Google jugera pourtant au cas par cas la légitimité des demandes, au regard de l'intérêt public de l'accès à l'information.
La décision a de quoi surprendre. Et surtout de quoi ravir les internautes, pour qui l'oubli numérique est désormais un droit sur les moteurs de recherche. En effet, la Cour européenne de justice a débouté Google ce mardi dans le procès qui l'opposait à l'agence espagnole de protection des données (AEPD), estimant dans un communiqué que "l'exploitant d'un moteur de recherche sur internet est responsable du traitement qu'il effectue des données à caractère personnel qui apparaissent sur les pages web publiées par des tiers".
En d'autres termes, il est désormais possible pour un internaute de réclamer à ce que des informations le concernant soient retirées des résultats d'une recherche, si celle-ci a été effectuée à partir de son nom. "Les liens vers des pages web contenant ces informations doivent être supprimés de cette liste de résultats, a jugé la Cour, à moins qu'il existe des raisons particulières, telles que le rôle joué par cette personne dans la vie publique, justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d'une telle recherche, accès à ces informations". Un particulier peut donc, sous certaines conditions et en s'adressant directement à l'exploitant, obtenir la suppression de liens vers des pages web comportant des données personnelles. L'intérêt public restant prioritaire, la condamnation pour fraude d'un homme politique aura peu de chance de tomber dans l'oubli numérique ; et l'appréciation sera laissée à la discrétion de Google, qui sera lui-même juge de l'importance des informations qu'il lui a été demandé de supprimer.
En 2009, il tape son nom sur Google
Ce procès opposait Google à l'AEPD car c'est depuis l'Espagne qu'un certain Mario Costeja Gonzalza avait contacté l'éditeur en 2009. Lorsque cet internaute tapait son nom sur Google, les pages d'un journal datant de 1998 apparaissaient dans les résultats de recherche. Elles faisaient référence à une annonce publiée à l'époque concernant une saisie immobilière pour recouvrement de dette où il était mentionné. Pourtant, la procédure de saisie avait été réglée depuis bien longtemps. Face au refus de Google, Mario Costeja Gonzalza n'a pas eu d'autre choix que de porter l'affaire devant l'AEPD en 2010. Malgré la demande de l'agence à Google Spain et Google Inc., le géant web avait finalement refusé de retirer ces informations compromettantes de ses pages.
Contre l'avis de l'avocat général
Si une telle décision est aujourd'hui surprenante, c'est que l'avocat général de la Cour européenne de justice avait estimé en juin 2013 que Google n'était pas dans l'obligation de retirer de ses résultats des données nuisibles pour un individu, dès lors que celles-ci sont légales : "une demande tendant à faire supprimer des informations légales et légitimes qui sont entrées dans la sphère publique serait constitutive d'une ingérence dans la liberté d'expression de l'éditeur de la page Web" avait alors expliqué la Cour dans un communiqué.