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La documentation juridique au défi des legaltech

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    A terme, les legaltech pourraient être mieux armées pour accueillir le flot de jurisprudences issues de l’open data des décisions de justice. (Pressfoto/Freepik)
  • Devenues incontournables dans le domaine de la documentation juridique, les legaltech cherchent à bousculer les éditeurs traditionnels. Du côté des documentalistes, ces nouvelles technologies suscitent interrogations et engouement.

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    Legaltech par ci, legaltech par là… Il suffit de déambuler dans les salons professionnels dédiés au droit pour tomber immanquablement sur des conférences consacrées aux technologies numériques appliquées au domaine juridique.

    Les start-up rivalisent d’imagination pour commercialiser de nouveaux outils aux professionnels du droit comme, par exemple, des solutions permettant d’optimiser l’analyse des documents grâce à l’intelligence artificielle. Ou encore des logiciels qui simplifient la rédaction des contrats de travail et documents RH en vérifiant, en temps réel, la conformité des documents à la loi et aux conventions collectives.

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    Pour autant, les promesses des legaltech ne convainquent pas tout le monde. « La legaltech est un terme hype de marketing qui a été popularisé par les nouveaux entrants de l’édition et de l’informatique juridique », estime Emmanuel Barthes, documentaliste juridique, formateur et auteur de l’incontournable blog Précisement.org.

    La legaltech, un terme hype de marketing

    « Aucune réalité technique n’apparaît dès que l’on commence à creuser un peu. Le concept de legaltech est surtout destiné à favoriser les nouveaux entrants au détriment des éditeurs et SSII qui sont présents sur ce marché depuis très longtemps. En réalité, les éditeurs juridiques ont commencé, dès les années 1980, à lancer des expérimentations de type informatisé, notamment des bases de données juridiques, sans recourir au concept de legaltech qui est aujourd’hui amplement utilisé ».

    À ses yeux, les outils dédiés à la justice prédictive laissent à désirer : « Aujourd’hui, ces outils ne sont pas en mesure de prédire précisément le futur d’une décision de justice. Les meilleurs outils demandent beaucoup de paramétrage. Ils permettent certes de présenter plusieurs décisions possibles, mais certainement pas LA décision qui sera rendue. Ce paramétrage est d’autant plus délicat qu’il faut tenir compte des évolutions de la jurisprudence ».

    La vague legaltech a-t-elle un impact sur le travail des documentalistes juridiques ? Cela reste à démontrer pour Emmanuel Barthes : « À ce jour, l’impact est modeste, car les documentalistes ne sont pas directement confrontés à la totalité de l’offre legaltech qui est en général gérée par la direction informatique ou les avocats spécialisés dans le droit des sociétés, notamment pour les outils de gestion de contrats. En revanche, l’une de nos missions consiste à évaluer la qualité des outils du marché et cela risque de devenir plus compliqué avec des solutions qui peuvent coûter extrêmement cher ».

    Un impact modeste sur le travail des documentalistes juridiques ?

    Pour la responsable de la documentation juridique du cabinet d’avocats Darrois Villey, Carole Guelfucci, en revanche, les legaltech ont bien un impact sur les missions des documentalistes juridiques.

    Elles en ont même plusieurs : « Elles introduisent de la concurrence avec les éditeurs traditionnels et elles sont à l’origine d’innovations qui sont désormais devenues des standards, car plébiscitées par les usagers. Avocats, juristes, stagiaires, documentalistes voient leurs postes changer du fait de l’automatisation de certaines tâches et donc doivent se remettre en question ».

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    À ses yeux, les legaltech sont en passe d’imposer des fonctionnalités qui font désormais figure de standard, comme les frises chronologiques appliquées à la jurisprudence ou bien l’analyse de documents.

    « Les start-up commercialisent également des outils de recherche plus proches du désir de simplicité des utilisateurs », estime Carole Guelfucci ; « et en matière d’open data des décisions de justice, les legaltech sont a priori plus agiles, car elles sont surtout composées d’ingénieurs. Elles pourraient être mieux armées pour accueillir le flot de jurisprudences issues de l’open data des décisions de justice. À terme, plus de 3 millions de décisions nouvelles seront disponibles chaque année contre 30 000 par an actuellement. Mais la mise en perspective de l’information nécessite des commentaires, de la doctrine, de l’analyse que l’on trouve plus facilement auprès des éditeurs traditionnels ».

    Prévoir des formations qui touchent à l’analyse de données

    Du côté des formations initiales, l’initiation à l’information juridique fait partie de paquetage proposé aux étudiants : prise en main de Légifrance, présentation d’outils par des représentants d’éditeurs privés, etc.

    « Mais la formation pourrait s’améliorer en matière de connaissances en statistiques, de machine learning, de recherche avancée de chaînes de caractères, en open data et en open access », estime Emmanuel Barthes.

    « Il est important de comprendre le fonctionnement des Regex (une chaîne de caractères qui décrit, selon une syntaxe précise, un ensemble de chaînes de caractères possibles). Aujourd’hui cela n’est pas assez intégré dans les écoles alors que les besoins portent sur ces thèmes. Il faut une grille d’évaluation sur ces thèmes, mais c’est un travail très lourd. Ce travail est d’autant plus important que les acteurs de la legaltech sont totalement muets sur leurs moteurs de recherche… »

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    Pour Carole Guelfucci, « il faut conserver la formation sur les sources papier, car les documentalistes sont souvent les seuls à savoir manipuler le papier face à des utilisateurs ‘digital natives’ qui perdent tous leurs moyens lorsque la source qu’ils recherchent n’est disponible qu’en papier — ce qui arrive encore régulièrement en droit. En revanche, il faut peut-être repenser les formations, car certains documentalistes pourraient aussi être amenés à travailler pour les legaltech. Dans ce cas, il faut prévoir des formations qui touchent à l’analyse des données, à la visualisation des données, à l’innovation. Il faut des personnes capables d’interagir avec des ingénieurs tout en apportant une vision documentaire des outils et services ».

    Documentaliste juridique, quelles formations ?

    Le documentaliste juridique est chargé de classer, veiller, diffuser et collecter tous types de documents juridiques qui lui sont confiés.

    « Le documentaliste juridique doit avoir une parfaite connaissance de l’ensemble de la documentation juridique, qu’il s’agisse de revues doctrinales ou jurisprudentielles, et doit se tenir informé constamment de la parution de nouvelles sources d’information qui pourraient s’avérer utiles pour le traitement de dossiers », explique le site Carrières juridiques.

    Plusieurs formations initiales et continues sont proposées aux personnes intéressées : École des bibliothécaires documentalistes (EBD, Paris), INTD-Cnam (Paris), Serda Formation (Paris), Enssib (Villeurbanne)…

    Le documentaliste juridique peut être amené à travailler au sein d’un grand cabinet d’avocats, d’une direction juridique d’entreprise, dans une étude notariale, un ministère ou bien une banque.

    RDV des transformations du droit

    Qu’ils soient encore étudiants ou déjà en poste, les documentalistes juridiques pourront se rendre les 17 et 18 novembre 2022 au Palais des Congrès (Paris) pour la cinquième édition des RDV des transformations du droit. Pendant deux jours, ils pourront assister à 120 conférences et ateliers et découvrir 150 acteurs de la legaltech.
    --> transformations-droit.com 

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