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La bibliothèque de demain : "Les bibliothécaires peuvent accompagner les usagers dans les nouvelles technologies"

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    « Certaines technologies peuvent transformer nos façons de travailler et nous avons intérêt à les surveiller attentivement. » (Jcomp/Freepik)
  • Défis techniques, d'ordre humain ou encore éthique... La bibliothèque est en perpétuelle évolution. Frédérique Joannic-Seta, Thomas Fourmeux et Fabrice Papy partagent leurs regards sur les grandes tendances technologiques qui façonnent le domaine.

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    Au sommaire : 


    Le point de vue de Frédérique Joannic-Seta

    Frédérique Joannic-Seta est directrice de la bibliothèque universitaire Rennes 2 et membre de la commission signalement et systèmes d’information au sein de l’ADBU.

    Quelles sont les grandes tendances technologiques dans le monde des bibliothèques universitaires ?

    frederique-joannic-seta-dossier-techno-bibliotheque.jpegNous sommes dans un mouvement perpétuel, dans une logique d’évolution permanente. C’est le rôle de l’ADBU de réaliser ce travail de veille, d’animation, d’échanges et de lobbying. L’axe que je vais retenir est celui de la place de la donnée. Cette question entraîne trois enjeux majeurs d’ordre technique, humain/métier et éthique.

    Aujourd’hui, il faut sortir de nos dogmes pour structurer différemment nos données et les exploiter en profondeur. Il y a selon moi tout un travail à faire sur la structuration, la dissémination et la valorisation de la donnée. Et les outils métiers devront s’adapter.

    Il devient important d’entrer dans une logique d’identifiant pour que toute une chaîne professionnelle — et pas seulement celle des bibliothèques — puisse s’en emparer. Cela nécessite aussi des outils ouverts et interconnectés. Côté métier, les professionnels doivent être accompagnés dans cette évolution. La question de la protection et de l’utilisation de ces données est aussi primordiale.

    Quelle place occupe l’intelligence artificielle (IA) dans ces évolutions ?

    L’IA commence à rentrer dans nos réflexions et nos pratiques. Dès 2019, l’ADBU a organisé la journée d’étude : Tous bibl-IA-thécaires ? L’intelligence artificielle, vers un nouveau service public. Aujourd’hui, il y a déjà des projets de recherche dans ce sens. À l’image de l’Issa qui s’articule autour des archives ouvertes des publications du Cirad.

    Lire aussi : Alexandre Faure : "Une base de connaissance est indispensable à toute gestion de projet"

    Ce projet part du principe que nous avons une masse de connaissances, et donc une masse de données, infinies. Les descriptions bibliographiques que nous en faisons permettent de s’orienter, mais pas d’en saisir toutes les richesses. Ainsi, l’indexation sémantique des publications permettrait d’aller au-delà de ce que nous faisons manuellement avec de l’indexation de type Rameau. L’Abes travaille aussi sur cette problématique.

    À l’échelle internationale, le consortium AI4LAM (l’intelligence artificielle pour les bibliothèques, les archives et les musées), mené par Stanford, la bibliothèque de Norvège et la BnF, s’est mis en place notamment à travers les conférences Futurs Fantastiques et des expérimentations.

    Il est important d’avoir un regard francophone sur cette évolution. Car beaucoup de ce qui se développe l’est en anglais. Il y a donc un besoin d’acculturation et de transmission.

    Le point de vue de Thomas Fourmeux

    Thomas Fourmeux est responsable numérique et communication au sein de la médiathèque Louis Aragon à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) et fondateur du blog Biblio Numericus.

    Comment les nouveaux outils numériques bouleversent-ils le métier de bibliothécaire ?

    thomas-fourmeux-dossier-techno-bibliotheque.jpgLes bibliothécaires sont des professionnels de l’information. Ils savent chercher, organiser, éditorialiser et recommander une réponse pour satisfaire un besoin informationnel. Avec le développement du numérique, nous avons vu l’apparition de services de questions-réponses comme Eurêkoi. Mais de nouveaux outils d’intelligence artificielle (IA) vont complètement marcher sur nos plates-bandes et notre champ de compétences.

    Comme Chat GPT, d’Open AI. Tout le monde est en train de tester cette IA qui peut apporter des réponses, et même créer des conversations avec un utilisateur. C’est une intelligence très poussée qui questionne l’avenir de Google. Donc, si nous nous interrogeons sur la place de Google dans l’accès à la connaissance, et bien nous, les bibliothèques, nous risquons d’en pâtir aussi, d’être invisibilisées.

    Ce qui va nous distinguer, c’est peut-être notre capacité à apporter des réponses neutres et plus objectives, parce que nous avons une rigueur et une déontologie. Nous ne savons pas quels biais peut avoir l’IA : à partir de quelles sources va-t-elle s’appuyer pour apporter une réponse ?

    L’IA peut-elle être aussi un levier pour la profession ?

    Certaines technologies peuvent transformer nos façons de travailler et nous avons intérêt à les surveiller attentivement. Nous pourrons être amenés à utiliser des IA telles que Midjourney ou Stable Diffusion qui génèrent des contenus uniques à partir d’une description. Ou même des outils pour rédiger un article ou un billet de blog…

    La compétence qui sera développée ne sera plus celle des outils graphiques, mais la capacité de faire produire à travers une description. Et c’est là que c’est intéressant, parce que nous retombons sur les mêmes mécanismes que ceux de la documentation et de l’information.

    Lire aussi : Mieux former : un nouveau référentiel de compétences pour les bibliothèques

    J’aime cette idée de continuité avec ces nouveaux outils. Nous pouvons aussi accompagner les usagers dans ces nouvelles technologies avec des ateliers sur la réalisation de requêtes et la création de contenus grâce à des IA.

    Le point de vue de Fabrice Papy

    Fabrice Papy est enseignant-chercheur en science de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine. Il est également rédacteur en chef des Cahiers du Numérique et directeur de département éditorial au sein de la société d’édition ISTE.

    Comment se façonne la bibliothèque de demain ?

    fabrice-papy-dossier-techno-bibliotheque.jpegÀ mon sens, une des grandes tendances viendra de la mutation des anciens mécanismes de modélisation des formats documentaires vers le Library Reference Model (LRM — Modèle de référence de bibliothèque) développé par l’Ifla.

    Ce modèle change considérablement la façon de conceptualiser des collections. Il prend la suite du fameux Functional Requirements for Bibliographic Records (FRBR — Fonctionnalités requises des notices bibliographiques). Le LRM va créer de nouveaux éléments conceptuels, que nous pouvons qualifier d’“œuvres”, sur lesquels vont être agrégés des livres, des DVD, ou encore des partitions…

    Les fournisseurs de SIGB vont désormais intégrer ce modèle qui aura un impact direct sur les systèmes d’information des bibliothèques. Cette évolution intellectuelle va aussi avoir une conséquence sur la manière de représenter et de chercher dans les collections.

    Cela va mobiliser d’autres technologies qui ont un peu disparu ces dernières années : la visualisation de l’information. Ces procédés de représentation vont devoir solliciter des artefacts visuels.

    Quelle place pour la bibliothèque numérique ?

    La bibliothèque numérique n’est pas juste une reproduction dématérialisée d’une bibliothèque physique. Je pense qu’en matière d’expositions, de services et d’enrichissement, c’est une évolution qui va se confirmer.

    Aujourd’hui, sur un ouvrage donné, nous savons qu’il y a de plus en plus de ressources complémentaires. C’est aussi grâce à l’interopérabilité des outils. Et en ce sens, les bibliothèques numériques ont le vent en poupe. Elles ne vont pas remplacer les bibliothèques physiques, mais les amplifier.

    Le grand défi sera de rester accessible cognitivement pour l’ensemble des publics. Curieusement, ces évolutions technologiques vont sûrement nécessiter plus de présence humaine !

    Lire aussi : Conseils pour réussir son équipement informatique en bibliothèque

    Quels sont les défis techniques ?

    D’un point de vue “usage” de l’interopérabilité des outils, nous avons un peu oublié l’ergonomie des systèmes informatiques. Le manque d’ergonomie dans le parcours utilisateur peut entraîner une surcharge cognitive et augmenter le désarroi numérique.

    Il faudra aussi que les logiciels de type SIGB répondent davantage à l’usage. Comme par exemple : intégrer la notion de spatialisation des ressources à travers la cartographie pour mieux se rendre compte où se situent les données et se les représenter.

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