CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°386
Au sommaire :
- Dossier : IA générative : comment préserver l’information et les documents ?
- Veille média face aux fake news : l’IA, menace ou alliée ?
- Fraude documentaire : quels outils pour protéger ses documents ?
- Le communiqué de presse certifié, nouvelle arme anti fake news
- L’IA pour détecter les schémas narratifs de la désinformation
Découvrez Le Push du Veilleur, la newsletter thématique gratuite d'Archimag dédiée aux professionnels de la veille et de la documentation !
Un faux communiqué de presse, relayé en 2016 par l’agence de presse Bloomberg News, avait provoqué une chute de 18 % de l’action Vinci et la condamnation de l’agence. Dopée par l’IA générative, la falsification de documents numériques explose. Selon une étude réalisée par l’éditeur Entrust fin 2024, les fraudes numériques ont bondi de 244 % en un an. Dans ce contexte, les documentalistes, veilleurs ou communicants se retrouvent confrontés à une tâche critique : pouvoir garantir l’intégrité et la source des fichiers qu’ils utilisent ou diffusent.
Lire aussi : Les fraudeurs utilisent l'IA, les éditeurs antifraude aussi !
Prouve-le !
Plusieurs éditeurs se sont donc positionnés sur ce créneau, notamment KeeeX, éditeur français d’une solution brevetée de "passeport numérique". Sa technologie, embarquée directement dans le fichier (document, photo, vidéo, etc.), permet une vérification locale sans infrastructure externe. "L’idée, c’est que le fichier puisse prouver lui-même son authenticité et son origine", précise Manuel Henocque, directeur général de KeeeX.
Ce passeport contient plusieurs éléments clés : l’intégrité du document (preuve qu’il n’a pas été modifié), sa provenance (identité de l’auteur), sa date de création, une preuve d’antériorité (ancrage temporel certifié), ainsi qu’un copyright optionnel, permettant à l’auteur d’interdire l’utilisation du contenu, notamment pour l’entraînement de modèles d’IA.
La Société Générale a intégré la solution KeeeX sur son site de presse : chaque journaliste peut y déposer un fichier pour vérifier sa validité, sans passer par un service tiers. "Ils l’ont installée en une semaine, en toute autonomie", souligne Manuel Henocque, qui voit là un levier de souveraineté numérique.
La technologie est différente au sein de la plateforme Wiztrust, créée par Raphaël Labbé, ancien chargé de projet à L’Express, et Jérôme Lascombe, ex-patron de l’agence en relations publiques Hopscotch, qui compte parmi ses clients AXA, L’Oréal et TF1. Leur solution repose sur une technologie de "hashage blockchain", qui enregistre une empreinte unique du fichier dans une base de données infalsifiable, garantissant son authenticité et sa date d’émission.
Lire aussi : "S’informer à l’ère du numérique" : une évolution des pratiques informationnelles
Vérifiez vos sources… jusqu’au fichier
Au-delà de l’authentification, ces technologies s’intègrent désormais dans les logiciels métiers. Augure, un logiciel spécialisé dans les relations presse, a également adopté KeeeX directement sur leur plateforme pour une certification automatique. Pour Wahiba Bourgou-Felix, directrice générale d'Augure, "cette approche est doublement vertueuse : elle protège les contenus contre toute falsification ou usage détourné, et elle permet à nos publics – journalistes, partenaires, clients – de vérifier en toute autonomie l’origine et l’intégrité des documents reçus". L’opération est transparente pour l’utilisateur : empreinte numérique, signature invisible et horodatage sont appliqués sans manipulation supplémentaire. L’option de vérification peut même être hébergée directement sur l’espace presse du site de l’entreprise.
Vers un standard d’authenticité ?
Si les journalistes ou les investisseurs n’adoptent pas encore systématiquement ces outils de vérification, leur simple présence témoigne d’une volonté de transparence. Une bonne pratique qui met tout de même du temps à se déployer : en moyenne, les fichiers certifiés via Wiztrust sont consultés entre 0 et 15 fois.
Face à l’explosion de fake news en ligne, les responsables de communication sont en première ligne. Pour Manuel Henocque, il en va aussi de l’image du métier : "les communicants doivent redevenir des garants de l’information fiable. La certification permet de restaurer la confiance et de retourner la charge de la preuve". Chez Augure, la sensibilisation des clients se joue "dès l’onboarding avec des sessions de formation, des webinars et des supports dédiés. L’objectif est de les familiariser avec les enjeux de la certification et de leur transmettre les bonnes pratiques de diffusion de contenus fiables", affirme Wahiba Bourgou-Felix. Même si ce dispositif est natif à la plateforme, elle constate elle aussi "une forte appropriation par certains profils métiers", notamment du côté de la finance et de la communication, soucieux de l’intégrité des documents diffusés. Les directions juridiques, conformité et IT y voient plutôt un gage de traçabilité, de sécurité et de souveraineté numérique.
Et, alors que des textes comme l’AI Act imposeront bientôt l’étiquetage des contenus générés automatiquement par l’IA, l’ambition est, à terme et au-delà de la certification, de faire de cette technologie un standard européen.