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Transition numérique : « Aujourd’hui, les grandes évolutions concernent la data »

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    « La recherche d’efficacité est l’un des grands problèmes du numérique. En règle générale, cette quête entraîne une augmentation des usages. » (DR)
  • Création de contenu assistée par intelligence artificielle, métavers, informatique quantique, traitement des datas, blockchain... la transformation digitale s'opère à tous les niveaux. Pour autant, il ne faut pas fermer les yeux sur l'empreinte environnementale du numérique. Jean-Pierre La Hausse de Lalouvière, le cabinet Forrester et le groupement de service du CNRS Eco-Info partagent leurs visions. 

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    Au sommaire : 


    Le point de vue de Jean-Pierre La Hausse de Lalouvière

    Jean-Pierre La Hausse de Lalouvière est président de l’association professionnelle pour la transition numérique e-Futura et directeur général France de la société Intalio.

    Data, intelligence artificielle, blockchain… Comment ces technologies s’imposent-elles ?

    e-futura-jean-pierre-la-hausse-de-lalouviere-dossier-evolutions-techonologiques.jpgAujourd’hui, les grandes évolutions concernent la data. La maîtrise de la data permet de « maîtriser » le monde. Il y a une conjonction entre trois enjeux :

    • l’information stockée et maîtrisée à très grande échelle ;
       
    • les algorithmes d’intelligence artificielle (IA) de plus en plus performants car alimentés par cette information ;
       
    • et dans un futur pas très lointain, l’informatique quantique qui va encore plus augmenter la capacité de calcul (et donc de réaction) des algorithmes.

    Tout cela va changer beaucoup de choses. Il faut savoir ce que nous allons faire de toutes ces datas : comment les stocker et où les héberger ? De son côté, la blockchain est devenue incontournable et intéressante, par exemple, pour l’archivage électronique.

    Quelles problématiques ces outils soulèvent-ils ?

    L’amélioration des IA ou encore l’utilisation des datas met en avant la responsabilité personnelle des humains. Tout outil a son côté positif et négatif. Comment allons-nous les utiliser ? Allons-nous nous en servir pour manipuler les gens ou pour leur donner plus de responsabilités ?

    Lire aussi : Travailler dans les métavers, c’est pour demain ?

    Il est donc important de faire de la sensibilisation. C’est ce que nous essayons de faire, à notre échelle, avec les groupes de travail d’e-Futura. Les entreprises ne peuvent pas se dire qu’elles sont simplement des utilisatrices d’outils. Il faut que l’évolution technique s’accompagne d’une prise de conscience humaine.

    Qu’en est-il des métavers ?

    Pour le moment, nous ne savons pas encore vraiment ce qu’ils vont nous apporter, car nous sommes à l’aube d’une révolution. Tout le monde s’intéresse au sujet et il ne s’agit pas juste d’endroits virtuels où des tableaux ou des terrains se vendent des fortunes. Ce sont aussi des lieux où nous pouvons nous réunir et partager des informations.

    Par exemple, l’armée s’y intéresse beaucoup, tout comme certaines villes pour des problématiques d’archivage ou comme outil pour le tourisme ou le business… Tout le monde se demande quoi faire avec les métavers : cela vaut la peine de se poser la question et surtout de ne pas laisser les Américains ou les Gafam nous imposer des utilisations. Nous pouvons nous aussi les imaginer.

    Le point de vue de Forrester

    Rowan Curran et Dario Maisto sont respectivement analyste et analyste senior chez Forrester.

    Selon vous, au moins 10 % des entreprises comptent investir dans la création de contenu numérique assistée par l’intelligence artificielle (IA). Quelles sont les problématiques qui pourraient  en découler ?

    dossier-forrester-evolutions-technologies.jpgRC : Les avantages de la création de contenu assistée par l’IA et de l’IA générative sont à l’origine d’un éventail d’utilisations de plus en plus large que nous voyons émerger. Elles ont un impact potentiellement énorme sur les travailleurs du savoir et les créateurs de contenu en améliorant et en augmentant leurs flux de travail, grâce notamment à la génération rapide d’ébauches ou de premiers essais de contenu.

    Les entreprises commencent également à utiliser des modèles pour créer du contenu vidéo et audio synthétique pour générer des vidéos de formation interne ou du contenu audio pour les publicités.

    Il existe un certain nombre de défis et de questions ouvertes concernant les entrées et les sorties de l’IA générative. Par exemple, les grands modèles de langage qui génèrent du texte (Galactica, LaMDA, ChatGPT...) ont le potentiel de créer du contenu qui peut sembler plausible, raisonnable et précis, mais qui ne l’est pas.

    Nous appelons ce type de résultat « absurdité cohérente ». Le potentiel de ce type de sortie, ou de tout autre type de sortie incorrecte, dérogatoire ou dangereuse, signifie que le cycle de vie des applications d’IA générative nécessite autant de soin et d’attention que toute autre application de connaissance au sein de l’entreprise.

    Comment les différentes politiques de cloud souverain en Europe vont-elles impacter les technologies de cloud ?

    DM : La législation sur la protection des données, la résidence et enfin la souveraineté devient de plus en plus compliquée. En plus de la couche européenne, déjà difficile en soi, les gouvernements nationaux de l’UE imposent leur autorité pour orienter les choix des organisations.

    Les raisons techniques de ce comportement — s’il y en a — ne sont pas toujours claires. En plus des niveaux européen et national, des autorités nationales telles que les banques centrales réduisent encore la liberté des organisations dans le choix de certains fournisseurs pour traiter et stocker leurs données.

    Lire aussi : Stratégie cloud : pourquoi les acteurs publics doivent changer leur approche

    Pour l’instant, cela n’affecte pas trop le marché européen du cloud, car les hyperscalers du cloud ont une offre et des investissements inégalés. Au fur et à mesure que le marché du cloud devient plus mature, voire banalisé, certaines restrictions plus lourdes pourraient influencer les organisations européennes au-delà de 2023.

    Le point de vue d’EcoInfo (CNRS)

    Didier Mallarino, ingénieur-chercheur au CNRS, Emmanuelle Frenoux, enseignante-chercheuse à l’université Paris-Saclay et Laurent Lefèvre, chercheur à l’Inria au sein de l’ENS Lyon, sont tous trois membres d’EcoInfo, un groupement de service du CNRS pour la réduction des impacts environnementaux et sociaux du numérique.

    On parle souvent de la transition numérique comme d’un levier pour la transition écologique, qu’en est-il ?

    dossier-cnrs-evolutions-technologies.jpgEF : À ce jour, il n’y a pas d’études sérieuses faisant le lien entre transition numérique et transition écologique.

    DM : La recherche d’efficacité est l’un des grands problèmes du numérique. En règle générale, cette quête entraîne une augmentation des usages. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : à partir du moment où l’on optimise quelque chose, on va avoir tendance à l’utiliser davantage. Cet effet peut aller jusqu’à annihiler le gain environnemental.

    EF : De plus, la production de logiciels plus performants qui demandent de la puissance ou de la mémoire va provoquer un changement de matériel plus régulier et plus rapide. C’est une forme d’obsolescence et de pollution, puisqu’une grande part des impacts est liée à la production elle-même.

    Quels sont les grands enjeux du numérique face à la crise climatique ?

    DM : Il commence à y avoir une petite prise de conscience des impacts du numérique. Cependant, elle est la plupart du temps essentiellement axée sur la phase « usage ». Par exemple, lorsque l’on parle d’intelligence artificielle, on se préoccupera dans le meilleur des cas de la consommation énergétique. Il faudrait plutôt s’interroger sur les besoins pour aller vers une démarche de sobriété : le numérique le moins polluant reste celui qu’on ne va pas employer. Il faut que les acteurs du domaine fassent aussi leur part du chemin.

    Lire aussi : Empreinte carbone et sobriété numérique : comment agir ?

    LL : Dans le domaine des data centers et des hébergements cloud, il y a eu de nombreuses initiatives sur l’efficacité, les techniques de refroidissement, d’intégration et d’intensité de calculs pour limiter les dégâts. Mais trop peu d’acteurs travaillent sur la durée de vie du matériel ou sur leurs deuxième et troisième vies. C’est pourtant un levier très important pour diminuer les impacts.

    Y a-t-il un soutien de l’État sur ces problématiques ?

    DM : Quelques éléments se mettent en place, mais on en est vraiment aux balbutiements. Par exemple, la Loi Reen impose un certain nombre de règles. Notamment au niveau de l’enseignement, avec l’intégration de l’écoconception dans les filières d’ingénieurs qui développent des logiciels. Ou encore des obligations d’achat de matériel en partie recyclé dans les marchés publics.

    Aujourd’hui, les critères écoresponsables de MatInfo (le marché public informatique de l’enseignement supérieur et de la recherche) représentent plus de 15 % de la note finale. C’est un énorme progrès, car ce marché est extrêmement important (financièrement) pour les acteurs du numérique même si une certaine frilosité politique empêche d’aller plus vite.

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