CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°374
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Il y a près de dix ans, Archimag inaugurait une nouvelle rubrique consacrée aux professionnels de l’information-documentation francophones. Notre intention était de proposer désormais un point de vue décentré sur les fonctions de documentaliste, de veilleur, d’archiviste, et de bibliothécaire. Comme en France, ces métiers sont bouleversés par l’incessante évolution technologique, à commencer par l’intelligence artificielle (IA), qui est au centre de toutes les conversations.
Depuis Bruxelles, Genève, Rabat ou Montréal, notre réseau de correspondants et correspondantes témoigne de l’évolution de son métier et propose une vision originale qui entre souvent en résonance avec les préoccupations des professionnels français.
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"Les sujets de préoccupation des professionnels de l’information francophones sont assez semblables, me semble-t-il, à ceux de l’ensemble des acteurs de cet écosystème", explique Danielle Dufour Coppolani, présidente de l’AIFBD (Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes). "Ces préoccupations sont la reconnaissance de leur expertise et la valeur ajoutée des propositions et services aux usagers, qu’ils soient internes ou externes, ainsi que la nécessité de moyens techniques et budgétaires pour fonctionner de manière optimale".
Des situations contrastées
L’AIFBD est un observatoire incomparable pour saisir des tendances de l’infodoc, car elle rassemble des bibliothécaires et documentalistes francophones du monde entier. Selon son constat, les attentes sont fortes sur des points très précis, comme sur la formation qui apparaît essentielle pour garder une dextérité intellectuelle et continuer de se mettre à niveau. Les rencontres entre professionnels sont également très attendues pour partager et mutualiser les connaissances comme les pratiques.
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Belgique, Suisse, Québec, Maroc, Sénégal… Pour Danielle Dufour Coppolani, les situations sont bien évidemment différentes selon que l’on se trouve en Europe, en Afrique ou en Amérique du Nord : "Certains de nos collègues africains souffrent parfois du manque de fluidité d’internet, voire d’interruptions, comme cela a eu lieu en mars dernier, alors que des pays comme la Belgique, la Suisse, mais également le Québec, au Canada, ont des territoires couverts dans leur quasi-totalité par les réseaux. Cela impacte forcément le confort de travail. Les échanges entre les conférenciers et les participants lors de l’École d’été organisée par l’AIFBD à Rabat, au Maroc, en mai prochain, permettront sans doute l’expression de situations diverses selon les pays".
Demande de formation sur l’IA
À l’heure où les métiers se transforment, les professionnels de l’information souhaitent dans l’ensemble s’adapter et se former à de nouveaux outils. "Nous constatons régulièrement qu’ils sont passionnés par leur travail et curieux des innovations", poursuit Danielle Dufour Coppolani. "Ils doivent se saisir une fois encore de cette opportunité pour enrichir leur travail et démontrer leur adaptabilité".
C’est notamment le cas avec l’intelligence artificielle qui apparaît comme une secousse tellurique semblable à l’apparition d’internet il y a une trentaine d’années, puis à l’essor de Google quelques années plus tard. Pour l’AIFBD, il s’agit d’une vraie révolution technologique certes, mais également conceptuelle. Les professionnels vont devoir se former, cela est incontournable. La majorité l’ont compris et la demande de formation sur cette thématique spécifique est très importante.
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Au-delà de l’appropriation de l’IA par les documentalistes et les veilleurs, Danielle Dufour Coppolani insiste : "nous le répétons souvent, la base du métier - c’est-à-dire la validation des sources, la vérification des informations, le service rendu aux usagers, l’adaptabilité et l’éthique dans l’exercice du métier - est un sujet essentiel".
Autre socle sur lequel s’appuie l’AIFBD, celui de la francophonie, à laquelle les adhérents africains, suisses, belges, états-uniens, mais évidemment québécois sont très attachés. "L’AIFBD s’inscrit également dans un environnement multiculturel qui représente une grande richesse dans les pratiques et les échanges", explique Danielle Dufour Coppolani. "Et surtout une vraie tolérance. Les pays du Sud ont beaucoup à apprendre aux pays du Nord, nous le vivons au quotidien dans notre association".
Explosion des données
Problème bien connu du monde de la documentation, les données sont en augmentation exponentielle, aussi bien dans les entreprises que dans les services publics. En Belgique, la Région flamande a décidé d’adopter un plan visant à améliorer les échanges d’informations entre ses différents services. Baptisé plan "Oslo" (Open Standards for Linking Organisations), il garantit une interopérabilité des données entre 124 services en Flandre ainsi qu’au niveau interfédéral belge.
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Pour Philippe Laurent, coordinateur du portail EchoDoc, "de la littératie des données à la science ouverte, de la gestion des données de recherche aux aspects juridiques, notre manifestation annuelle Inforum aborde de nombreuses facettes de la gouvernance des données et met en lumière leur importance croissante dans notre profession", explique-t-il. "Il est indispensable que des politiques actives soient adoptées par les universités, les agences de financement et les comités d’évaluation de chercheurs afin d’y parvenir".
Utilisation stratégique de l’information
Même son de cloche outre-Atlantique, au Québec, où les organisations sont confrontées à un problème récurrent : la multiplication des applications collaboratives a provoqué une dispersion des documents devenus introuvables, que ce soit dans Teams, Zoom ou OneNote.
Au sein de l’École de technologie supérieure à Montréal, le Bureau de la gestion des documents et archives (BGDA) a décidé de passer de l’ère du classement des documents à celle de l’utilisation stratégique de l’information. "Cette transformation numérique s’est faite au cas par cas et sur mesure en organisant des ateliers de migration et de traitement des documents", explique Nadine Lemieux, conseillère en gestion de l’information. "Le fait de passer du papier au serveur et de développer une classification collaborative au rythme du projet d’implantation fut une vraie révolution. On est dans la donnée".
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Au Québec, le monde de la documentation est progressivement passé du document à la donnée, comme le constate Élisabeth Lavigueur, directrice de projet et experte en sciences de l’information : "reconnaître automatiquement le sujet d’un document sans le lire, dériver automatiquement un code, permettre un nommage immédiat ou le catégoriser intuitivement… On l’aura compris, l’intelligence artificielle entre en jeu".