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Service public : vers le 100 % dématérialisé

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    Découvrez notre dossier complet consacré à la dématérialisation du service public, prévue par le programme Action publique 2022. (Crédit : Archimag/Artistyck)
  • Pas à pas, l’administration avance vers un service public 100 % dématérialisé, comme le veut le programme Action publique 2022. Où en est-on aujourd’hui et dans quel esprit les projets sont-ils menés ? 

    Sommaire du dossier :

    Xavier Albouy est chargé de mission auprès du directeur de la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic) et intervient notamment sur les programmes de dématérialisation. Jérôme d’Harcourt est directeur de cabinet et chef du département chargé de piloter le programme Action publique 2022 à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

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    Le Programme Action publique 2022 a été lancé au mois d’octobre 2017. Quelle est la philosophie générale de cette réforme ?

    Jérôme-d-HarcourtJérôme d’Harcourt. Trois aspects du programme de transformation que nous portons peuvent être mis en avant.

    Le premier, c’est la conviction que pour transformer durablement l’action publique, il faut engager des chantiers relevant du « back office » : redonner des marges de manœuvre aux managers à tous les échelons de mise en œuvre des politiques publiques, renouer une relation de confiance avec les usagers en étant transparent sur les résultats des services publics. 

    Le deuxième concerne la très grande attention portée aux effets concrets sur les citoyens de tout ce que nous engageons : l’usager doit être la boussole de l’action publique et guider l’ensemble des réformes entreprises. Pour cela, il faut davantage l’associer en amont et lui rendre compte des résultats. 

    Quant au troisième, il porte sur l’attention que nous devons accorder à la conduite opérationnelle du programme : il faut notamment veiller à ce qu’il y ait un chef de projet opérationnel, identifié et responsable.

    À ce jour, peut-on déjà faire un bilan des démarches administratives qui ont été dématérialisées ?

    Xavier-AlbouyXavier Albouy. Il serait prématuré de faire un bilan car ce chantier est en cours. De nombreuses démarches sont déjà dématérialisées et deux nouvelles viennent de l’être : il est désormais possible de demander la couverture maladie universelle complémentaire en ligne via le site Ameli.fr. Plus de 125 000 demandes ont été enregistrées par la voie numérique pour le seul premier trimestre 2019.

    Autre démarche qui touche directement la vie des Français : l’inscription sur les listes électorales est possible depuis le 1er janvier 2019. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2019, 240 000 électeurs se sont inscrits de façon dématérialisée.

    Cela n’est pas négligeable et montre que ces démarches nouvellement dématérialisées ont trouvé leur public.

    Ce chantier de dématérialisation va-t-il se poursuivre et à quel rythme ?

    Xavier Albouy. Ce chantier va en effet se poursuivre à la lumière d’un objectif : l’ensemble des démarches administratives doit être accessible par voie numérique d’ici 2022. Le secrétaire d’État chargé du Numérique a annoncé la mise en place d’un suivi sur les 250 démarches les plus utilisées par les Français. Nous allons notamment voir comment les ministères se mettent en ordre de marche.

    Surtout, nous allons sortir d’une logique purement quantitative : nous avons la volonté de proposer une dématérialisation très qualitative. Nous ne voulons pas seulement mettre en ligne un simple copier-coller d’un formulaire existant au format papier.  Nous attachons de l’importance à l’ergonomie des interfaces et plus généralement à l’expérience utilisateur. Début 2019, nous avons lancé un programme baptisé « Designer d’intérêt général » afin d’attirer plusieurs dizaines de talents prêts à mettre leurs compétences à disposition de l’administration pour plusieurs mois. Nous allons ainsi insuffler cette culture de l’expérience utilisateur au cœur de l’État.

    Jérôme d’Harcourt. J’ajoute que des moyens considérables ont été engagés avec le fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP), doté de 700 millions d’euros sur cinq ans. Une première enveloppe a été engagée en 2018, une deuxième de 250 millions d’euros est en cours d’attribution cette année. 

    Une part importante des projets qui nous sont soumis par les ministères, les opérateurs publics ou les collectivités concernent la dématérialisation des procédures administratives et les transformations profondes qui les accompagnent. La mise en place de ces moyens inédits repose sur la conviction qu’il faut accepter d’investir pour permettre la réalisation des réformes.

    Selon le comité interministériel de la transformation publique, il est prévu « d’engager une réforme en profondeur du système d’information de l’État ». À quoi faut-il s’attendre ?

    Xavier Albouy. Cette réforme recouvre plusieurs chantiers, notamment le recours au cloud computing qui représente une vraie transformation en profondeur. Il s’agit de rendre les projets beaucoup plus agiles, beaucoup plus itératifs, qui peuvent s’adapter au retour des utilisateurs à moindre coût.  Ce chantier porte également sur la donnée et la façon dont on la fait circuler et dont on la valorise. 

    À titre d’exemple, le service « La bonne boîte » de Pôle Emploi fait déjà appel à des traitements algorithmiques proches de l’intelligence artificielle : cela permet au demandeur d’emploi en démarche d’envoi de candidatures spontanées d’avoir une liste des entreprises les plus susceptibles de le recruter en fonction de ses compétences et de sa zone géographique. 

    Autre transformation, l’attention portée à l’agent et à son environnement numérique de travail. Nous devons lui fournir des outils plus collaboratifs et conçus pour le faire travailler en situation de mobilité. 

    Enfin, au sein de chaque ministère, une direction du numérique sera chargée de piloter à la fois les systèmes d’information, l’innovation numérique et l’exploitation des données. N’oublions pas le recours accru aux start-up d’État qui donnent naissance à des outils mieux adaptés aux usages des citoyens et des agents.

    Les agents de la fonction publique seront-ils accompagnés pour se mettre à niveau notamment dans la maîtrise des outils numériques ?

    Xavier Albouy. Ils le sont déjà et l’accompagnement des agents est une préoccupation du management de proximité. Mais nous voulons faire mieux. Nous allons travailler sur des concepts de simplicité et de désir. Aujourd’hui, les outils grand public comme WhatsApp, Airbnb ou BlaBlaCar ne nécessitent aucune formation : ces outils fonctionnent car ils rendent service, sont désirables et simples. Leur appropriation se fait par le bouche-à-oreille. L’État doit aussi rendre ses propres outils numériques simples et désirables pour les agents.

    Jérôme d’Harcourt. Nous estimons par ailleurs que 70 % des métiers des agents de l’État vont évoluer avec l’introduction de ces nouveaux outils. C’est un sujet fondamental qui a pour l’instant plutôt été laissé de côté. À nos yeux, le numérique est aussi une opportunité pour décharger les agents de certaines tâches et leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier : l’accompagnement personnalisé, le conseil…

    Le Défenseur des droits Jacques Toubon a mis en garde le gouvernement contre « le tout dématérialisation ». Tiendrez-vous compte de ses observations ?

    Xavier Albouy. Le défenseur des droits a pointé les risques liés à la mauvaise dématérialisation, celle qui exclut par opposition à l’inclusion numérique. Bien entendu, ces alertes seront prises en compte. 

    Il convient de prendre ce sujet avec beaucoup d’humilité car il existe une très grande variété de cas (handicaps moteur ou physique, personnes âgées, débit réseau insuffisant…) et nous n’avons pas encore trouvé les bonnes approches. Nous menons un travail important pour faciliter l’accessibilité numérique et maintenir de l’humain pour les usagers éloignés du numérique.

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    Pas à pas, l’administration avance vers un service public 100 % dématérialisé, comme le veut le programme Action publique 2022. Où en est-on aujourd’hui ? Dans quel esprit les projets sont-ils menés ? La direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic) et la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) font le point. Ministère de la Culture, gendarmerie et Pôle Emploi font part de leurs expériences. Des outils spécifiques peuvent être à l’oeuvre. Les Maisons de services au public s’élèvent contre l’illectronisme.
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