Article réservé aux abonnés Archimag.com

Comment impliquer tous les collaborateurs dans une démarche d’IE

  • démarche d'IE.jpg

    Conseils pour impliquer les collaborateurs dans une démarche d'intelligence économique. (PixaBay)
  • L’implication de tous les collaborateurs dans une démarche d’intelligence économique apporte plus de confiance et un bien-être collectif. Ces derniers mesurent l’impact de leurs contributions sur les résultats de l’entreprise. Exemple et méthode.

    Certains auteurs vont jusqu’à parler de « guerre économique » pour décrire l’hyper-compétition qui règne sur le marché global. Dans un tel contexte, la recherche et la protection des informations stratégiques prennent une place centrale au sein des entreprises en quête de compétitivité.

    L’information stratégique est devenue « le fer de lance » de la compétitivité, dans la mesure où « les services de l'état en charge de la sécurité économique recensent chaque année près de 1000 actes hostiles significatifs à l'encontre des acteurs économiques » (DIIE, 2014). Ces multiples attaques ciblent essentiellement les données stratégiques des entreprises. Cela montre bien la nécessité de la mise en place d’une démarche d’intelligence économique (IE) dans les grands groupes et les TPE.

    La pratique de l’IE est longtemps restée la « chasse gardée » de quelques groupes de spécialistes appartenant à un certain type d’organisations et d’institutions comme l’Union Européenne, les États nations, les collectivités territoriales, les départements stratégiques des grandes entreprises et les dirigeants des PME. La pratique de l’IE dans ces sphères et par ces spécialistes est certes nécessaire, mais elle ne donne qu’un aspect de cette réalité.

    Une petite firme bretonne

    Nous proposons une démarche de l’IE plus large, prenant en compte l’implication de l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise.

    Pour mettre en évidence l’implication de tous les collaborateurs dans la démarche de l’IE comme un atout pour les entreprises, nous avons fait le choix d’une petite firme bretonne. Cette dernière est leader mondial dans son domaine et compte plus de 15 brevets déposés ces dernières années. Pour des raisons de confidentialité, nous allons l’appeler « entreprise Alpha ».   

    1. Présentation de l’entreprise

    L’entreprise Alpha, c’est 40 salariés pour un chiffre d’affaires qui avoisinait les 9 572 000 euros en 2012. Avec un tiers de son activité à l’export, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires augmenter ces dernières années.

    L’activité principale de l’entreprise Alpha consiste à réaliser des machines capables d’effectuer un contrôle de conformité sur le conditionnement des produits de l’agroalimentaire et garantir ainsi une bonne traçabilité. Cela passe par le développement des appareils de très haute technologie intégrés dans des chaînes de production.    

    2. Un processus en cinq phases

    Les résultats de nos recherches nous ont permis de mettre en évidence un processus en cinq phases expliquant la pratique de l’IE par tous les collaborateurs :

    A. L’orientation 

    C’est la présentation du contexte général et l’ensemble des visions stratégiques à court, moyen et long terme. Cette phase va non seulement permettre à l’ensemble des collaborateurs de s’imprégner des choix stratégiques de l’entreprise ; mais également la possibilité de s’intégrer dans cette vision générale.

    B. La création du vide intellectuel  

    C’est l’identification du manque de connaissances et de compétences nécessaires à la réalisation de la vision stratégique de l’entreprise. Chaque collaborateur doit prendre conscience de ce besoin en informations et connaissances. C’est donc ce qui va créer un vide intellectuel.

    C. Faire grenouiller les collaborateurs

    Cette phase va permettre à tous les collaborateurs d’aller chercher des informations de façon spontanée et informelle dans leurs environnements (professionnels, privées…).

    D. La pollinisation interne

    C’est la mise en place des espaces aussi bien formels qu’informels permettant aux collaborateurs d’échanger les informations et les connaissances acquises dans leurs environnements respectifs.  

    E. La capitalisation des connaissances et compétences

    C’est l’utilisation des connaissances et compétences pour réaliser les choix stratégiques de l’entreprise.

    3. En pratique

    Nous allons à présent illustrer notre processus par le biais des exemples tirés de nos analyses de terrain.

    • Étape 1 : La direction présente le contexte du marché à l’ensemble des collaborateurs : « Le marché de l’emballage en verre ne cesse de perdre des parts de marché, au bénéfice du carton et du plastique. Que peut-on faire pour relancer l’emballage en verre ? Il faut graver un code-barres invisible à l’œil nu dans le verre et lisible par nos capteurs ».
    • Étape 2 : En réunion interne, le vide intellectuel est créé chez les collaborateurs : « Comment peut-on graver un code-barres invisible dans du verre à chaud ? Cela va nous permettre de relancer l’emballage en verre ».
    • Étape 3 : L’entreprise réalise des partenariats et des projets collaboratifs pour faire grenouiller ses collaborateurs dans l’environnement externe : « Un ingénieur va apprendre à graver à froid dans une industrie de parfum ».
    • Étape 4 : Autour de la machine à café et en pratiquant du sport dans l’entreprise (boxe, tennis de table…), les collaborateurs vont réaliser la pollinisation : « Un ingénieur va présenter comment graver un code-barres à froid dans une bouteille ; un autre va expliquer la difficulté à localiser précisément une bouteille en fin de production pour graver au laser à chaud ; un troisième va utiliser le traitement d’image pour localiser précisément la bouteille en fin de chaîne ». C’est dans cet environnement collaboratif informel que va naître la technique permettant de graver un code-barres à chaud dans du verre.
    • Étape 5 : L’entreprise va capitaliser les nouvelles connaissances en réalisant des tests, des maquettes et des prototypes afin de déposer des brevets. Malheureusement, un grand nombre des connaissances qui émergent dans ces environnements collaboratifs informels ne sont pas capitalisées dans l’entreprise.  

    Après la capitalisation des connaissances, on retombe sur la première étape qui consiste à définir une nouvelle orientation.   

    4. Leviers de réussite

    Il est à retenir qu’un des leviers de réussite concernant l’implication de tous les collaborateurs dans une démarche d’IE est la mise en place d’environnements permettant aux collaborateurs d’échanger de façon informelle (pratique du sport entre collaborateurs, repas, machine à café, organisation de challenges…). Ce à quoi s’ajoute l’importance de donner à tous les collaborateurs une vision stratégique simplifiée et de définir les obstacles à franchir pour l’atteindre.

    Enfin, concernant la capitalisation des connaissances, il est primordial de mettre en place des moyens permettant de noter, d’illustrer et de diffuser les informations et les connaissances issues des environnements collaboratifs informels, par exemple des post-it comme l’avait institué l’entreprise bretonne.

     

    Sire de Marc Ebode

    Enseignant en stratégie et intelligence économique, École centrale de Lille

    ____________________________________________________________________________________________________

    + repères

    Les trois dimensions de l’IE

    La pratique de l’IE remonte très loin dans l’histoire. Marco Polo publiait déjà des récits comportant des données et des informations stratégiques pour les entreprises au XIIIe siècle. Depuis, un grand nombre de chercheurs et de praticiens se sont penchés sur la question pour définir le concept. Retenons la définition du rapport Martre de 1994 : « L’intelligence économique est l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement, de distribution et de protection de l’information utile aux acteurs économiques, obtenue légalement » (Martre, 1994. P1). L’étude de l’ensemble des travaux fait émerger trois dimensions, à savoir :

    1- La recherche des informations. Les entreprises vont rechercher des informations aussi bien dans l’entreprise qu’à l’extérieur afin de saisir les opportunités et de faire face aux menaces. Cette recherche d’informations peut s’effectuer à l’aide des outils technologiques (logiciels de veille…) ou par des moyens humains.

    2 - La protection. La protection des informations stratégiques d’une entreprise peut s’effectuer de manière physique (protection des locaux, systèmes de communications…) ; juridique (contrats de confidentialité, secrets des affaires…) et humaine (confiance des collaborateurs…).  

    3 - L’influence de l’environnement. Les entreprises peuvent influencer leur environnement en érigeant leurs processus internes au stade de normes obligatoires pour les concurrents (lobbying…). L’influence normative est également un gage de qualité pour les clients. À cela s’ajoute également l’importance d’être visible sur internet tout en préservant son image (e-réputation…).

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.

    Serda Formation Veille 2023