Les portails de bibliothèques sont loin de respecter le Référentiel général d'accessibilité de l'administration (RGAA), pourtant obligatoire. Quelles mesures prendre et quelles améliorations apporter à votre portail afin qu'il puisse être consulté par tous, y compris par les personnes en situation de handicap ? Méthode.
L’an passé, Tosca consultants et pixFL ont conduit une étude de l’accessibilité numérique de 133 portails de bibliothèques aboutissant à un constat sans nuance : aucune de ces bibliothèques ne s’est mise en conformité avec les exigences du RGAA (référentiel général d’accessibilité de l’administration) et cela malgré le caractère obligatoire de l’application de ce référentiel.
Ainsi bon nombre de personnes en situation de handicap (déficients visuels, dyslexiques, personnes à mobilité réduite…) vont rencontrer d’importantes difficultés pour consulter le portail de leur bibliothèque. Cette étude a également permis d’identifier les principaux points d’amélioration des sites de bibliothèque. Enfin, elle a révélé une relative méconnaissance des démarches à mettre en œuvre pour disposer d’un portail accessible : les bibliothèques ne savent pas trop comment s’y prendre.
1. Les 5 conditions d’accessibilité numérique d’un portail de bibliothèque
Concevoir un portail accessible est une opération relativement simple si l’on s’y prend au bon moment et de la bonne manière. En pratique, la prise en compte de l’accessibilité du web dépend de 5 conditions :
- Une charte graphique accessible.
Dans toutes situations, les contenus doivent demeurer lisibles, en veillant par exemple à respecter des exigences aisément mesurables comme le contraste entre un texte et le fond sur lequel il apparaît (mieux vaut éviter du jaune sur fond blanc, pour tout un chacun, ou du rouge sur fond vert, pour les daltoniens). - Des contributeurs respectant les règles d'usage garantissant l'accessibilité des sites.
Ainsi, il faut que chaque contributeur propose « des équivalents textuels à tout contenu non textuel qui pourra alors être présenté sous d'autres formes selon les besoins de l'utilisateur : grands caractères, braille, synthèse vocale, symboles ou langage simplifié ». - Des logiciels générant des pages web conformes aux exigences d’accessibilité.
Le CMS utilisé pour éditer le site, l’Opac (online public access catalog) qui supporte la recherche dans le catalogue, ainsi que le système de gestion de bibliothèque qui supporte l’offre de services en ligne doivent tous trois générer des pages HTML respectant les exigences d’accessibilité des contenus web. - Des ressources numériques accessibles.
Le portail de la bibliothèque propose également des ressources numériques sur abonnement (autoformation, livres numériques, presse en ligne, documents sonores, vidéos, etc.) qui doivent bien entendu être accessibles. - Un dispositif de contrôle transparent, permettant d'informer l'utilisateur des efforts et des limites du site en matière de prise en compte de l'accessibilité.
Le RGAA impose à la personne publique d’indiquer sur le site web de la bibliothèque qu’un contrôle de l’accessibilité a été effectué et d’en communiquer le résultat. En pratique, il s’agit de publier en ligne une attestation d’accessibilité, consultable par l’internaute, en lui indiquant le cas échéant, les parties du site non accessibles.
2. La démarche à adopter pour garantir l’accessibilité d’un nouveau portail
La bibliothèque qui engage la réalisation de son portail doit être particulièrement vigilante et imposer à chacun des acteurs du projet (agence web réalisant la charte graphique, contributeurs alimentant le site, éditeurs fournissant les logiciels et les ressources numériques) des exigences précises et opposables.
3. Les actions collectives à engager
Si vous n’avez pas pu inscrire la réalisation du portail de la bibliothèque dans une démarche rigoureuse de mise en accessibilité, il va falloir agir a posteriori.
L’étude qualitative des portails de bibliothèque conduite en 2014 a pointé le défaut d’accessibilité des pages web générées par l’Opac, par le système de gestion de bibliothèque et par les sites des éditeurs de ressources numériques. Les éditeurs de ces logiciels et de ces ressources numériques n’ont en effet pas d’obligation légale en matière d’accessibilité numérique. Si votre bibliothèque a retenu un Opac inaccessible ou s’est abonnée à un site de presse en ligne inaccessible, il va être fort délicat de faire accepter à leurs éditeurs une mise en conformité du logiciel ou du site web défaillant (surtout si vous ambitionnez de leur faire supporter les frais de cette mise en conformité !). Ces deux points relèvent davantage d’une action collective. Deux types d’action nous semblent envisageables :
- au sein de chaque club utilisateurs de logiciel, mutualiser le contrôle d’accessibilité numérique de chaque nouvelle version majeure du logiciel ;
- au sein des consortiums, type réseau Carel ou Couperin, mutualiser le contrôle d’accessibilité numérique des ressources numériques.
Pour être pleinement efficace, ces actions doivent probablement aboutir à la publication des résultats des contrôles, sur un site web dédié où le palmarès des produits sera aisément consultable par tout un chacun. Le jour où les éditeurs verront que leurs produits sont mal notés et classés derrière ceux de la concurrence, on pourra espérer qu’ils se décident à engager les investissements nécessaires à la mise en conformité des produits qu’ils commercialisent. D’ici là, il faudra bien souvent se contenter de promesses commerciales non tenues et continuer de proposer un service tout à fait dégradé aux personnes en situation de handicap.
Pour en savoir plus :
- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
- le décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 créant un référentiel d'accessibilité des services de communication publique en ligne
Marc Maisonneuve et Franck Letrouvé
Tosca consultants