Article réservé aux abonnés Archimag.com

Facture électronique : obligations et méthodes pour réussir son projet de dématérialisation

  • facture_electonique_projet.jpg

    projet-dematerialisation-facture-electronique
    Les factures électroniques doivent être conservées pendant 6 ans pour le droit fiscal et 10 ans pour le droit commercial. En cas de litige, vous devrez pouvoir retrouver facilement vos factures. (Freepik/Mindandi)
  • La facturation est l’un des postes clés des organisations. Avec elle, c’est tout un processus qu’il s’agit de dématérialiser. Pour mettre en place la facturation électronique dans son entreprise et réussir son projet de dématérialisation, il est essentiel de d’abord maîtriser le contexte réglementaire pour ensuite faire les bons choix et adopter la bonne méthode. Voici la marche à suivre pour (bien) adopter la facture électronique.

    Le recours à la facture électronique progresse depuis trois ans, en particulier au travers de l’obligation faite à l’État, mais également aux collectivités territoriales et à tous les établissements publics, d’accepter les factures électroniques. 

    Si cette facture électronique tend à se généraliser, l’opération suscite malgré tout encore des interrogations, à la fois réglementaires et techniques.

    >Lire aussi : Factures fournisseurs : bien mener son projet de démat

    Réglementation des factures électroniques : une législation adaptée et harmonisée

    En termes réglementaires, rappelons que la loi 2000-23 du 13 mars 2000 reconnaît la valeur juridique d’un document écrit sous forme électronique comme une preuve. 

    Par ailleurs, tous les pays européens sont désormais soumis aux règles définies par la directive 2014/55/UE concernant les relations commerciales avec le secteur public. Entrée en vigueur le 18 avril 2019, celle-ci précise que l’ensemble des administrations publiques européennes devront pouvoir accepter les factures de leurs fournisseurs au format électronique.

    Elle pose également les bases d’un modèle normalisé aux formats communs, de sorte que tout fournisseur d’un pays donné puisse collaborer avec toute administration publique européenne et contribuer ainsi au développement du commerce transfrontalier. 

    En effet, l’Europe parie depuis des années sur le développement de l’e-procurement, autrement dit ici la gestion électronique de l’ensemble du processus commercial entre le secteur public et ses fournisseurs.

    >Lire aussi : 6 points clés pour réussir son projet de dématérialisation des factures fournisseurs

    Le portail Chorus Pro, une solution technique mutualisée, a été gratuitement mis à disposition des fournisseurs pour les aider à respecter l'ordonnance du 26 juin 2014 qui impose aux fournisseurs de l'Administration publique d'émettre toutes leurs factures par voie électronique. Chorus Portail Pro permet en effet le dépôt, la réception, la transmission et le suivi des facture électroniques.

    Calendrier de la dématérialisation des factures entre l'Etat et ses fournisseurs

    La France, elle, a fixé quatre dates butoirs pour que toutes les factures entre l’État et ses fournisseurs soient progressivement dématérialisées :

    • à compter du 1er janvier 2017 pour les grandes entreprises ;
    • à compter du 1er janvier 2018 pour les entreprises de tailles intermédiaires ;
    • à compter du 1er janvier 2019 pour les petites et moyennes entreprises ;
    • à compter du 1er janvier 2020 pour les micro-entreprises.

    facturation_electronique_projet

    En France, les relations avec le secteur public représentent quelque 100 millions de factures. La bonne nouvelle, c’est que l’obligation de facturation électronique dans le secteur public entraîne inévitablement celle dans le secteur privé où on dépasse les 2 milliards de factures.

    >Lire aussi : La signature électronique pour les nuls : les 5 points à retenir en vidéo

    La facture électronique, même pour les petites structures

    Le droit européen s’est aussi donné pour objectif de simplifier, moderniser et harmoniser les règles et conditions régissant la TVA en ce qui concerne la facturation, tout en maintenant des dispositifs propres à garantir l’authenticité et l’intégrité des factures.

    En ce sens, la directive européenne de 2010-45-CE, transposée en droit français au 1er janvier 2014, a modifié les modalités de facturation et a permis une plus grande souplesse dans la mise en œuvre de la dématérialisation.

    L’objectif là encore de ces évolutions réglementaires étant de faciliter la mise en place de la facturation électronique au sein des organisations, et ce, quelle que soit leur taille. La dématérialisation des factures ne doit pas être le seul apanage des grandes entreprises.

    Papier ou électronique, le format de la facture n’est plus déterminant

    D’où une simplification des obligations légales, à la fois sur le format de facture ou sa conservation :

    Concernant le format de facture, les organisations peuvent utiliser celui qu’elles souhaitent, papier ou électronique. Aujourd’hui, le format n’est plus un élément déterminant. Une facture est, en effet, définie par son contenu et non par son contenant. 

    >Lire aussi : La Suisse approche les 60 % de factures dématérialisées

    Ainsi, tout support incluant l’ensemble des éléments constitutifs d’une facture (coordonnées de l’émetteur, date, numéro de la facture, quantité et désignation des biens livrés ou services rendus, etc.) doit être considéré comme une facture.

    Trois procédés pour répondre aux exigences légales de la facture électronique

    Toutefois, plusieurs critères doivent être respectés pour garantir à la fois l’authenticité de l’origine de la facture, l’intégrité de son contenu ainsi que la lisibilité de cette dernière. L’article 22 de la directive 2010/45/UE précise que trois procédés sont acceptés pour en finir progressivement avec la facture papier :

    1. l’échange de données informatisé (EDI) fiscal, répondant aux normes prévues par le Code général des impôts. En présence d’importants volumes commerciaux entre deux entreprises, celles-ci peuvent avoir recours au système d’EDI qui produit directement et conserve une liste récapitulative séquentielle de toutes les factures, ainsi qu’un fichier des partenaires avec lesquels sont échangées les factures dématérialisées. Ce qui permet de garantir l’authenticité de l’origine et l’intégrité des données.
    2. la signature électronique avancée. En effet, une signature électronique avancée garantit l’authenticité et l’intégrité du contenu en identifiant de manière unique l’expéditeur de la facture et en créant un sceau inaltérable sur le contenu de la facture. Ce qui permet de détecter toute modification apportée au document après sa signature.
    3. une piste d’audit fiable. Cela consiste à mettre en place des contrôles internes « documentés » et « permanents » spécifiques à la gestion des factures. L’organisation doit ainsi être en mesure de reconstituer la chronologie de l’ensemble du processus et des contrôles associés depuis l’origine de la facture jusqu’à sa conservation.

    À retenir :

    Si l’EDI et la signature électronique ne concernent que les factures électroniques, la piste d’audit fiable, en revanche, concerne toutes les factures émises ou reçues par les organisations, et ce, quel que soit le support (papier ou dématérialisé).

    La piste d’audit fiable, obligatoire pour les entreprises

    Pour être considérée comme valide, et ainsi apporter une valeur probante aux factures, la piste d’audit fiable doit décrire de manière suffisamment détaillée les modalités de gestion des flux de factures émises ou reçues. 

    >Lire aussi : Factures dématérialisées : Chorus Pro a traité 25 millions de documents en 2018

    Cette description doit être documentée et transmise à l’administration fiscale en cas de contrôle. Pour répondre à ces exigences de façon concrète, voici ce qui peut être envisagé selon Jean-François Defudes, avocat, département droit fiscal, pôle fiscal’IT de Yooz :

    • cartographier les flux de facturation à l’émission et à la réception ;
    • qualifier la réglementation applicable à chaque flux (EDI, signature électronique, PAF) ;
    • recenser les contrôles visant à sécuriser la facturation ;
    • évaluer le niveau des contrôles au regard des attentes de l’administration fiscale ;
    • rédiger une documentation spécifique.

    Notez d’ailleurs qu’en pratique, pour conserver tous les documents papier justifiant les contrôles de la piste d’audit des factures, il est possible de les numériser en PDF et de les assortir d’une signature électronique simple.

    Piste d’audit fiable : quels gains pour les organisations ?

    Si la mise en place d’une piste d’audit fiable est obligatoire pour les entreprises avec des enjeux importants, elle est aussi porteuse de plusieurs bénéfices : 

    Elle permet notamment de sécuriser l’organisation sur le plan fiscal. L’absence d’une piste d’audit fiable pourrait très bien permettre à l’administration fiscale de remettre en cause la TVA déductible et d’appliquer une pénalité sur la TVA facturée. 

    >Lire aussi : Facture électronique : tout comprendre et comment l’adopter

    La piste d’audit fiable contribue également à démocratiser l’usage des factures dématérialisées qui constituent un levier important pour réduire les coûts de gestion des factures émises ou reçues.

    Enfin, au-delà des aspects fiscaux, la mise en place d’une piste d’audit fiable est aussi l’occasion pour l’organisation de remettre à plat ses processus de contrôle internes et ainsi d’en assurer la bonne maîtrise.

    Logiciels de gestion de factures électroniques : un marché en expansion

    En attendant, malgré ces harmonisations réglementaires, la part de factures électroniques reste inférieure à celles des factures papier. En 2017, elle ne dépassait pas 15 %. 

    S’il est raisonnable de penser que cette part s’est considérablement accrue au cours des deux dernières années, aucun chiffre officiel n’est disponible pour savoir exactement où en sont les organisations françaises. Toutefois, vu le nombre d’éditeurs et de prestataires proposant des solutions de dématérialisation de factures, il y a fort à parier que le marché est en forte expansion.

    >Lire aussi : Signature électronique : faut-il tout signer ? L'exemple des marchés publics

    Dématérialisation des factures : un énorme potentiel d’économies

    Si certaines organisations peinent encore à consacrer du temps à ce genre de chantier et à changer leurs habitudes autour des factures papier, elles s’intéressent de plus en plus au sujet. Et pour cause. La dématérialisation n’est plus une option. C’est même devenu une réalité, une évolution logique de la façon dont les organisations fonctionnent.

    Sans compter que la liste des économies qu’une organisation peut réaliser en dématérialisant ses documents (notamment ses factures) est longue comme le bras et couvre tous les aspects de son activité. 

    Ainsi, celles qui sont passées à la dématérialisation ont déjà réalisé des économies sur les coûts de traitement des documents, les coûts d’éditique, les coûts de distribution, les coûts du papier, les coûts d’impression et les coûts de mise sous pli et d’affranchissement des envois postaux. 

    Sachez qu’une facture électronique entrante coûte jusqu’à 10 euros de moins qu’une facture papier. Quant à la facture électronique sortante, elle coûte jusqu’à 6,50 euros de moins que la facture papier. Le gouvernement estime donc que la dématérialisation des factures représente une économie de l’ordre de 50 % à 75 % par rapport à un traitement papier.

    >Lire aussi : La signature électronique en 2019 : marché, cadre légal et usages

    Passer à la facturation électronique implique de changer des habitudes bien ancrées

    Partout en Europe, les initiatives de dématérialisation sont encouragées. Des études ont montré les économies susceptibles d’être réalisées  dans le cadre des marchés publics, si l’ensemble des acteurs des marchés publics européens avaient recours à la dématérialisation. 

    Rien qu’avec la facture électronique, ce sont 2,3 milliards d’euros qui pourraient être économisés. Mais pour cela, les organisations doivent changer leurs habitudes et leurs procédures afin de ne plus tendre systématiquement vers le traitement physique des documents. 

    En France, notre culture fait que nous sommes toujours relativement friands de papier et de gestion matérielle des documents. La France représente d’ailleurs à elle seule 3 % de la consommation mondiale de papier. Quand on sait que les trois quarts des déchets de bureaux sont du papier, on se dit, malgré tout, qu’il y a un vrai travail de fond à effectuer.

    Les 10 avantages de la facture électronique

    D’autant qu’outre les économies financières, le fait de passer au 100 % numérique pour le traitement des factures offre de nombreux avantages :

    1. une hausse de la productivité du service administratif qui, grâce à l’automatisation du processus de facturation, peut dégager du temps pour se consacrer à d’autres tâches. Selon une étude de GS1 France, 78 % des entreprises en France ayant adopté la facture électronique placent le gain de temps comme premier des avantages, devant le gain d’argent (54 %) pour les factures entrantes ;
    2. une intégration automatique des factures, sans intervention humaine, dans les logiciels de gestion financière, pour une traçabilité optimale et une meilleure fluidité dans les échanges d’informations ;
    3. une plus grande efficacité et une élimination des erreurs humaines. Les factures électroniques peuvent être générées et transmises automatiquement du prestataire de services au destinataire ;
    4. une réduction du temps de traitement et de recouvrement des factures. L’efficacité des processus d’émission et de réception, leur immédiateté et la quasi-élimination des erreurs dans la génération et la comptabilisation des factures contribuent à réduire les délais de recouvrement des factures (grâce par exemple à un envoi plus rapide des lettres de relance) ;
    5. une sécurité accrue : les factures sont envoyées via des réseaux privés ou des protocoles spécifiques tels que AS2, FTPS, WebServices, VAN (value added network), etc..
    6. la possibilité de consulter facilement les factures archivées ;
    7. une meilleure visibilité sur la performance et sur la charge de travail du service grâce à des tableaux de bord ;
    8. une amélioration de la satisfaction clients. Les factures sont envoyées au fur et à mesure dans le format qu’ils préfèrent ;
    9. la possibilité d’accéder à certains marchés, à l’international notamment. Au-delà des relations commerciales avec l’État et la sphère publique, pour les grands réseaux de distribution, aucun contrat n’est possible sans un échange des flux d’information avec leur back-office. Pour eux, l’intégration automatisée n’est pas négociable ;
    10. une réduction de l’impact environnemental. Cette démarche, qui s’inscrit parfaitement dans une politique RSE, peut ouvrir, par exemple, certains marchés publics. La dématérialisation appliquée à la facture s’inscrit dans une logique globale de réduction des déchets pouvant être partagée par les clients.

    Vous le constatez, la plupart des avantages de la facture électronique ne sont pas liés aux économies d’impression et aux coûts d’expédition, mais bien à l’automatisation et à l’intégration complète du processus entre les partenaires commerciaux, depuis la commande jusqu’au paiement.

    >Lire aussi : Le marché de la dématérialisation en 2019 et ses perspectives pour 2020

    Dématérialiser ses factures, un passage obligé

    Pour l’heure, les organisations naviguent entre deux eaux, avec d’un côté des opérations qui restent manuelles et de l’autre numériques. L’objectif étant pour elles de changer progressivement leurs habitudes et de se tourner vers la solution adaptée à leur activité. Tôt ou tard, elles y viendront. C’est inéluctable.

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    Archimag-signature-electronique
    La signature électronique est l’une des clés essentielles de l’efficacité des organisations digitales. Depuis ses débuts, les prestataires qui la fournissent se livrent une rude concurrence dans un marché loin d’être stabilisé et qui suscite l’appétit des investisseurs.
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.

    supplement-confiance-numerique-270500.png