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Au sommaire :
- Dossier : Les technologies du futur pour les pros de l'info
- Outils de veille - « Le déplacement du métier de veilleur est inéluctable »
- Bibliothèque de demain - « Les bibliothécaires peuvent accompagner les usagers dans ces nouvelles technologies »
- Archives - « L’intelligence artificielle a sa place dans le monde des archives »
- Transition numérique - « Aujourd’hui, les grandes évolutions concernent la data »
Le point de vue de Jérôme Bondu
Jérôme Bondu est directeur du cabinet de veille et d’intelligence économique Inter-Ligere. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la veille et à la maîtrise de l’information.
Quel est l’avenir prévisible des outils de veille dans les trois prochaines années ?
Pour avoir échangé récemment avec quelques éditeurs français, dont l’offre de solutions de veille a été particulièrement riche et stable ces trente dernières années, il me semble qu’ils craignent l’arrivée de solutions étrangères.
Bernard Normier me faisait remarquer dans les années 2000 que la création d’outils de veille demande deux compétences : celles de la linguistique et des mathématiques, deux domaines où les Français excellent. Le marché en France de solution de veille a donc été « protégé » par une offre de qualité.
Mais l’internationalisation des entreprises va obligatoirement ouvrir le marché. Il y a donc une nécessité de benchmarker les solutions étrangères et de s’aligner sur les meilleures pratiques. Il y aurait certainement là un nouveau chantier !
L’intelligence artificielle a-t-elle sa place dans les solutions de veille ?
Bien sûr ! Et la question est plutôt celle de la place que va prendre l’IA et de celle qui restera à l’humain. Car le déplacement du métier de veilleur est inéluctable. D’ailleurs, le débat n’est pas nouveau : il y a déjà dix ans, nous expliquions qu’il y avait un risque pour que le veilleur se transforme en « presse bouton ».
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Néanmoins, les veilleurs sont sereins : j’ai réalisé un petit sondage sur le sujet en septembre 2020 et 80 % des professionnels de la veille interrogés considéraient que l’impact de l’IA serait positif.
Notre rôle est de garder une indépendance de jugement et un libre arbitre tout en conservant la maîtrise de notre temps de cerveau disponible.
La conférence que j’ai donnée lors du Forum IES en novembre 2022 vise à renforcer les techniques d’analyse, le recul critique, l’importance du réseau humain et j’anime des formations spécifiquement sur ce sujet.
La datavisualisation va-t-elle continuer de gagner du terrain ?
Là encore je ne peux que m’exclamer : « Bien sûr ! ». La datavisualisation est un excellent rempart contre l’infobésité. Une datavisualisation est un concentré d’intelligence. C’est la résultante d’un travail réel d’analyse.
C’est aussi un vecteur de communication pour faire passer les renseignements utiles aux niveaux hiérarchiques supérieurs. Là encore, je ne peux qu’appeler à suivre des formations sur le sujet… Il y a beaucoup à apprendre et à faire.
Le point de vue de Christophe Deschamps
Christophe Deschamps est consultant et formateur en veille stratégique et en intelligence économique.
Quels sont les défis qui se posent aux veilleurs ?
Le grand défi des mois à venir est lié à l’arrivée en force de l’intelligence artificielle et notamment de sa composante deep learning. Trois questions se posent :
- comment utiliser le deep learning pour mieux cibler sa veille et produire des contenus ? (apprentissage des besoins des utilisateurs, détection de nouveaux contenus et sources, réalisation de synthèses semi-automatisées) ;
- comment intégrer de l’apprentissage machine pour mieux exploiter les remontées de la veille ? (retranscription audio, traduction automatique, extraction de texte dans des images, etc.).
- comment détecter les faux contenus produits par les modèles de langage de type chatGPT ou de création d’images et de sons ?
Ces défis ne pourront être adressés que par un couple homme-machine de plus en plus ajusté et les éditeurs traditionnels de plateformes de veille vont avoir un gros travail d’intégration fonctionnelle à effectuer dans les mois à venir. De nouveaux acteurs émergent en effet, issus de l’analyse de données, qui pourraient rapidement venir « marcher sur leurs plates-bandes ».
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Quelle est la place de l’Osint dans la fonction de veilleur ?
L’Osint ne devrait pas être une découverte pour les veilleurs. Le rapport Martre l’évoquait déjà en toutes lettres en 1994… Ce qui a changé c’est que les outils, méthodes et expérimentations à ce sujet se sont multipliés et leurs usages démocratisés depuis plusieurs années, avec un paroxysme lié à la guerre en Ukraine.
Les outils évoluent et l’on voit la même scission apparaître que pour la veille : d’un côté des outils gratuits et de l’autre des plateformes payantes adressant souvent plusieurs spécialités : Geoint, Vidint, Socmint, etc.
De fait, la question à se poser pour les veilleurs est toujours la même : qu’est-ce qui va m’aider à mieux répondre aux besoins informationnels de mes clients internes.
Quels sont les outils et les ressources indispensables pour faire de l’Osint ?
Il y a pléthore d’outils utilisables, mais ce qui compte avant tout c’est un état d’esprit curieux qui poussera à l’investigation et à l’utilisation créative des ressources et outils existants.
La capacité à bien mener des recherches sur le web, notamment à partir de Google, reste un socle incontournable.
Cela doit être réellement perçu comme une compétence métier. Pourtant, je constate que le niveau de méconnaissances des possibilités offertes par ce moteur reste abyssal, y compris chez nombre de veilleurs.
Le point de vue de Stéphane Chaudiron
Stéphane Chaudiron est professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lille où il est responsable du master VeCIS (Veille et communication de l’information stratégique).
Où en sont les outils dédiés à la veille ?
Le terme « outil de veille » désigne des réalités extrêmement différentes. Qu’y a-t-il de commun entre un plugin de type Feedbro pour Firefox, un logiciel monoposte comme WebSiteWatcher, un outil de curation tel que Netvibes et des plateformes comme Sindup, KB Crawl ou Digimind ?
Certains outils sont gratuits, d’autres coûtent quelques dizaines d’euros alors que les grandes plateformes de veille, beaucoup plus riches en fonctionnalités, peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros par an.
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Des outils se spécialisent sur des types de veilles particuliers (le social listening, la fouille d’opinion, etc.), d’autres sont dédiés à l’exploration de données (datamining, big data analytics) comme Orbit Intellixir, ou à l’analyse de contenu (fouille de textes) comme Tropes ou Iramuteq. Enfin, les outils de visualisation comme Gephi sont de plus en plus utilisés, soit à des fins heuristiques soit pour présenter les livrables.
Faut-il les faire évoluer dans une direction particulière ?
On peut identifier trois pistes d’évolution : la première concerne le Tal (traitement automatique des langues) dont les technologies sont de plus en plus intégrées dans les outils de veille ; une deuxième piste est la reconnaissance d’images utilisée par exemple pour rechercher des logos dans des vidéos ; la troisième piste concerne les technologies de visualisation de l’information, notamment pour réaliser des cartographies (réseaux d’acteurs, controverses, etc.).
L’IA a-t-elle quelque chose à apporter aux outils de veille ?
Certainement, mais attention à l’emploi souvent abusif de cette expression. Il convient d’abord de distinguer l’IA symbolique, fondée sur des règles modélisant le raisonnement humain, de l’approche machine learning, qui construit un modèle fondé sur des échantillons de données.
Dans le domaine du Tal, l’approche symbolique a été dominante dans les années 1980 à 2000, puis le machine learning s’est progressivement imposé, notamment en traduction automatique. Les outils de veille peuvent donc bénéficier de la maturité de ces technologies, mais il convient aussi d’être vigilant car la notion d’IA est à la mode et parfois utilisée dans des discours purement marketing.