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Veilleurs, sortez de votre bulle informationnelle !

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    Attention à la surestimation de soi... (Pixabay / Pexels)
  • A l'occasion du Salon i-Expo qui se tient actuellement à Paris, une table ronde a réuni des professionnels de la veille pour plancher sur le thème des biais cognitifs. Un phénomène très répandu qui enferme les professionnels de l'information dans leur "zone de confort".

    Les veilleurs l'ont baptisée "bulle informationnelle" ou "bulle de filtres". Ce phénomène qui touche les veilleurs (entre autres...) se présente sous la forme d'un biais cognitif qui pousse les individus à retentir une information parce qu'elle confirme leurs préjugés et à rejeter une autre information parce qu'elle contredit ces mêmes préjugés. "Ce premier filtre c'est nous même ! " explique Serge Courrier consultant et formateur en veille et en stratégie éditoriale ; "par manque de temps ou par fainéantise, nous choisissons les mauvais mots clé alors qu'il faut aujourd'hui effectuer des recherches en texte intégral. Les veilleurs doivent absolument repenser leur champ lexical".

    Devant le public du Salon iExpo, Serge Courrier a incité les veilleurs à consacrer du temps à trouver de nouvelles sources d'information afin de sortir de leur bulle informationnelle.

    Risque d'enfermement

    Même constat pour Jérôme Bondu : "l'arrivée d'Internet nous a fait croire que nous allions nous délivrer des bulles informationnelles d'une époque où les lecteurs avaient le choix entre la presse bourgeoise et la presse ouvrière. Mais Internet a reconstitué ces bulles informationnelles notamment les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui proposent systématiquement des contenus proches de ce que l'on a déjà lu. C'est un vrai risque d'enfermement dans la zone de confort des veilleurs" estime le fondateur du cabinet Inter-Ligere.

    ​Pour le YouTuber Thomas Durand qui anime la chaîne La tronche en biais, "le problème n'est pas le web car on y trouve le pire comme le meilleur, c'est notre comportement : jugement hâtif, intuition fautive, surestimation de nos capacités... Personne n'est immunisé contre les biais cognitifs".

    Alors que faire ? Luc Didry, administrateur systèmes au sein de l'association Framasoft, estime qu'il faut également s'intéresser aux biais algorithmiques et dégoogliser internet ! Lancée en 2014, la campagne "Dégooglisons internet" a déjà donné naissance à près de 30 services en ligne librement utilisables : hébergement de sites et de vidéos, stockage de documents, prise de notes... "La dégooglisation d'internet est donc possible et viable !"

     

     

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    Commentaires (4)

    • Portrait de Serge Courrier

      Dans la version filmée de la table ronde, qui devrait être mise en ligne sous peu sur le portail de l'IE, vous verrez que nous avons développé bien sûr d'autres arguments et aussi que, pressés par le temps, nous n'avons pu en développer d'autres qui nous semblaient pourtant importants. En ce qui me concerne, j'ai tenté dans un premier temps de pointer du doigt les bulles qui nous (je m'inclus dedans, j'insiste) empêchent parfois d'accéder à l'information. ►La bulle lexicale◄ Le fait que nous continuions à parler de « recherche par mots-clés » quand nous utilisons Google et consorts est révélateur de l'ancrage d'anciennes habitudes, faisant référence à tous ces secteurs, scientifiques notamment, où un patient travail d'indexation permet (encore aujourd'hui) une recherche ou une veille à partir d'un vocabulaire contrôlé. Je sais que cela semble être une évidence, mais les moteurs de recherche sont majoritairement des moteurs en texte intégral avec de faibles compétences sémantiques. Donc, c'est à nous, chercheur ou veilleur, d'utiliser le lexique, voire la phraséologie des documents que nous souhaitons obtenir. « Voiture » ne trouvera pas de pages ne contenant que « automobile ». « Maladie de la vache folle » ne trouvera pas « Encéphalopathie spongiforme bovine ». Il nous faut suivre aussi les évolutions du langage. Il y a encore un an, les spécialistes de l’intelligence économique utilisaient « sécurité informationnelle » pour parler d’un de leurs champs d’action. Désormais, ils utilisent plutôt dans leurs documents l’expression « sécurité économique ». Cela nous demande une exploration patiente du corpus cible, l'utilisation de thesaurus, dictionnaires de synonymes et... de Wikipedia par exemple, un excellent réservoir de mots et expressions couvrant une même notion. Nous ronronnons parfois, c’est humain ! A nous de nous remettre en question régulièrement, voire d’organiser, de planifier des remises à plat de nos requêtes. Encore faut-il, je le disais pendant la table ronde, que nos hiérarchies nous en laissent le temps, voire que ce temps soit sanctuarisé, intégré comme un moment indispensable dans le processus de veille. La bulle lexicale butte également sur notre manque de curiosité quant au fonctionnement intime des moteurs de recherche. Fainéant je le fus face à Twitter Search pour ne pas avoir testé systématiquement son comportement au regard de mes questions. Il y a seulement deux ans, je me rendis compte qu’il ne gérait ni le féminin/masculin, ni le singulier/pluriel. « Retraite » ne trouve donc que « retraite » et « retraité ». Il néglige « retraites », « retraitée », « retraitées ». Une recherche ou une veille sur Twitter demande du coup des requêtes assez longues pour pallier ces défauts. Pire, voilà seulement 6 mois que je me suis rendu compte de la même limite pour Linkedin. « Consultant » ne trouve pas « consultante ». Une faiblesse technique étonnante pour un réseau de cette ampleur… qui conduit à un biais sexué, voire sexiste bien réel. ►La bulle de sources◄ Je suis surpris du nombre de recherchistes/veilleurs qui ne disposent pas d’une collection de bookmarks/favoris/marque pages, organisée, encore moins partagée. La faute au manque cruel de gestionnaires de bookmarks réellement professionnels, certes (Diigo qui ne gère pas les liens morts ou les redirections par exemple) ! Mais sinon ? Nous ronronnons sur nos sources, dans une bulle informationnelle certes de qualité mais qui ne prend pas en compte l’apparition de tant de nouvelles bases de données, moteurs de recherche, blogs et autres sources d’information de qualité. Et là aussi, il faut nous battre contre nos habitudes. Nous battre aussi pour que le temps de la veille sur les sources, le temps de l’exploration et de l’évaluation soit intégré à notre temps de travail. ►Les bulles cognitives◄ L’un des biais cognitifs majeurs qui nous fait passer à côté de nouveaux arguments, de nouvelles données, c’est le biais de confirmation. Celui qui nous fait préférer les informations qui nous confirment dans nos croyances, nos opinions, nos certitudes, nos « connaissances ». Le même qui nous fait repousser les informations qui vont à l’encontre de ces « certitudes ». Ce biais-là intervient avant même que nous accédions au contenu d’un article. Il est là quand nous passons rapidement sur le titre d’un article apparaissant dans les résultats d’un moteur de recherche ou listé par notre plateforme de veille. Le 20 mars, passant en revue les articles de ma veille, j’ai aperçu le titre « Les sites web sont-ils en voie de disparition ? ». Je commence à identifier (pas toujours) ce « pffft ! » qui me fait habituellement passer au titre suivant. Mais je connaissais la source : Fred Cavazza. « Il ne peut pas dire n’importe quoi ! », me suis-je dit. Retour en arrière ! Article enrichissant, argumenté, utile. Je commence à avoir le même réflexe, même si je ne connais pas la source… surtout si je ne connais pas la source. Nous devons d’abord apprendre ce que sont les biais cognitifs. La liste est longue, si longue. La lutte est… perdue d'avance, tellement ils sont présents et peu palpables. Mais la conscience que nous pouvons acquérir de nos biais personnels ou collectifs, permet quelques sursauts, quelques victoires, pour ne pas passer à côté d’informations importantes, ou simplement utiles. C’est déjà (trop) long :-) Et encore… nous n’avons pas encore abordé les bulles algorithmiques !

      mar 23, 2017
    • Portrait de Bruno Texier

      Merci pour ce très intéressant complément d'information. Archimag proposera prochainement un article aux thèmes des biais cognitifs et technologiques.

      mar 24, 2017
    • Portrait de Serge Courrier

      Juste une petite requête, Bruno : ce serait bien que votre système de commentaire accepte les retours à la ligne... et la réédition :-) ! J'attends votre prochain sujet avec impatience !

      mar 25, 2017
    • Portrait de PIE

      Bonjour, la vidéo de la conférence est désormais en ligne : https://youtu.be/qv--fZDkrxA

      mai 03, 2017
    Les podcasts d'Archimag
    Saison 2, Ép. 9 - Sommes-nous devenus accros aux algorithmes ? Aux recommandations de nos réseaux sociaux ou encore aux IA génératives qui se démocratisent depuis plus d'un an ? Pour répondre à cette question, nous avons rencontré Luc de Brabandère. Il se définit comme un philosophe d’entreprise, un mathématicien, un professeur, mais aussi un heureux grand-père et un Européen convaincu. Ses multiples casquettes nourrissent ses divers travaux. Luc de Brabandère est notamment l'auteur de "Petite Philosophie des algorithmes sournois", publié aux éditions Eyrolles en octobre 2023. Pour le podcast d'Archimag, il nous livre ses réflexions sur les algorithmes et revient sur son parcours atypique.
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