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Entre quête de puissance et de sobriété : la course folle des data centers

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    Les émissions de gaz à effet de serre des opérateurs de data centers ont augmenté de 11 %, notamment en raison des émissions indirectes liées à l’électricité. (Vinkf/Freepik)
  • Face à l’explosion des données et à la montée en puissance de l’intelligence artificielle, la filière des data centers connaît une croissance sans précédent. Réduction des coûts énergétiques, intégration urbaine, valorisation de la chaleur fatale : les acteurs de l’écosystème multiplient les innovations pour conjuguer performance et sobriété.

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    enlightened RETROUVEZ CET ARTICLE ET PLUS ENCORE DANS NOTRE MAGAZINE : Quel futur pour le stockage de données ?

    Au sommaire : 

    - Quel futur pour le stockage de données ? De nombreux enjeux à surmonter, des volumes à la souveraineté, en passant par la conformité et le coût environnemental.
    - Entre quête de puissance et de sobriété :  la course folle des data centers. Réduction des coûts énergétiques, intégration urbaine, valorisation de la chaleur fatale : les innovations se multiplient. 
    - Les supports de stockage innovent : vers l’éternité numérique ? ADN, quartz, cristaux liquides ou diamants : panorama des supports d'archivage de demain.


    Imaginez un soir d’été. Au-dessus de vous, les mille trésors de la Voie lactée. Et si, parmi les étoiles, les stations spatiales et les satellites, des data centers en orbite protégeaient nos données ? Si l’idée paraît folle et n’a pas encore été expérimentée, c’est pourtant le pari de chercheurs et d’investisseurs outre-Atlantique, notamment pour profiter de l’énergie solaire et ne plus dépendre des ressources terrestres.

    Car c’est bien là que réside tout l’enjeu des data centers de demain (et d’aujourd’hui). Selon les derniers chiffres de l’Arcep, "les émissions de gaz à effet de serre des opérateurs de data centers ont augmenté de 11 %, en raison notamment de la hausse des émissions indirectes liées à l’électricité, et le volume d’eau potable utilisé pour leur refroidissement explose (+19 %)".

    Si l’espace reste encore inexploré dans ce domaine, l’entreprise chinoise Highlander a annoncé en octobre dernier tester de son côté l’immersion sous-marine de ses installations. "Cela nous permettrait d’économiser environ 90 % de l’énergie dédiée au refroidissement", a confirmé Yang Ye, vice-président de Highlander.

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    Un gain conséquent, lorsque l’on sait que ces systèmes, indispensables pour maintenir les serveurs à une température viable, représentent 30 à 40 % de la facture d’énergie d’un data center. En France aussi, les projets de recherches et les expérimentations ne sont pas en reste et vont de pair avec la croissance exponentielle du marché.

    Un mouvement d’intérêt fort

    D’après la dernière étude d’impact économique, social et environnemental de la filière des data centers en France, réalisée par le cabinet de conseil EY-Parthenon et France Data Center, la capacité des data centers en France devrait quasiment doubler d’ici 2035, atteignant 4 à 4,3 gigawatts installés, contre environ 0,7 gigawatt en 2024.

    dossier_data_centers_michael_reffay_sca.jpg"Des tendances structurelles, notamment la digitalisation de la société et de l’économie, la cloudification et les évolutions réglementaires, stimulent actuellement le marché", explique Michaël Reffay, délégué général de l’association France Data Center. "L’arrivée de l’IA générative crée une demande supplémentaire en puissance et demande plus de connectivité et de capitaux".

    L’association France Data Center représente et rassemble une grande partie de l’écosystème des data centers en France : concepteurs, exploitants, bureau d’études et promoteurs immobiliers, utilisateurs, mais aussi fournisseurs d’énergie et financiers. "Nos demandes d’adhésion ont doublé ces dernières années et nous couvrons près de 90 % des acteurs de la filière. Il y a un vrai mouvement d’intérêt", se félicite Michaël Reffay. "Notre objectif est de faire de la France la première terre d’accueil en Europe d’un marché dont la valorisation devrait atteindre les 1 000 milliards de dollars en 2030".

    Pour le délégué général de France Data Center, si l’industrie des centres de données est résolument capitaliste, elle sait pourtant répondre aux nouveaux enjeux. "Les data centers ne sont plus des boîtes noires, mais des objets industriels qui s’insèrent dans un territoire urbain ou rural", affirme-t-il. Selon lui, ils s’intégreront demain de mieux en mieux à l’environnement, seront plus sobres et plus utiles à la collectivité. Il précise : "l’objectif est de ne pas empiéter sur les forêts ni d’artificialiser les sols, mais plutôt de réindustrialiser une zone, d’investir les friches et de valoriser la main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée".

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    Des data centers au cœur des territoires

    dossier_data_centers_nicolas_divin.jpegEquinix est une entreprise spécialisée dans l’infrastructure numérique. Avec ses 272 data centers implantés dans le monde, elle se qualifie pourtant en France de "société à mission". "Nous travaillons avec les évolutions et les innovations, mais aussi avec le territoire", explique Nicolas Divin, field development senior manager chez Equinix. "Par exemple, lorsque nous nous sommes implantés à Saint-Denis (93), nous avons réutilisé la chaleur fatale émise par notre infrastructure pour alimenter le Centre aquatique olympique (CAO) et les logements alentour. Nous avons aussi lancé une formation diplômante avec l’Afpa pour stimuler l’emploi dans le secteur. Si un projet industriel est accepté, il faut un retour pour la communauté".

    Les contraintes sont écologiques, bien sûr, mais l’innovation provient avant tout de la volonté de réduire les coûts. "Cela fait quarante ans que l’écosystème innove pour réduire le poste énergétique - près de 30 % des dépenses totales -, non pas seulement pour des raisons écologiques, mais parce que c’est un levier de compétitivité dans un marché très concurrentiel", souligne Michaël Reffay.

    Refroidissement liquide, optimisation thermique, capteurs intelligents : les marges de manœuvre sont multiples et s’adaptent au lieu d’implantation. "À Helsinki, nous utilisons l’air extérieur pour refroidir les serveurs, tandis qu’à Dubaï, nous installons des "chiller" tropicaux", détaille Nicolas Divin. "Nous travaillons sur l’architecture pour maximiser les capacités du bâtiment à se refroidir seul, et explorons aussi différentes techniques de construction : béton bas carbone, végétalisation des façades… Et ce, afin de créer des infrastructures les plus efficientes possibles".

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    Des besoins toujours plus grands

    dossier_data_centers_antoine_lesserteur.jpg"De nombreuses initiatives sont en cours ou déjà en application, comme la valorisation de la chaleur pour chauffer des fermes et des piscines ou la création de potagers directement sur site", ajoute Antoine Lesserteur, chargé des relations institutionnelles et de la communication de France Data Center. "Il faut que cela ait dû sens. Nous n’allons pas creuser un réseau de chaleur pour faire de la récupération, mais exploiter les infrastructures existantes".

    À l’intérieur des centres de données, les fabricants de serveurs conçoivent également des équipements capables de fonctionner à des températures plus élevées, autour de 27 °C (au lieu de 18 °C, il y a dix ans), réduisant ainsi les besoins en refroidissement. Ils imaginent aussi du matériel qui accompagnera la montée en puissance des nouveaux usages.

    L’heure est à l’optimisation du coût énergétique et de la capacité de calcul. "Les GPU (unités de traitement graphique) commercialisées par Nvidia consomment aujourd’hui environ 300 watts, tandis que les modèles annoncés pour demain atteindront les 1 200 watts", prend pour exemple Nicolas Divin. "La consommation électrique sera multipliée par quatre, mais les performances de calcul, elles, seront trente fois supérieures".

    D’ailleurs, ce même fabricant a récemment noué un partenariat avec Mistral AI pour la conception d’un campus dédié à l’IA. Ce dernier comprendra un data center géant d’une puissance équivalente à une centrale nucléaire EPR (1,4 gigawatt prévu en 2030). "Le campus IA sera une infrastructure porteuse de transformation pour la France afin de propulser le pays dans l’ère de l’intelligence artificielle", indique Jensen Huang, CEO de Nvidia. "Il révolutionnera la science, l’éducation et l’industrie".

    Qu’ils soient sur terre, dans la mer ou dans l’espace, les data centers n’ont pas fini d’évoluer. Mais l’enjeu, immédiat et pour demain, reste le même : construire des infrastructures plus sobres et efficientes qui soient ancrées dans leur territoire et capables d’accompagner la croissance exponentielle des traitements de données.

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