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Digital workplace : attention à l’individualisation de l’expertise !

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    "Certes une digital workplace est collaborative", explique Myriam Lewkowicz ; "mais elle renforce l’individualisation de l’expertise" (Freepik/@pvproductions)
  • Professeure à l’université de Technologie de Troyes où elle dirige l’équipe de recherche Tech-Cico (Technologies pour la coopération, l’interaction et les connaissances dans les collectifs), Myriam Lewkowicz s’est intéressée à la gestion des connaissances depuis la fin des années 90 et a aujourd’hui pour sujet d’étude le travail coopératif assisté par ordinateur. Si elle reconnaît les avantages de la digital workplace pour la collaboration en entreprise, elle alerte sur les risques d'individualisation de l’expertise en rappelant l'importance du knowledge management.

    Temps de lecture : 4 minutes


    Sommaire du dossier :


    Comment peut-on définir aujourd’hui la gestion des connaissances (GC) en entreprise ?

    myriam-lewkowicz-digital-workplace-knowledge-managementIl est difficile de donner une définition générale de la gestion des connaissances, chaque entreprise ayant ses propres besoins et pratiques.

    Il ne faut en tout cas pas confondre la gestion des connaissances avec la gestion des données, des documents, ou de l’information. La connaissance est nécessairement liée à une expérience, à une expertise, et donc à une personne. C’est d’ailleurs ce qui la rend particulièrement critique aujourd’hui où l’on a tendance à mettre d’abord l’accent sur les données.

    La question devient : qui détient la donnée (ou l’information). Ce à quoi s’ajoutent les risques liés à la volatilité des personnes. En bref, il s’agit d’abord de permettre l’émergence d’expertises individuelles, pour ensuite les partager.

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    Une digital workplace (DW) est-elle potentiellement le bon outil pour réaliser une gestion des connaissances ?

    La digital workplace est un outil d’amélioration de la performance. Bien sûr, elle est collaborative, elle permet des échanges. Mais le profilage y est extrême, calé sur le besoin de l’utilisateur. Chacun voit son propre environnement qui est différent de celui de l’autre.

    Dès lors, cela n’aide pas le partage, le passage d’une mémoire individuelle à une mémoire collective. Certes une DW est collaborative - et sans collaboratif, il n’y a pas de partage des connaissances -, mais elle renforce l’individualisation de l’expertise.

    Il lui manque une surcouche de prise de recul et de transmission. Technologiquement, c’est un bon outillage. Resterait à organiser le temps du partage.

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    Vous mettez l’accent sur le partage, mais une gestion des connaissances ne suppose-t-elle pas aussi une capitalisation ?

    La capitalisation individuelle n’est réellement utile que si elle sert de base à une transmission. Un exemple classique est celui de la capitalisation des connaissances des personnes partant à la retraite ; elle ne mène à rien si ces connaissances ne sont pas transmises et mises à jour.

    Autrement dit, une gestion des connaissances qui fonctionne est une gestion coopérative des connaissances.

    Il convient de former, animer un collectif, jouer sur l’interaction entre personnes - c’est lorsque l’on défend un point de vue que l’on exprime ses connaissances -, développer des pratiques coopératives, avec des échanges entre experts et entre experts et novices, et enfin faire évoluer les connaissances.

    La gestion des connaissances est donc aussi affaire d’organisation et de processus ?

    Absolument. Un expert dans telle équipe aura besoin de rencontrer l’expert d’une autre équipe. Des communautés de pratiques doivent donc être installées pour que les experts discutent, prennent du recul.

    Les attributs numériques de la DW peuvent être utilisés pour la discussion, l’élaboration de points de vue, l’émergence de bonnes pratiques et le partage.

    Mais comment ces bonnes pratiques sont-elles formalisées ?

    Aujourd’hui, je constate que la formalisation en vidéo peut bien fonctionner. Avec de courtes vidéos, par exemple pour expliquer comment gérer une négociation avec un client, comment paramétrer un outil, etc.

    Ces vidéos doivent être chapitrées le plus possible pour permettre une recherche par les moteurs ou par une intelligence artificielle.

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    Est-il nécessaire de disposer des services d’un knowledge manager ?

    Plutôt qu’un poste de knowledge manager, je verrais des fonctions de knowledge management (gestion des connaissances) avec, d’une part, l’animation de communautés d’experts et de pratiques et, d’autre part, la réalisation de vidéos, bâties toutes selon la même approche et faisant ressortir les points clés nécessaires.

    En fait, il ne faut pas attendre de pouvoir recourir à un knowledge manager pour faire de la gestion de connaissances. La GC fait partie intégrante de toute activité dès lors que l’on structure, archive, partage, discute des productions.

    De plus, il faut que l’organisation s’y prête. Si elle est fortement hiérarchisée avec un fonctionnement en silos, elle ne permettra de facto pas la bonne marche d’une gestion des connaissances coopérative.

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