dématérialisation et archivage électronique : les tendances

Les grandes étapes du droit de la dématérialisation. DR

 

Le juridique, le technique et l'économique constituent le triptyque gagnant de tout projet de dématérialisation et d'archivage électronique. Revue de détail par trois experts de la question qui se sont exprimés lors de la première journée Lexing Tendances.

Les standards des infrastructures et des services sont désormais et en général orientés full web, ce qui se caractérise par des performances « au mieux » et pas toujours fiables, ni régulières. C’est dans ce contexte que les flux d’échanges de données dématérialisées s’opèrent, ceci avec une tendance à la baisse d’une certaine qualité de service. C’est dire l’importance des nouvelles organisations et solutions pour maîtriser les flux documentaires et d’archivage.

1. enjeux organisationnels et techniques

Selon Pierre Fuzeau, président du groupe Serda, quatre axes doivent être fortement anticipés.
- La collecte de documents et d'informations est devenue plus complexe, plus multiforme et plus « volumétrique ». Les formats se multiplient (papier, électronique, messagerie, etc.), il faut gérer les données, mais aussi les flux (réseaux sociaux, CMS, etc.), sans compter l'éparpillement des données sur les ordinateurs fixes, portables, smartphones ou tablettes. On voit aujourd'hui apparaître de nouveaux métiers dans les entreprises, comme le chief mobile officer remplissant une mission de rationalisation et de sécurité.
- Le classement est désormais évolutif et mutagène. Il doit désormais intégrer les documents et informations, mais aussi les métadonnées de gestion, et ne pas oublier les nouvelles fonctionnalités pour pouvoir gérer et tracer les informations, dans un contexte général d'infobésité, ou encore dans celui des exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui impose une fonction de purge régulière et obligatoire de données à caractère personnel.
- La conservation sécurisée au sein d'un système d'archivage électronique (SAE) est encore peu déployée. Alors que les volumes de données atteignent maintenant régulièrement 5, 10 To, voire plusieurs centaines de téraoctets dans les organisations, il s'agit de pouvoir identifier les documents nécessaires et vitaux, ainsi que les normes, règles et supports d'un archivage pérenne aligné sur les délais légaux de conservation.
- Enfin, la consultation et la communication sont à la recherche de nouveaux modèles pour une nouvelle pertinence. L'importance des métadonnées est critique, car elles facilitent grandement les échanges entre utilisateurs. Ces échanges doivent être maîtrisés pour prévenir les risques de fuites d'information.

gouvernance

Dans les prochaines années, la tendance sera à une gouvernance unique sous une forme mutualisée de plateforme unique et homogène gérant le cycle de vie de la donnée. On reconnaît ici le cloud interne comme externe et l’usage d’une architecture basée sur les recommandations du World Wide Web Consortium (W3C).

2. enjeux économiques : du ROI au business case

Les enjeux économiques ont toujours été un enjeu fort qui est décuplé en cette période de crise. Déterminer le retour sur investissement (ROI) pour tout projet devient une nécessité. A la notion de ROI, Serge Masanovic, directeur de VCM Conseil, préfère celle de business case, beaucoup plus large et allant au-delà du seul projet et de son coût (1).

Tout projet de dématérialisation ou d'archivage électronique comporte un volet informatique, pour lequel on s’attribue un espace-temps pour sa réalisation, et un ensemble organisé de ressources à un coût donné pour satisfaire un besoin métier défini. Le business case est là pour énumérer les raisons pour lesquelles le projet a été initié, les bénéfices attendus, les options à considérer, les coûts prévisibles, l'analyse des carences et les risques supputés. Le ROI n'est qu'une partie du business case, que l'on peut définir comme un ratio financier qui mesure des gains ou des pertes par rapport aux sommes initialement investies. Par ailleurs, d'autres ratios existent et seront privilégiés selon la nature du projet. Le payback par exemple, c'est-à-dire le délai au-delà duquel les gains dépassent les coûts ; le résultat se mesure en durée, dix-huit mois par exemple. Ou encore le taux de rentabilité du projet sur une période considérée ; le résultat se mesure en pourcentage. Etc.

matrice de décision

VCM Conseil a développé en partenariat avec le groupe Serda une matrice de décision qui centralise les données de référence (inputs), depuis les motifs de justification du projet jusqu'à l'identification des coûts par catégorie en passant par la définition des risques et l’examen des bénéfices. Cette matrice permet de restituer un tableau de bord pour le projet, présentable devant une direction générale pour décision. Grâce à la matrice, tous les éléments constitutifs du business case sont passés en revue, rendant aisées les comparaisons entre plusieurs types de solutions organisationnelles : un système d'archivage électronique comparé à un système d'archivage papier.

3. les enjeux juridiques : ce n'est plus un problème aujourd'hui

Alain Bensoussan, dirigeant le cabinet d’avocats du même nom, est formel : les enjeux techniques précèdent les enjeux juridiques, car c'est la technique qui détermine le juridique et non le contraire. La dématérialisation d'un point de vue juridique ne pose quasiment aucun problème aujourd'hui (voir les articles 1316 et suivants du Code civil).

Aujourd'hui, pour Alain Bensoussan, le vrai problème est constitué des normes, ce qui est une vraie mutation pour les juristes, avec les normes de sécurité (Iso 27001), les normes de dématérialisation (NF Z42-013, X509V3 pour le certificat électroniques, RFC 3161 pour l'horodatage, etc.) et les normes génériques (Iso 9001). La norme est devenue un élément majeur de la dématérialisation, sans compter les organismes qui définissent leur propre règle : les Archives de France, la Fédération nationale des tiers de confiance (FNTC) qui délivre un label. Cela va évoluer de plus en plus en ce sens.

du droit de l'électronique...

Le droit de l'électronique, né en mars 2000, autorise la preuve par écrit, quels que soient le support et les modalités de transmission. « L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier » : article 1316-3 du Code civil. Quant à la notion de support durable, elle est adoptée en droit national dès 2005, comme incluant les disquettes informatiques, les cédéroms, DVD, disques durs, etc.

La signature électronique, les contrats sous forme électronique sont autorisés sous réserve des procédés mis en place.

... au droit de dématérialiser...

Concrètement, il s'agit du droit de dématérialiser les factures, les bulletins de paie et les lettres recommandées. Les documents peuvent être électroniques, mais le problème n'est pas là. En cas de contentieux, ce qui fera preuve, c'est le process mis en place afin d'assurer l'identité, prouver l'accord du salarié pour le bulletin de paie ou l'intégrité d'un document - le fait qu'il ne puisse pas être modifié - pour une facture.

... à l'obligation de dématérialiser

Aujourd'hui, nous sommes passés à un nouveau stade. L'Etat comme les collectivités et les entreprises sont soumis à une obligation de dématérialiser : par exemple, les factures pour le secteur public, les réponses aux appels d'offres ou encore l'obligation de télédéclarer la TVA pour les entreprises réalisant plus de 230 000 euros de chiffre d'affaires. Ce seuil sera abaissé, puis supprimé au premier octobre 2014.

notion de « procédé fiable »

Les tendances 2013-2015 verront la notion de « procédé fiable » prendre de plus en plus d'importance. La convention de preuve va se généraliser, car tout consommateur signant un contrat électronique devra au préalable en avoir donné l'autorisation, à travers la signature d'une convention de preuve. La dématérialisation des marchés avance dans presque tous les pays et le contrat vocal ou la lettre recommandée électronique sont en cours de déploiement. Des questions importantes devront être résolues concernant l'identité numérique, avec peut-être un jour le droit au zéro papier.

Propos recueillis par Louise Guerre

(1) Voir Archimag n° 252, mars 2012, pp 40-41. (4) à www.fntc.org


+ repères
Journée Lexing Tendances
La première journée Lexing Tendances a eu lieu le 25 octobre 2012. La prochaine édition sur le thème de la dématérialisation et de l'archivage électronique se tiendra le 24 octobre 2013 et sera également co-organisée par le cabinet d'avocat Alain Benssousan - pôle numérique et par le département consulting de Serda.

Les podcasts d'Archimag
Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.