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Fraude documentaire : une menace hybride en voie de développement

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    Quand on parle de fraude documentaire, il y a un coût de fraude directe mais aussi les coûts engendrés par l'utilisation des titres frauduleusement obtenus. (Freepik/Rawpixel.com)
  • Face à la fraude documentaire qui vise aussi bien les entreprises privées que les organismes sociaux, il existe des outils et des procédures à mettre en œuvre dès la réception d'un document papier ou d'un document numérique. S’il est trop tard, les tribunaux peuvent également intervenir, mais avec des espoirs de recouvrement différents selon le type de fraude.

    Temps de lecture : 6 minutes

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    250 fausses factures pour un préjudice de 98 000 euros. C’est la valeur estimée d’une vaste escroquerie à l’assurance qui vient d’être jugée par le tribunal correctionnel d’Évreux (Eure). Un couple de garagistes a grugé pendant plusieurs années une bonne demi-douzaine de compagnies d’assurance en émettant de faux documents comptables.

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    Un taux de fraude de 3 à 6 %

    Des affaires comme celle-ci sont jugées quasiment tous les jours dans les tribunaux français. Et, dans les prétoires, on trouve parfois des fraudeurs compulsifs comme ce couple qui arnaquait non seulement des compagnies d’assurance, mais également la Caisse d’allocations familiales et Pôle Emploi grâce à une large panoplie de documents falsifiés. Préjudice : 1,5 million d’euros !

    Mais quel est le coût total de la fraude documentaire en France ? 400 millions d’euros ? 800 millions ? 14 milliards d’euros ? En réalité, bien malin qui peut répondre à cette question avec précision.

    En revanche, on en sait un peu plus sur le nombre de documents qui font l’objet de fraudes :

    « En 2013, environ 7 millions de cartes nationales d’identité et 3,8 millions de passeports ont été produits. Les services experts établissent le taux de fraudes selon une fourchette qui va de 3 à 6 %, selon le type de titre produit et la raison pour laquelle il est produit », explique une note du ministère de l’Économie.

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    Mais Bercy peine à chiffrer le coût de cette fraude : « En fonction des coûts de production des titres, le prix de la fraude représente directement 1 à 2 millions d’euros. Cette somme est considérablement inférieure aux coûts engendrés par l’utilisation des titres frauduleusement obtenus, au détriment des administrations fiscales ou sociales notamment, mais aussi des particuliers ».

    Ces chiffres datent de 2013 et sont donc relativement anciens, mais ils confirment une tendance : « Non seulement la fraude documentaire est un phénomène qui existe, (…) mais il s’agit d’un phénomène d’avenir contre lequel il n’est pas simple de lutter, notamment avec le développement des nouvelles technologies numériques », estime un récent rapport d’information du Sénat.

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    Documents papier, documents numériques

    Lors d’un webinaire récemment organisé par l’éditeur Itesoft, Edouard Noury, directeur activité fraude et compliance, présentait les méthodes les plus fréquemment utilisées par les fraudeurs : création de documents physiques frauduleux, altération de documents physiques, altération de documents numériques, création de documents numériques frauduleux…

    On le voit, la fraude documentaire a désormais dépassé la traditionnelle manipulation de documents papier pour s’étendre aux formats numériques.

    Pour l’avocat Emeric Desnoix, « le schéma consiste toujours, pour le fraudeur, à mettre en confiance sa victime. Mais le traitement technique sera différent selon le type de fraude considéré ».

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    • Fraude aux assurances et organismes sociaux

    Pour la fraude aux assurances ou aux organismes sociaux, le niveau de professionnalisme des fraudeurs fait apparaître une catégorie dite « d’opportunistes » qui utilisent divers modus operandi. La possibilité de détection de cette fraude est proportionnelle aux moyens investis sur la détection humaine (via la sensibilisation et la formation) ou automatisée.

    Bonne nouvelle cependant : l’espoir de recouvrement est jugé « raisonnable » car le fraudeur est facilement identifiable.

    • Fraude aux fournisseurs

    Du côté de la fraude aux fournisseurs, le mode opératoire fait appel à la fausse identité et au changement de relevé d’identité bancaire (RIB). À la manœuvre, on trouve souvent des cybercriminels professionnels difficilement identifiables. Quant aux chances de recouvrement, elles sont quasi inexistantes.

    « La lutte antifraude amène à des impacts organisationnels et financiers, avec un accent particulier sur l’investissement technologique qui permet de doper et optimiser la détection, laquelle, corrélativement, facilitera la gestion », explique Emeric Desnoix ; « pour la fraude aux fournisseurs, il faut également prévoir des investissements en sécurité, voire une couverture des risques ».

    enlightenedLire aussi : Quelques bonnes pratiques anti-fraude à adopter

    Systématiser les contrôles de documents

    Face à cette menace hybride, les entreprises et les organismes sociaux peuvent faire appel à des solutions dédiées à la lutte contre la fraude documentaire. Itesoft, parmi d’autres éditeurs, propose de « systématiser les contrôles de documents, dès leur réception, avant tout traitement métier ». Et surtout avant tout règlement.

    La détection de suspicion repose sur une analyse des documents rendue plus efficace grâce à l’intelligence artificielle. Il devient ainsi possible de réaliser des contrôles de cohérence sur quasiment tous les types de documents : documents d’identité, justificatifs de revenus, documents de santé, documents d’état civil, factures, etc.

    Concrètement, une facture émise par un professionnel de santé fait l’objet d’un examen réalisé par le logiciel. Un premier « axe d’analyse » est effectué pour s’assurer, par exemple, de l’existence du médecin au sein du registre des professionnels de santé. Un autre « axe d’analyse » baptisé graphométrie permet de détecter des anomalies comme l’ajout de caractères par exemple. Au terme de cette analyse, si le document apparaît comme frauduleux, plusieurs types d’alertes apparaissent : « risque de suspicion de fraude significatif », « risque de suspicion de fraude élevé », etc.  

    Malheureusement, toutes les organisations ne sont pas encore dotées de tels outils. Victimes de fraude documentaire, elles n’ont plus qu’à porter leur déconvenue devant les tribunaux. Mais, là non plus, rien n’est simple. « Les magistrats sont sensibles aux moyens de preuve de la matérialité de la fraude, mais sont également très attentifs à la preuve de la mauvaise foi des fraudeurs », précise l’avocat Emeric Desnoix.

    enlightenedLire aussi : Marie Azevedo : "Il est difficile d’évaluer la fraude documentaire avec précision"


    + repères

    Prado, une base de données européenne consacrée à la fraude documentaire

    Prado est une ressource incontournable pour les acteurs impliqués dans la lutte contre la fraude documentaire. Ce site public multilingue (22 langues) propose des informations sur les éléments de sécurité présents sur les documents de voyage et autres documents d’identité, visas et cachets authentiques.

    Disponible en libre accès, Prado fournit des images et des informations succinctes concernant quelques-uns des documents d’identité et de voyage les plus courants délivrés par les États membres de l’Union européenne ainsi que par certains pays tiers. Doté de fonctions de zoom et d’explications illustrées, il s’adresse notamment aux employeurs, aux banques et établissements de crédit et aux notaires.

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