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Droit d'auteur : du résumé documentaire à l’information des usagers

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    Le droit d'auteur donne le champs libre aux professionnels de l'information - documentation pour transmettre la seule matière première qui soit l'objet de leurs métiers : la connaissance et les idées. (Freepik)
  • Nous avons déjà traité du statut juridique du résumé documentaire, répondant à la question : comment rédiger un résumé qui soit conforme au droit d'auteur ? Le résumé résulte des pratiques documentaires classiques. Mais si les contraintes juridiques étaient l'occasion de refonder les pratiques des documentalistes et des veilleurs ? Voici un rappel juridique sur les résumés documentaires avant de faire le point sur d'autres types de textes : la synthèse documentaire ou de presse, la courte citation, les communiqués de presse, les dépêches d'agence et les alertes de veille.

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    Résumés documentaires : l'agencement d'idées et d'informations est licite

    Fondement juridique essentiel pour nos métiers : les idées et les informations sont libres ; cette liberté est le corollaire de la liberté d'expression "qui comprend… la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées" (article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, reprenant la formulation de la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'Onu (1948) et de celle du Conseil de l'Europe (1950).

    Il est donc licite d'identifier et de reprendre les idées et les informations incluses dans un texte et de les reformuler avec ses propres mots, agencés selon ses propres phrases. Seule la mise en forme des idées et informations au travers de mots et de phrases est protégée par le droit d'auteur. On n'emprunte donc en rien à la partie protégée d'un article de presse ou d'un autre texte lorsqu'on le résume – et au passage on fait œuvre d'auteur d'une œuvre dite “seconde” (qui n'aurait pas existé sans “l'œuvre première”). 

    Il est donc acquis une fois pour toute que la pratique des résumés documentaires est libre, n'en déplaise à certains éditeurs de presse chagrins (la charte du GESTE en 2000 prétendait interdire la réalisation de résumés documentaires sans l'accord des auteurs des articles…).

    >Lire aussi : Droit d’auteur : quelles obligations pour les veilleurs, documentalistes, community managers et iconographes ?

    La jurisprudence Le Monde/Microfor

    La monumentale affaire Le Monde/Microfor, ayant défrayé la chronique pendant 10 ans, a conduit la Cour de cassation, dans son dernier arrêt, à prendre un parti très modéré sur le statut juridique du résumé (Assemblée plénière, 30 octobre 1987).

    Pour être valide, celui-ci devrait être "exclusif d'un exposé complet de l'œuvre". Autrement dit, sauf à faire de la paraphrase, tout résumé serait licite et plus il serait court, plus il serait licite… 

    >Lire aussi : Oui, on trouve des violations du droit d’auteur dans la loi française !

    Et la synthèse documentaire ou de presse ?

    L'analyse de base qui rend le résumé licite légitime a fortiori la synthèse, qu'elle soit documentaire ou de presse. En effet, une synthèse va identifier les idées et les informations contenues dans un ensemble de textes et reformuler celles-ci en un texte nouveau qui reprend et agence l'ensemble des idées et informations collectées selon un plan imaginé par l'auteur de la synthèse.

    Non seulement la synthèse n'emprunte en rien aux œuvres protégées que constituent les textes objets de l'exercice, mais la construction intellectuelle de cette synthèse est encore plus libre puisqu'elle agence des idées et informations issues d'un ensemble de documents. Et la synthèse est aussi une œuvre d'auteur, au même titre que le résumé.

    >Lire aussi : Droit d'auteur et documentation : "beaucoup d'idées reçues circulent chez les documentalistes"

    La courte citation, voie royale de l'information-documentation

    Rappelons l'existence de l'exception de courte citation qui permet d'utiliser de courts extraits d'œuvres en toute liberté, sous quelques réserves qui rejoignent en général la déontologie de nos métiers. 

    Pour qu'une citation soit licite, elle doit (article L.122-5 3°, a, Code de la propriété intellectuelle)  : 

    1. S'intégrer dans une "œuvre" – telle qu'un produit documentaire ou une revue de presse ;
    2. Être courte, relativement à l'œuvre citée : quelques lignes maximum pour un article professionnel ;
    3. Mentionner l'auteur et la source ;
    4. Être délimitée notamment par des guillemets de citation ;
    5. Ne pas dénaturer le sens de l'œuvre, ce qui rejoint la neutralité documentaire. 

    En respectant ces cinq critères, on peut enrichir un produit d'information court et efficace à destination de ses usagers. Voilà pourquoi nous la qualifions de voie royale de la documentation.

    >Lire aussi : Droit d'auteur : un salarié ou un agent public est-il propriétaire de son oeuvre ?

    Une liberté documentaire : les communiqués de presse

    Le communiqué de presse a peu été analysé juridiquement jusque là. Tout d'abord, ne pas confondre communiqué de presse et dépêche d'agence. Le communiqué de presse est ce texte qui est élaboré par une entité privée ou publique en vue de communiquer des informations la concernant aux médias et, via ceux-ci, au public.

    Il s'agit certes d'une œuvre d'auteur généralement rédigée par une ou plusieurs personnes du service de communication de la structure qui la publie. Mais la nature et la destination même de cette œuvre en font un texte qu'il est loisible de reprendre, et même de retravailler comme peuvent le faire les journalistes – à condition de ne pas en dénaturer le sens – sans avoir même à mentionner l'auteur qui le plus souvent n'a pas signé son texte : l'auteur d'un communiqué de presse, de par la nature de l'œuvre, renonce à l'avance à ses droits moraux au nom et même à l'intégrité de son œuvre. Les communiqués de presse sont donc des textes sur lesquels peut s'exercer la liberté documentaire.

    >Lire aussi : Droit de l’information : attention à la pluralité de points de droit !

    Les dépêches d'agence : texte super protégé

    À l'opposé, la dépêche est un texte rédigé par un journaliste travaillant pour une agence de presse. Et cette fois, il n'est pas question d'ignorer le droit d'auteur du journaliste, même s'il n'a pas signé son texte, droit qui s'accompagne d'un droit économique de l'agence de presse qui réserve l'usage des dépêches à ses abonnés. Les organes de presse sont tous abonnés à de grandes agences de presse et à ce titre sont fondés à reprendre, retoucher, adapter les dépêches, toutes pratiques qui sont aménagées par les clauses de l'abonnement. En revanche, il serait dangereux de reprendre ces dépêches sans être un abonné de l'agence émettrice.

    Aujourd'hui, un tel usage tombe sous le coup du droit des producteurs de bases de données puisque utiliser une dépêche suppose d'avoir licitement accès à la base des dépêches de l'agence en question – c'est-à-dire être abonné – et autorisé à l'extraire pour l'utiliser publiquement. C'est notamment ce qu'a rappelé un jugement du tribunal de commerce de Paris le 5 février 2010 en condamnant un organe de presse pour avoir reproduit des dépêches de l'AFP sans autorisation, sur la base du droit des bases données (lire un résumé de l'affaire ici).

    Il est donc prudent de s'abstenir d'une utilisation trop large de tels documents – sauf bien sûr à respecter l'exception de courte citation évoquée ci-dessus.

    >Lire aussi : Propriété intellectuelle : tout savoir sur le périmètre d'exploitation

    Et les alertes de veille ?

    Les alertes et produits de veille sont un vaste continent de pratiques diverses autour de la veille informationnelle.

    • Outils et plateformes de veille : La plupart des outils et plateformes de veille en ligne sont des moteurs de recherche qui scrutent les thématiques demandées par les utilisateurs et ramènent des résultats glanés sur internet sans jamais reproduire l'intégralité des contenus, proposant un lien hypertexte vers la source, ce qui est parfaitement licite. Ces systèmes fournissent donc un produit qui ressemble aux résultats de recherche d'un moteur tel que Google, qui ne posent pas de problème de droit d'auteur, quoiqu'en aient dit les éditeurs de presse à propos de Google Actualités et autres agrégateurs d'actualité.
       
    • Produits de veille maison : Lorsque c'est le veilleur qui sélectionne lui-même – à partir des outils évoqués ci-dessus ou à la main – des contenus pour les communiquer à ses clients, il faut bien veiller à ne jamais tomber dans le risque de contrefaçon, c'est-à-dire ne jamais reproduire – en tout ou en partie – les documents repérés puisque "Toute… reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur… est illicite" (article L.122-4 CPI).

    Les alertes et produits de veille peuvent donc prendre toutes sortes de formes qui favorisent la communication de l'information et du savoir à des usagers qui sont demandeurs de cette denrée brute, sans porter atteinte à la mise en forme de celle-ci par quelque auteur d'article ou d'étude que ce soit.

    >Lire aussi : Veille et droit d'auteur : des livrables selon les règles

    Pour ne pas conclure

    On le voit, la liberté d'informer et de transmettre des idées et les limites de la protection du droit d'auteur à l'agencement original de ces idées et informations dans un texte offrent un prodigieux espace de liberté documentaire.

    Ce qui donne le champ libre à l'imagination des professionnels de l'information-documentation-connaissance et des “knowledge centers”, ainsi qu'on les nomme dans certaines entreprises, pour transmettre les seules matières premières qui soient l'objet de nos métiers : la connaissance et les idées.

    Sources

    Code de la propriété intellectuelle, notamment les articles :

    Didier Frochot
    www.les-infostratèges.com

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