« il est absurde d’avoir un site web 2.0 et un musée 1.0 »

Samuel Bausson et Élodie Guiraud DR

 

Après le web 2.0, la bibliothèque 2.0, voici venir le musée 2.0, Remplacer – ou du moins tempérer – une logique de vitrine par une logique participative est un phénomène qui, grâce à l’impulsion de certains professionnels, est en passe de décoller. L’un des plus actifs d’entre-eux, Samuel Bausson, webmestre et community manager du muséum de Toulouse, nous raconte son vécu.

Quelle définition donneriez-vous du musée 2.0 ?

Il s’agit d’un musée qui ouvre un  peu plus grand ses portes et laisse ses utilisateurs participer à sa vie. Il est important que cette démarche s’ancre au sein d’un projet global, et ne se contente pas d’une simple mise en ligne de contenu. La politique d’établissement du Muséum nous engage à aller dans ce sens et nous bénéficions du soutien de notre direction et avons donc pu engager cette démarche globale quasiment dès les premiers pas de l’établissement lors de sa réouverture il y a deux ans et demi.

Ce n'est donc pas le site web qui fait le musée 2.0 ?

Absolument. La globalité de la démarche, tant numérique que physique, est fondamentale. Il est absurde d’avoir un site web 2.0 et un musée 1.0. Je préfère d’ailleurs parler de musée en ligne que de site web, l’offre numérique et l’offre physique étant complémentaires. C’est l’idée, sur place dans le Muséum, d’un visiteuracteur : rencontre et dialogue avec l’artiste ou le scientifique, selon le type d’établissement. Nous avons, ici à Toulouse, ce qu’on appelle des maraudeurs. Il s’agit de médiateurs culturels animant un endroit en particulier du Muséum et permettant aux visiteurs de rebondir sur un point de l’expo. Je ne dis pas que les musées doivent être uniquement des lieux d’animation, leur légitimité vient bien de leur collections mais il est plus que souhaitable de les articuler avec les intérêts des visiteurs. Ceci n’est qu’un exemple mais montre à quel point la démarche 2.0 sur le web est indissociable de la démarche de médiation menée entre nos murs.

Les outils numériques, je pense surtout aux réseaux sociaux, sont tout-demême indissociables de la démarche, n’est-ce-pas ?

Toute la question est : comment rendre asynchrone – sur le web – la démarche de médiation, qui est synchrone au sein du muséum ? La réponse à cette antinomie réside notamment dans les outils sociaux avec lesquels nous pouvons donner au même contenu des rythmes différents. Je m’explique : Twitter, par exemple, c’est un flux quotidien, voire instantanné, mais je peux ensuite compiler les meilleurs tweets sur mon blog. Autre exemple, s’agissant d’une conférence : ma collègue Elodie Guitraud, documentaliste, veille en amont sur le thème de la conférence puis diffuse les résultats de cette veille permettant ainsi de stimuler l’intérêt autour du sujet. On peut également imaginer, en aval de la manifestation, de faire un retour sur les échanges sur place. Il me semble important que les contenus suivent un cheminement, prennent place dans un circuit de diffusion et d’échanges.

Quels sont les outils que vous utilisez?

Nous utilisons un compte Twitter, très bien suivi, en partie, je pense, grâce aux contenus scientifiques, aux images, aux anecdotes que nous y publions et aux échanges avec la communauté scientifique. Ma collègue Maud Dahlem, médiatrice scientifique, admnistre plusieurs groupes sur Flickr [plate-forme d’échange de photos] où nos membres peuvent partager leurs photos souvenir du Muséum ou bien leurs photos d’observateurs curieux de la nature . Nous y organisons également des concours photo. Il y a aussi un compte Facebook : c’est sans doute le réseau social que nous utilisons le moins, en tout cas de façon la moins innovante en terme de contenu, relativement institutionnel. Le tout est agrégé dans un univers Netvibes. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les populations sont différentes selon les plates-formes sociales. Beaucoup d’autres musées et de bibliothèques nous suivent sur Netvibes, qui attire aussi un public d’enseignants ; sur Twitter, nous trouvons davantage de journalistes...

Parlez-nous un peu plus de la dimension community manager, de l'animation de communauté.

Le web 2.0 ne se résume pas à la difusion de contenu sur les réseaux sociaux, la facette animation de communuaté est fondamentale. En effet, selon moi, le site web d’un musée doit offrir des informations et communication clas - siques (horaires, actualités...), du web documentaire (catalogues en ligne, ce qui n’est pas notre fort), des services (billeterie, boutique... ) et, enfin, de l’animation de communauté. Contrairement à ce qu’on peut rencontrer dans le monde de l’entreprise, la communauté autour d’un musée est unie par un intérêt intellectuel et culturel commun. Nous devons donc être à l’écoute et, en cela, ma formation initiale en ethnologie m’y aide sans doute en privilégiant l’immersion culturelle, l’écoute, l’apprentissage des langues et des usages, avant de prendre la parole. Ce sont parfois des différences très subtiles, mais le ton employé, la façon d’interpeller, le vocabulaire... varient en fonction des plates-formes et il faut y être sensible si on veut avoir une chance d’être entendu.

Quid des aspects organisationnels? L'équipe du Muséum a-t-elle dû se réorganiser par rapport à cette démarche 2.0 ?

Je souhaitais intégrer et impliquer l’équipe au projet dès le début. J’ai mis en place un comité intermédia, sorte de conférence de rédaction réunissant les producteurs et diffuseurs-médiateurs de contenu du Muséum. Je tenais à éviter ce que j’avais vu dans des postes précédents, où l’absence de coordination faisait que chacun réinventait la roue dans son coin avec au final des lignes éditoriales brouillées. Mais ce fonctionnement n’a pas tenu face aux aléas et remises en questions durant l’ouverture du Muséum. Maintenant que l’établissement se stabilise dans son fonctionnement, les choses rentrent dans l’ordre. Pour l’instant, je travaille avec les collègues qui sont spontanément partants et qui ont des métiers euxmêmes transversaux : Documentation et veille, conférences, accueil... On s’organise avec les collègues pour mettre en place des procédures et se répartir les tâches autours des offres de chacun, pour qu’elles puissent trouver un écho pertinent en ligne.

Quels sont les prochains chantiers, les perspectives à venir pour le muséum 2.0 de Toulouse ? Prévoyezvous par exemple un travail main dans la main avec d’autres structures culturelles toulousaines ?

La mise en place de projets communs avec d’autres structures culturelles du type archives départementales ou communales, établissements de lecture publique et autres s’avère compliquée, notamment pour des raisons politiques et d’autorité de tutelle. En revanche, entre webmestres de musées en ligne, nous sommes trois ou quatre – avec Yves- Armel Martin, du centre Erasme, notamment – à échanger expériences, analyses mais aussi à développer une émulation au sein d’un réseau informel. Les perspectives d’évolution ne manquent pas. Par exemple, la mise à disposition de contenus de service public sur des plates-formes privées est une vraie question, d’un point de vue déontologique. Idéalement, il serait préférable d’utiliser des plates-formes publiques et dédiées, à l’instar de ce qui se fait dans le monde anglo-saxon. Notre actualité immédiate, c’est le projet Useum. L’idée est de proposer une offre web consacrée aux terminaux mobiles : une application propre au Muséum, fondée sur une technologie de marqueurs permettant de rapatrier du contenu intéractif suplémentaire autour d’une oeuvre et de faciliter les échanges entre les visiteurs dans la spontanéité de l’expérience de visite.

 

Bio expresse de Samuel Bausson

  • Webmestre et animateur de communauté au muséum de Toulouse : www.museum.toulouse.fr
  • Formation initiale d’anthropologie culturelle aux Etats-Unis.
  • Il travaille dans le monde du web depuis 1998, ayant commencé par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) à Nantes
  • Son blog : mixeum.net
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