le RSE catalyse la gestion de contenu

« Nous venons du bookmarking social, d'où cet aspect contenu important ». Antoine Perdaens, Knowlege Plaza Knowledge Plaza

 

Les problématiques de travail collaboratif et de résistance au changement ont longtemps été centrales concernant les réseaux sociaux d'entreprise (RSE). Tant et si bien que l'on s'est beaucoup penché sur les RSE en terme de gestion des connaissances, laissant de côté des aspects jugés plus solubles, mais non moins chargés d'enjeux. C'est maintenant que les RSE ont investi un grand nombre d'organisations que se pose avec force la question du lien avec la gestion de contenu.

Sommaire du dossier :

 

S'attachant l'un et l'autre à la gestion et la circulation de l'information au sein d'une organisation, réseaux sociaux d'entreprise (RSE) et gestion de contenu d'entreprise (enterprise content management, ECM) sont étroitement liés. A tel point que le discours marketing des éditeurs de solutions – Antoine Perdaens de Knowledge Plaza parle de RSC pour réseau social de contenu et Christophe Routhieau de Bluekiwi évoque lui l'EPM pour enterprise people management – rappelle furieusement les querelles linguistiques d'une célèbre bande dessinée (« schtroumpfe-bouchon » ou « tire-bouschtroumpf » ?)

Cette relation particulière entre le contenu d'une entreprise et sa sociabilisation amène le cabinet Lecko, au sein du tome 4 de son étude consacrée aux RSE Urbanisation du SI social à souligner, adoptant une vision systémique de l'entreprise et de son information, un certain nombre de constats. Premier d'entre eux, la multiplication des applications sociales (messagerie instantanée, communautés, forums, wikis...) offertes par les solutions de RSE recrée un cloisonnement auquel elles devaient initialement remédier. Il convient donc d'agencer au mieux, et en fonction des spécificités de l'organisation, RSE et contenu.

gestion de contenu et RSE sont complémentaires

Ne remplaçant pas un outil logiciel existant, le RSE est avant tout un lubrifiant dans les rouages de l'entreprise. Mais doit-on le considérer comme une brique fonctionnelle associée à la gestion des contenus ou comme une dynamique de circulation de l'information transverse ?

Seule certitude, gestion de contenu et RSE sont complémentaires : le document, publié dans un référentiel ECM et partagé de façon efficace sur le réseau social de l'entreprise montre qu'ECM et RSE ne suffisent pas l'un sans l'autre. Mémoire et ressources statiques d'une organisation, le système ECM évoque une dimension de référentiel alors que le réseau social suggère un aspect fluide et vivant de l'information, amenant Christophe Routhieau, directeur produit de Bluekiwi à comparer la situation d'un système ECM dépourvu de RSE « à celle du centre de doc ou de la bibliothèque, riches et bien classés, mais peu fréquentés ». De son côté, Vincent Bouthors, PDG de Jalios, souligne que « le système ECM capte bien les informations, mais en amène trop, il s’agit de faire ressortir celles qui ont de la valeur, et c'est là où le RSE intervient », constituant une sorte de remède à l'infobésité de l'entreprise.

Comment ? La conversation permise par les fonctionnalités sociales du RSE – qu'elle prenne la forme de commentaires, de messagerie instantanée ou de communautés – s'associe au document et l'enrichit par le biais d'une contextualisation. Cette dimension conversationnelle permet également le repérage d'expertise parmi les collaborateurs. Autrement dit, par contextualisation, le RSE permet la transformation du document (support de l'information) en connaissance (information utilisée pour l'action). Vincent Bouthors complète : « Il permet aussi la transformation de l'idée en connaissance, la première nécessitant d'avoir été relayée pour aboutir à la seconde ». Facilitateur et catalyseur du contenu, le RSE l'est enfin par son rôle d'accès personnalisé à l'information. « C'est un peu le discours qu'on tenait il y a quelques années sur les portails. L'entrée se fait par le RSE sans se substituer aux applications métier », analyse Christophe Routhieau, rappelant le paradigme du point d'entrée unique.

intégration avec le système ECM ou pas ?

Plusieurs écoles se distinguent pour opérer cette bénéfique alliance, pour marier au mieux plateforme de RSE et système de gestion de contenu. La première d'entre elles souligne l'importance du système ECM comme un tout global et structuré dont il est capital de conserver la robustesse et la fiabilité documentaire. Ne sont alors publiés dans le RSE que des liens vers le système documentaire. Présentant l'inconvénient de diluer la fonction sociale et d'atténuer les gains du RSE, cette option semble obligatoire – pour le moment – pour les organisations gérant un contenu sensible, par exemple présentant des contraintes réglementaires (documents requerrant une certification électronique par exemple).

A l'inverse, le RSE peut prendre en charge la gestion du contenu d'une organisation. Fonctionnalités de publication, de gestion des rendus (affichage dynamique, agencement de l'interface, etc.) sont nativement disponibles dans quasiment toutes les offres du marché. Certaines solutions proposent des fonctionnalités avancées (versionning, gestion de métadonnées), mais l'écueil de cette option réside dans une perte de maîtrise dans la structure et la forme de document s'éparpillant dans des communautés et des sous-groupes, sans parler des risques de bruit documentaire qui s'accroissent. A noter que cette spécialisation des solutions de RSE (fonctionnalités documentaires avancées ou à l'inverse davantage conversationnelles) sont issues du métier d'origine de l'éditeur. Antoine Perdaens, président-fondateur de Knowlege Plaza explique ainsi : « Nous venons du bookmarking social, d'où cet aspect contenu important ».

Une troisième voie se dégage avec une conception du RSE comme brique constitutive de la solution d'ECM, évacuant du coup les problématiques d'intégration.

Il existe une dernière alternative, largement utilisée, même si elle témoigne fondamentalement d'un ''penser outil'', attitude à proscrire au sein de tels projets. Elle a pour nom Microsoft Sharepoint qui intègre nativement de nombreuses fonctions sociales, mais demeure avant tout une architecture d'applications, c'est-à-dire un outil à tout faire.« S'il y a un reproche que je peux faire aux DSI, c'est de considérer Sharepoint comme une réponse universelle », lance ainsi Christophe Routhieau dans un sourire. Il est néanmoins possible de compléter les faiblesses sociales de Sharepoint via des connecteurs avec les principales solutions de RSE (Jive, Telligent, etc.)

connecteurs, API et standards

L'intégration de l'ECM au sein du RSE constitue une des problématiques principales, surtout pour la première école. Et au sein de cette problématique, le rôle des connecteurs et des standards s'avère central. Généralement, les éditeurs de plateformes de RSE proposent des API (1) permettant d'accéder via le système ECM aux ''objets sociaux'' gérés par le RSE. Ce qui, concrètement, permet le dialogue entre les systèmes de gestion de contenu et les applications sociales. Mais un enjeu important réside dans la mise au point d'un standard assurant l'interopérabilité, à l'image de l'amibition du CMIS pour les systèmes ECM (2). Ce standard existe et s'appelle Opensocial (3). Il permet la mise en oeuvre d' applications en mesure d'échanger avec nombre de plateformes sociales. La souplesse de son déploiement autorise en outre un déploiement par une organisation sans qu'elle ait à revoir son socle technologique. Mais Opensocial ne fait pas encore l'objet d'une adoption généralisée par les éditeurs, et deux des trois principaux enjeux du « SI social » listés par Lecko soulignent les vertus découlant de son usage : l’interopérabilité interne (entre les social softwares et votre SI, voir entre eux) et externe (avec les plateformes hébergées) ; le développement et l’adoption de standards.

bonnes pratiques de déploiement

Standard ou pas, intégration de l'ECM ou non, de bonnes pratiques de déploiement du RSE existent. La controverse « projet RSE mené par la DSI ou sans elle » n'est pas tranchée, la réponse à celle-ci dépendant avant tout des spécificités, du contexte et de la stratégie de l'organisation. Malgré le spectre du DSI facteur d'inertie, Christophe Routhieau estime – mais c'est la perception d'un éditeur de solution - « qu'il est souhaitable de travailler avec la DSI car ils ont les clés à plusieurs questions que l'on se pose. On peut bien sûr ne déployer le RSE que dans un seul département et sans la DSI mais se pose alors la question de création de valeur qui requiert beaucoup de partage au sein de l'organisation ». Autre élément à ne pas négliger au moment de l'implémentation de la plateforme, lui ménager la possibilité d'évoluer au niveau des fonctions et des usages. Vincent Bouthors acquiesce et précise : « Il est important de lier ce déploiement avec la façon dont l'entreprise travaille collaborativement, positionnant le curseur des collaborateurs concernés sur un axe ''quelques experts-ensemble des effectifs''. Ce qui plaide pour une solution permettant de bouger ce curseur quand on le désire ».

 

(1) Application Programming Interface ou interface de programmation. Développée, associée et fournie avec une solution logicielle, elle permet son intéraction avec d'autres programmes.

(2) Cmis : Content Management Interoperability Services. Il s’agit d'un protocole ouvert dont le but est d'augmenter l'interopérabilité entre les ECM. Pour en savoir plus, voir Archimag n°222 page 23.

(3) Ensemble d'API développées par Google à partir de la fin 2007 et destinées aux réseaux sociaux grand-public (Orkut, Friendster, Netlog, etc.) excepté Facebook qui a de son côté développé le Social Graph. Projet open source, il permet l'interopérabilité entre applications de réseaux sociaux.

+ repères

une offre open source largement issue de la gestion de contenu web

« Concernant les réseaux sociaux d'entreprise, l'offre open source est déjà très importante et de qualité, bien qu'elle soit relativement récente », souligne Grégory Becue, auteur du livre blanc Réseaux sociaux d'entreprise - Panorama des outils et des grands concepts fonctionnels d'un RSE (édité par l'intégrateur Smile). Un peu plus mesuré concernant son degré de maturité, le cabinet Lecko place dans son étude annuelle les RSE open source en compagnie des plateformes gratuites au sein d'un périmètre périphérique par rapport à l'offre davantage ancrée sur le marché et riche en fonctionnalités que sont RSE éditeurs et RSE en Saas.

Outre Elgg dont le cap des mille extensions disponibles ne va plus tarder à être atteint et qui fédère une communauté active autour d'une orientation plutôt conversationnelle, ainsi qu’Exxo Social, basé sur l'utilisation de l'annuaire Ldap de l'entreprise et qui propose gestion de profils enrichis et de communautés, on constate que les plateformes open source de RSE proviennent en grande partie du monde de la gestion de contenu web.

C'est le cas, par exemple, de BuddyPress, bâti sur Wordpress et sorti en 2009. Il est livré par défaut avec de nombreuses fonctionnalités qu'il est possible d'activer ou non : flux d'activité, profils, groupes, gestion des amis, messagerie, blogs, forums, etc.

Avec les modules Common et Teamroom, les deux CMS open source Drupal et EZPublish, ayant plus que fait leur preuve dans le monde de la gestion de contenu web, s'attaquent au marché des réseaux sociaux d'entreprise. Présentant des outils collaboratifs de calendriers partagés, blogs, wikis et autres forums, le temps nous dira – au regard de leur déploiement et de la qualité de leur appropriation sociale – s'ils sont à même de répondre à des besoins complexes de RSE.

 

Les podcasts d'Archimag
Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.