CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°385
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Le télétravail s’installe durablement : 67 % des répondants y consacrent au moins deux jours par semaine. Mais un tiers reste encore en dehors de cette organisation hybride. Ce contraste illustre les inégalités structurelles persistantes, notamment en matière d’accès aux outils et aux politiques RH.
Or, dans le monde du travail dématérialisé, la capacité à s’adapter, à produire et à coopérer à distance devient un critère clé de professionnalisation. Pour les professionnels de l’information, cela suppose des environnements techniques adaptés, une refonte continue des pratiques métiers, mais aussi un accompagnement pour une prise en main efficace.
Les enjeux clés de votre métier en 2025
Sans surprise, la pérennisation des données (57 %) et la capitalisation des connaissances (51 %) restent des préoccupations "cœur de métier" très fortes. Ces deux enjeux structurent l’activité quotidienne de nombreux professionnels de la documentation, de l’archivage ou de la gestion de l’information. Mais la nouveauté marquante cette année réside dans la montée de la gestion des données (76 %) et des démarches collaboratives (83 %). Ces dimensions traduisent un besoin de transversalité, de structuration et de gouvernance, à l’heure où l’information circule entre services, plateformes et outils variés.
Quant à la maîtrise des IA génératives, celle-ci s’impose avec force : 78 % des répondants la considèrent comme un enjeu stratégique. Loin d’être un simple effet de mode, cette attente traduit une transformation en profondeur des outils et des chaînes de traitement documentaire.
Une complexification qui s’accompagne d’exigences accrues
75 % des répondants estiment que leur métier s’est complexifié. Ce constat, stable depuis trois ans, confirme une tendance de fond : la polyvalence devient la norme, avec des attentes élevées sur les livrables, la rigueur, la réactivité et la prise en main de nouvelles technologies.
Plus encore, 74 % déclarent devoir "en faire plus avec le même niveau de qualité". La transformation numérique, l’inflation des contenus, les projets transversaux, mais aussi la réduction des effectifs ou des budgets participent à cette tension.
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Confiance sous tension, mais des perspectives ouvertes
La note moyenne de confiance dans l’avenir professionnel est de 6/10, en légère baisse par rapport à 2024. Les commentaires ouverts révèlent des inquiétudes croissantes : précarisation des services, flou stratégique, manque de reconnaissance, instabilité des périmètres.
Mais d’autres voient dans cette mutation une opportunité : se réinventer, se former, se positionner sur les nouveaux projets liés à la data, à la médiation ou à l’open science. Cette polarisation des réponses reflète une transition encore inachevée, mais pleine de potentiel.
Intelligence artificielle : entre urgence et retard à l’allumage
76 % des répondants estiment devoir renforcer leurs compétences en IA génératives. Pourtant, seuls 12 % ont été formés sur ce sujet. Un fossé inquiétant, qui s’explique autant par un manque d’accompagnement que par des freins organisationnels, voire des injonctions contradictoires de la direction.
L’offre de formation est aujourd’hui pléthorique et propose d’accompagner les professionnels sur de très nombreux formats, mais aussi différents niveaux d’appropriation. Nous conseillons de commencer par une prise en main des outils et des techniques de prompting pour apprivoiser ces nouvelles technologies. Ceci vous donnera les premières clés pour explorer la puissance des IA génératives, tester et savoir identifier les bons outils qui s’intégreront dans votre quotidien, tout en restant attentifs aux risques et aux biais à prendre en compte.
En parallèle, les compétences recherchées confirment l’évolution des métiers :
- logiciels métiers (89 %),
- gestion de projet (67 %),
- veille et analyse de l’information (64 %),
- communication professionnelle (54 %).
Ces résultats montrent que l’IA ne remplace pas les fondamentaux, mais pousse à les renforcer. Elle agit comme amplificateur de compétence : encore faut-il savoir l’utiliser avec méthode et esprit critique ! En effet, les IA génératives ne remplaceront pas tout et n’agiront pas d’elles-mêmes ; il faudra toujours des humains pour encadrer les processus, piloter leurs usages et valider leur production.
Les professionnels de l’information ont toute leur place dans le déploiement de ces nouvelles technologies, ne serait-ce que pour préparer les données avant leur déploiement, structurer les données pour les alimenter et piloter leur utilisation. Ceci s’accompagne de médiation et de transfert de compétences.
Soft skills : l’agilité avant tout
Dans un monde mouvant, et, disons-le, de plus en plus numérique, les qualités humaines prennent une importance accrue. Savoir s’adapter reste la compétence comportementale numéro un (55 %), suivie de la coopération (35 %) et de l’innovation (25 %). Très recherchées en recrutement, ces compétences sont aussi déterminantes pour évoluer en interne, mener des projets ou animer des réseaux. Elles traduisent la volonté des métiers de l’information d’adopter une posture stratégique et de légitimité, mais aussi d’employabilité.
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Formation : moteur de développement… et de repositionnement
La formation reste un levier puissant pour évoluer : 81 % partent en formation pour progresser dans leur métier, contre seulement 16 % dans une logique de reconversion.
Les modes d’autoformation sont très présents :
- moocs et tutoriels (79 %),
- veille sur internet (64 %),
- échanges internes (45 %).
Le salon professionnel, autrefois central, est désormais marginal (29 %), au profit d’un apprentissage plus souple, intégré et quotidien.
Le rôle central des services formation
La majorité des demandes de formation vient directement des salariés eux-mêmes (près de 90 %), bien plus que des managers (7 %) ou de la direction (4 %). Cela montre à quel point l’envie d’évoluer est d’abord individuelle.
Mais les services formation ont un rôle essentiel à jouer : faciliter l’accès à l’offre, proposer des contenus modulaires, valoriser les compétences acquises. Trop souvent perçus comme de simples relais administratifs, ils peuvent devenir des acteurs de la transformation des métiers. D’ailleurs, 61 % des répondants indiquent avoir été freinés dans leur départ en formation à cause d’un manque de budget et 35 % faute de validation managériale. Cela interroge sur les marges de manœuvre réelles laissées aux professionnels.
Co-concevoir sa formation, un enjeu émergent
Nouveauté marquante de l’enquête : 47 % des répondants se disent intéressés par une démarche de co-conception de formation. Parmi eux, 63 % accepteraient d’être sollicités pour participer à l’élaboration de modules en lien avec leur expertise métier, leurs usages ou leurs besoins. Cette envie de contribuer révèle un changement de paradigme : les professionnels ne veulent plus seulement consommer des formations, mais codéfinir des parcours plus adaptés, plus efficaces et plus proches du terrain.
Critères de choix, formats et nouvelles préférences
Les critères de choix évoluent : le contenu du programme reste prioritaire (74 %), mais la réputation du centre (43 %) et les modalités pédagogiques progressent nettement.
Côté formats, la souplesse devient la norme :
- 54 % préfèrent une formule mixte (présentiel + distanciel),
- 34 % plébiscitent encore le 100 % présentiel,
- 18 % choisissent le 100 % distanciel.
Le format hybride, combinant présence et distance simultanées, est perçu positivement par 52 % des répondants.
E-learning : un usage massif, mais perfectible
84 % utilisent l’e-learning, surtout sur des sujets techniques (IA, Ged, archivage…). Le dispositif est jugé "plutôt" ou "très adapté" par 79 % des répondants, mais sa note de satisfaction reste modérée (6,8/10).
Les attentes exprimées sur les environnements numériques d’apprentissage (learning management system ou LMS) sont claires :
- des ressources structurées et téléchargeables,
- des vidéos pédagogiques courtes,
- des cas pratiques, des QCM, des mises en situation.
En bref : vous souhaitez de l’autonomie, mais pas de solitude.
Financer sa formation : entre envie et limites
Les principaux freins au départ en formation sont bien identifiés :
- manque de budget (61 %),
- manque de temps (32 %),
- refus hiérarchique (35 %).
Pour y remédier, les professionnels sont prêts à s’impliquer : 52 % accepteraient de se former sur leur temps personnel et 44 % seraient prêts à financer une partie des frais. Par ailleurs, 76 % comptent activer leur CPF (Compte personnel de formation) dans les deux ans, preuve que la logique de co-investissement est bien intégrée.
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Enseignements à retenir
L’édition 2025 confirme trois grandes tendances :
- l’IA générative n’est plus une option, mais un passage obligé,
- les soft skills sont les leviers pour évoluer dans son organisation,
- la formation doit évoluer : plus modulaire, plus coconstruite et plus connectée à la réalité du terrain.
Au-delà des chiffres, l’enquête révèle une profession dynamique, exigeante, lucide sur ses défis sans être résignée. Le besoin de reconnaissance, de montée en compétence et d’implication dans la transformation est manifeste.
Nous pouvons l’affirmer, les IA génératives vont très largement redistribuer les cartes et vont encore bousculer un peu plus la gestion de l’information. C’est le moment de renforcer ses compétences dans ce domaine et d’aller au-delà des freins exprimés.
L’enquête révèle aussi un paradoxe : une envie forte de se former, d’évoluer et d’innover, mais qui se heurte encore à des freins récurrents (budgets, validation, temps). Dans ce contexte, mieux accompagner les dynamiques individuelles et collectives de montée en compétences devient une priorité stratégique.
Les professionnels de l’information ont les clés pour se réinventer. Encore faut-il qu’on leur donne les moyens de se former, d’innover… et de rester moteurs dans un paysage qui évolue à une vitesse vertigineuse.
Jean Gauthier
[Directeur de Serda Compétences]