Plus de 700 personnes ont participé au 61ème Congrès des Bibliothécaires de France organisé cette année à Strasbourg. Au programme des réjouissances : pourquoi le public ne vient pas (ou peu) en bibliothèque ? Comment faire fonctionner des établissements avec un budget revu à la baisse ? Mais aussi une charte pour affirmer le rôle des bibliothèques dans l'accès aux connaissances.
Bibliothèques incompréhensibles, tensions avec les usagers, restrictions budgétaires, souffrance au travail... Le 61ème congrès de l'Association des Bibliothèques de France (ABF) n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat et à pointer ce qui ne tourne pas rond dans les bibliothèques et les médiathèques. Plus de 700 personnes ont fait le déplacement à Strasbourg et livré des témoignages qu'il faut entendre. Une directrice de médiathèque du Val de Marne : "lorsque la nouvelle bibliothèque a ouvert ses portes, une partie de la population pensait qu'il s'agissait d'un centre commercial !". Une autre bibliothécaire (alsacienne) : "alors que depuis dix ans, notre attention s'est recentrée sur l'usager, la bibliothèque est devenue infréquentable pour nombre de citoyens qui ne comprennent pas les mots "cote", "OPAC" ou "document"...
C'est peu dire que les bibliothèques sont en tension. "Les relations entre les bibliothécaires et les élus sont un sujet inépuisable de discussion et le ressenti de ces relations est majoritairement négatif du côté des bibliothécaires" rappelle Dominique Lahary, ancien vice-président de l'ABF. L'élu peut se prévaloir de la légitimité du suffrage universel et, à ce titre, il décide. "
Or, les dernières élections municipales de 2014 ont vu arriver de nouveaux élus qui méconnaissent le monde des bibliothèques. Les bibliothécaires doivent alors mettre en avant leurs compétences professionnelles et apporter aux élus des éléments d'information utiles à la prise de décision. Ils doivent travailler en mode pro-actif" estime Carol Knoll, auteur de "Fonctionnaires, et alors ?" (éditions Eyrolles). Mais dans la réalité, les choses ne sont pas aussi claires et les directeurs d'établissement doivent composer avec des élus intrusifs ou, ce qui n'est guère mieux, avec des élus adeptes du laisser-aller.
Des choix douloureux dans le secteur culturel
Et lorsque la parole est aux élus, les bibliothécaires ne sourient plus. Pour Marie-Paule Lehmann, vice-présidente de territoire au Conseil départemental du Bas-Rhin, l'avenir n'est guère réjouissant : "les collectivités sont confrontées à crise très profonde de leurs finances et à une baisse des dotations de l'Etat. Elles doivent donc faire des choix douloureux et le secteur culturel va en faire les frais. Malheureusement, les bibliothèques risquent d'être les fusibles".
Ce sombre présage ne décourage cependant pas Anne-Marie Bock, directrice de la Bibliothèque départementale du bas-Rhin : "l'élu est souvent seul et notre travail consiste de plus en plus à lui apporter des conseils. Il faut toujours être dans la proposition et bien choisir le moment pour parler aux élus".
Les tensions se manifestent également dans le travail quotidien des bibliothécaires lorsqu'ils doivent gérer des contentieux entre usagers. Certains établissements sont même confrontés à des situations inédites comme à Calais ou des dizaines de migrants ont investi la bibliothèque municipale pour utiliser les toilettes et recharger leurs téléphones. Résultat : des crispations avec les usagers traditionnels, des ordinateurs professionnels débranchés, des rixes entre migrants... et une fermeture de plusieurs jours.
Rôle essentiel et stratégique des bibliothèques
Mais ces témoignages ne découragent pas l'ABF qui a profité de ce congrès pour présenter sa Charte du droit fondamental des citoyens à accéder à l'information et les savoirs par les bibliothèques. Ce texte survient alors que, comme le déplore Lionel Dujol, secrétaire-adjoint chargé du numérique au sein de l'ABF, "accéder à internet est plus difficile depuis une bibliothèque que depuis un fast food !" C'est donc le "rôle essentiel et stratégique des bibliothèques" qui est rappelé par ce document autour de huit grands droits fondamentaux : accéder librement à toutes les cultures et à une information plurielle, droit de se former tout au long de la vie, droit de réutiliser des communs du savoir...
L'adhésion à cette charte est désormais proposée aux collectivités territoriales et établissements publics qui se reconnaissent dans ces objectifs.