles 4 points 1 et 2, articles 6.1, 7.1 et 7.3 (consentement explicite et retrait de celui-ci).

    Didier Frochot
    www.les-infostratèges.com

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    Commentaires (1)

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      droit à l'image

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