Article réservé aux abonnés Archimag.com

Comment élaborer, administrer et analyser une enquête ?

  • methode_enquete.jpg

    methode-mener-enquete
    Une enquête ne se réduit pas à collecter des données : c’est un processus qui exige de construire pas à pas un cadre clair, du choix des hypothèses initiales jusqu’à la restitution, pour garantir la pertinence et la fiabilité des résultats. (Federcap)
  • Enquête de satisfaction, étude de publics ou sondage d’usages : derrière ces démarches se cache une véritable méthode pour concevoir une enquête, quantitative ou qualitative, adaptée et exploitable.

    archimag_388_couv_bd.jpgenlightened RETROUVEZ CET ARTICLE ET PLUS ENCORE DANS NOTRE MAGAZINE : CONSTRUIRE ET ENTRETENIR SON STORYTELLING AVEC LES ARCHIVES

    mail Découvrez toutes les newsletters thématiques gratuites d'Archimag dédiées aux professionnels de la transformation numérique, des bibliothèques, des archives, de la veille et de la documentation.


    Mener une enquête - qu’elle soit qualitative ou quantitative - ne s’improvise pas. Dans le secteur public, comme dans le privé, les organisations (entreprises, institutions culturelles, services d’archives ou bibliothèques) s’appuient de plus en plus sur ce type d’étude pour comprendre leurs usagers, leurs clients ou leurs collaborateurs, ajuster leurs pratiques ou leurs services ou mesurer leur impact.

    Mais comment procéder de manière rigoureuse et efficace ? Comment choisir entre des entretiens, des focus groups ou des questionnaires en ligne, par exemple ? Comment définir une cible et interpréter des résultats ?

    Clarifier les objectifs et les contraintes

    Avant d’écrire la première question, il faut se poser la seule qui compte : "pourquoi faire cette enquête ?". Comme le rappelle Jörg Müller, directeur d’études et de recherche au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) : "cette question maîtresse doit toujours être gardée en tête, car toutes les questions du questionnaire devront y répondre", explique-t-il. "Au risque de se disperser".

    Ensuite, la phase préparatoire d’une enquête nécessite :

    • l’identification du maître d’œuvre (interne ou externe) qui va conduire l’enquête,
    • la définition d’un calendrier réaliste,
    • la formulation d’une ou de deux hypothèses principales à vérifier,
    • la définition des indicateurs clés (fréquentation, satisfaction, usages, etc.).

    Qualitatif et quantitatif ?

    Les deux approches peuvent être complémentaires :

    - l’enquête quantitative permet de comparer des populations, de mesurer des évolutions ou de dégager des tendances générales. Elles sont plus contraignantes, car elles nécessitent des questions fixes et un échantillon représentatif,
    - l’enquête qualitative vise à comprendre les usages et les significations attribuées aux pratiques. Il en existe de différents types :

    • les entretiens individuels (non directifs, semi-directifs ou directifs) : les entretiens sont arrêtés lorsque des récurrences de discours apparaissent (généralement après une dizaine d’entretiens),
    • les focus groups (entretiens collectifs) : utilisés pour tester des concepts,
    • l’observation in situ : observer les comportements dans un lieu ou lors d’une activité, avec ou sans interaction avec les usagers,
    • l’immersion : implique un travail de terrain prolongé, la tenue d’un journal d’enquête et souvent des supports complémentaires (photos, vidéos, carnets) pour une compréhension fine des usages dans leur contexte.

    Par exemple, avant l’exposition "Apocalypse", qui s’est tenue en 2025 à la Bibliothèque nationale de France, Irène Bastard, sociologue et responsable des études de publics à la BnF, a piloté un focus group réalisé par la société Scanergie pour tester la réception des visuels et éléments de communication présentis pour l’évènement. "On pensait que le mot "apocalypse" était évident, mais dix personnes nous ont donné dix interprétations différentes", explique-t-elle.

    La solution a été d’ajouter un sous-titre pour clarifier le thème de l’exposition. Par ailleurs, la tendance actuelle est au séquençage : débuter par une enquête quantitative, pour établir une typologie, puis continuer par une enquête qualitative, pour approfondir certains profils.

    Identifier sa cible

    Déterminer la population interrogée est un passage obligé. "La difficulté d’atteindre la cible conditionne directement le coût et la méthode", rappelle Jörg Müller. Pour une enquête représentative en population générale, des quotas (genre, âge, région, par exemple) sont imposés. Mais lorsqu’il s’agit de publics plus rares - par exemple, les "intentionnistes" de visite de musées étrangers - les quotas deviennent impraticables.

    Quelques règles simples restent vitales : toujours prétester son enquête auprès de quelques personnes, obtenir le consentement des participants, garantir l’anonymat et la confidentialité des données.

    Différents moyens permettent d’atteindre une cible ou un public :

    • exploiter les ressources internes : bases d’inscrits, fichiers clients, listes de diffusion, logs de navigation, données issues de formulaires ou d’outils numériques, par exemple,
    • recourir à des partenariats : associations, institutions, plateformes en ligne ou partenaires privés peuvent faciliter l’accès à des publics spécifiques ou difficiles à toucher,
    • passer par des panels : pour des échantillons représentatifs à grande échelle, il est possible de s’appuyer sur des panels d’instituts de sondage ou de sociétés spécialisées (souvent rémunérés), ce qui garantit une meilleure réactivité,
    • mobiliser sur le terrain : dans certains contextes, la sollicitation directe reste efficace (dans un lieu de service, à la sortie d’un évènement ou d’un point de vente, etc.).

    Il faut aussi distinguer les publics physiques (ceux qui fréquentent un lieu, un service, un guichet) des publics en ligne, qui ne se recoupent pas toujours. Comme le souligne Irène Bastard : "il est essentiel d’intégrer les pratiques numériques à toutes les enquêtes et d’observer les activités des usagers, quel que soit le support."

    Bien formuler les questions

    Il est recommandé de commencer par une phase qualitative (observations, entretiens exploratoires) avant de concevoir un questionnaire quantitatif, afin de formuler les questions dans des termes compréhensibles pour les enquêtés. Mais une fois ce choix posé, l’approche méthodologique diffère et repose alors sur quelques règles simples :

    Enquête qualitative :

    • poser des questions ouvertes, invitant au récit ("pouvez-vous me raconter votre dernière visite ?"),
    • opter pour des relances neutres ("et ensuite ?", "pourquoi ?") afin d’approfondir sans orienter,
    • privilégier des formulations simples, proches du langage des usagers.

    Enquête quantitative :

    • poser une seule question par item, claire et non ambiguë,
    • distinguer comportements (ce que font les usagers) et opinions (ce qu’ils pensent),
    • équilibrer formulations positives et négatives pour limiter les biais,
    • limiter les questions ouvertes, difficiles à coder et à analyser.

    "Les questionnaires trop longs ou trop complexes découragent rapidement les répondants", alerte Jörg Müller. "Vouloir tout mesurer d’un coup est l’erreur la plus fréquente".

    Soigner la collecte des données

    Le mode de recueil influence fortement les résultats :

    • en ligne : rapide et peu coûteux, mais exposé aux biais de volontariat,
    • en face-à-face : plus précis, mais chronophage,
    • par téléphone : efficace pour des quotas, mais de moins en moins accepté,
    • par observation : utile pour confronter intentions et pratiques réelles.

    Exploiter intelligemment les résultats

    Une enquête ne vaut que si elle produit un livrable utile. Au Crédoc, les restitutions prennent souvent la forme de rapports structurés associant graphiques, croisements statistiques et synthèses visuelles. À la BnF, la démarche est similaire, mais adaptée aux besoins internes : rapports écrits, présentations orales interactives ou communications scientifiques.

    "Nous cherchons à la fois à aider les collègues dans leurs décisions et à construire une mémoire des publics, grâce à des enquêtes reconduites régulièrement", souligne Irène Bastard. Au moment de l’analyse des résultats, elle conseille également de "toujours comparer des populations plutôt que de donner des chiffres globaux, en distinguant les réponses par âge ou profil, par exemple".

    Les astuces "petits budgets"

    Faire appel à un grand institut, comme Ipsos ou l’Ifop, n’est pas toujours à la portée de tous. Heureusement, il existe plusieurs moyens de réduire les coûts sans sacrifier la qualité d’une enquête :

    • mutualiser ses questions au sein d’une enquête appelée "omnibus", auprès du Crédoc, par exemple, qui regroupe plusieurs commanditaires pour partager les frais;
    • utiliser des logiciels libres, comme R pour l’analyse statistique,
    • recourir à des outils accessibles pour l’enregistrement et la transcription (Zoom, Teams, Whisper AI, Word).

    "Même avec des moyens limités, on peut obtenir des résultats solides, à condition de rester méthodique et réflexif", rappelle Irène Bastard. L’essentiel est donc de privilégier des enquêtes ciblées et exploitables plutôt que des dispositifs trop lourds.

    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Êtes-vous prêt pour la réforme de la facturation électronique ? À moins de 460 jours du grand lancement, l’écosystème se prépare activement. Lors de la Journée de la Facturation Électronique qui s'est tenue le 13 mai dernier à Paris, Archimag Podcast est allé à la rencontre des acteurs incontournables de cette réforme : les Plateformes de dématérialisation partenaires, ou PDP. Ensemble, nous avons parlé de leur rôle, de leurs spécificités, de leur modèle économique et de leur secret de longévité. Dans cet épisode, nous vous dévoilons qui sont ces acteurs et ce qu'ils préparent pour accompagner la réforme.

    sponsoring_display_archimag_episode_6.gif