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Du millefeuille numérique à l'entreprise collaborative

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    Millefeuille-numerique-entreprise-collaborative
    L’intelligence collective suppose le partage de l'information. (Freepik Premium / peoplecreations)
  • Si les outils collaboratifs apportent une aide indéniable aux collaborateurs, le déploiement de tels outils ne suffit pas à faire de toutes les entreprises des organisations collaboratives. L’accompagnement s’avère indispensable au partage des connaissances.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°373

    archimag-373-couv-bd.jpgAu sommaire : 

    - Dossier : les (nouvelles) meilleures pratiques collaboratives
    - Du millefeuille numérique à l’entreprise collaborative : comment opérer un changement des pratiques et des mentalités
    - Outils collaboratifs : les éditeurs innovent, notamment grâce à l’IA, aux API et au no-code, pour accompagner les nouveaux usages
    - Comment Bouygues Telecom et le cabinet de conseil Mazars utilisent leur digital workplace pour transformer l’expérience collaborateur
    - Avec le "citizen development", EDF mise sur les compétences internes pour booster l’intelligence collective


    La généralisation des outils collaboratifs au sein des organisations est généralement bien accueillie par les utilisateurs. Mais elle ne se fait pas toujours sans friction. Qu’il s’agisse du management ou des pratiques quotidiennes des collaborateurs, le besoin de méthode apparaît vite indispensable pour que le déploiement de tels outils se passe dans les meilleures conditions.

    "Ces outils permettent effectivement une plus grande transparence informationnelle et la constitution d’une mémoire organisationnelle qui peut favoriser l’autonomie individuelle et l’auto-organisation des équipes", constate Suzy Canivenc, chercheuse à la chaire Futurs de l’Industrie et du Travail (FIT²) de l’École des Mines de Paris-PSL et coauteure d’une note pour La Fabrique de l’industrie.

    Mais ils induisent également quelques dysfonctionnements : ces logiciels s’ajoutent les uns et aux autres et contribuent à une surcharge informationnelle, voire à une fatigue informationnelle déjà diagnostiquée par plusieurs études.

    Lire aussi : Cloud et télétravail : les solutions collaboratives s’adaptent

    "Ce phénomène de millefeuille est bien connu des recherches en Sciences de l’information et de la communication qui dès les années 2000 ont montré que les mails ne faisaient pas baisser le nombre de réunions, puis dans les années 2010 que les réseaux sociaux d’entreprises ne faisaient pas baisser le nombre de mails. Aujourd’hui, on se rend compte que les outils censés s’y substituer ne font, une nouvelle fois, que s’y surajouter dans un empilement sans fin". 

    Un changement incontournable des pratiques et des mentalités

    Parvenir à l’optimisation des pratiques collaboratives apparaît donc comme un chantier méthodique qui vise le meilleur équilibre possible entre efficacité professionnelle et bien-être des collaborateurs. "Pour avancer vers cet équilibre, un changement des pratiques et des mentalités plus ou moins important sera incontournable", explique le cabinet Wemanity, spécialisé dans l’organisation des entreprises. "Cela doit passer par une politique de transparence maximale, par l’encouragement de l’autonomie et de la prise d’initiative, par le droit à l’erreur et, de manière générale, plus de liberté pour tous, managers comme collaborateurs".

    Le manager est ainsi invité à endosser le rôle de facilitateur. Il doit laisser ses collaborateurs se positionner sur les sujets sur lesquels ils se sentent le plus à même d’avoir de la valeur. Les contributeurs au projet, quant à eux, doivent mutualiser leurs compétences et réaliser le travail ensemble, du début à la fin du projet.

    Selon Wemanity, l’instauration de pratiques collaboratives présente de nombreux avantages : les échanges et les ressentis sont accélérés grâce à l’allègement de la structure hiérarchique, le partage de connaissances et de compétences est favorisé, la mobilisation du savoir encouragée.

    "Le travail collaboratif permet d’implémenter des changements plus rapidement, d’être plus réactif face à un environnement changeant et la capacité de prise d’initiative et de décision se développe au sein des équipes". Autre avantage en matière de gestion des ressources humaines : "il n’y a pas de compétition entre les collaborateurs, l’ambiance de travail est assainie".

    Partage de l’information et intelligence collective

    Ces promesses sont-elles en mesure d’atteindre le Graal des organisations, à savoir l’intelligence collective ? Selon les chercheurs Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti, l’intelligence collective suppose le partage de l’information (entre autres conditions).

    Lire aussi : Méthodes et outils : éviter l’infobésité à tous les niveaux

    "Les entreprises doivent favoriser l’émergence de l’intelligence collective en développant notamment un management qui repose sur l’autonomie, le partage du pouvoir… Ici, la fonction ressources humaines mobilise les talents en facilitant le partage des informations, en les impliquant davantage dans le processus de décision, et surtout en encourageant la prise de parole et l’audace". 

    Les deux chercheurs estiment que la confiance et l’harmonie sont deux piliers essentiels à la création d’un climat propice aux pratiques collaboratives. Après avoir interrogé près de soixante experts (dirigeants d’entreprise, chercheurs, DRH…), ils rapportent le témoignage de Laurent Bibard, professeur à l’Essec Business School : "pour que l’intelligence soit collective et collaborative, encore faut-il, outre le fait d’éviter les jeux de pouvoir malsains, savoir ne plus voir midi qu’à sa porte !". Un constat qui rappelle que le facteur psychologique joue un rôle au moins aussi important que celui des seuls outils.

    Autre témoignage, celui de Patrick Plein (Vinci Énergie) qui estime que "l’intelligence collective ne se décrète pas et suppose des comportements spécifiques. En particulier la nécessité de partager l’information, d’avoir des relations et des interactions de grande qualité, et d’œuvrer dans un cadre qui permet ces interactions".

    Autant de diagnostics qui font apparaître la fonction "ressources humaines" comme pivot incontournable du changement en complément du management traditionnel. "Plus que d’outils, plus que d’horizontalité à tout prix, le dirigeant, les RH et les managers ont alors besoin d’une démarche méthodologique", expliquent Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti. "Celle-ci leur permettra d’accompagner cette transformation avec éthique et de manière ordonnée tout en respectant la culture d’entreprise et son avenir qui se dessine".

    Les bonnes pratiques doivent se définir en équipe

    De leur côté, les travailleurs ont également leur rôle à jouer en régulant par exemple leur disponibilité : les plateformes collaboratives proposent toutes des fonctionnalités "absent" ou "occupé" dans leur agenda. Ils peuvent également mettre en place des filtrages et désactiver ou mettre en sourdine les notifications les moins importantes.

    Selon Suzy Canivenc, "ces bonnes pratiques doivent se définir en équipe, en fonction de l’activité de travail, en débattant de ce que les différents outils apportent pour bien faire son travail, mais également de leurs dommages collatéraux et des moyens de les contourner".

    La chercheuse plaide pour une régulation au plus près des besoins du terrain permettant d’adapter les usages des outils à la réalité des différents métiers, à leurs besoins et contraintes respectifs. "Il s’agit ici de clarifier l’usage des outils afin de développer de bonnes pratiques partagées : quel outil utiliser, quand et comment pour faire quoi ?".

    Lire aussi : La visioconférence dans la ligne de mire des digital workplaces

    Reste une question à laquelle personne n’est en mesure d’apporter une réponse satisfaisante : le temps. À l’heure où beaucoup de professionnels se plaignent de manquer de temps pour assurer leurs missions, le rythme des innovations ne cesse de s’accélérer. Des innovations technologiques, par les mises à jour incessantes des outils collaboratifs, mais également organisationnelles. Chacun peut constater qu’il faut du temps pour construire un climat de confiance au sein des équipes ; chacun sait aussi que ce climat de confiance peut se dégrader très rapidement.

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