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Open data local : chercher un second souffle

  • Avec l’ouverture des données par les collectivités locales, on allait voir ce que l’on allait voir. Plus d’informations, plus de transparence et aussi une mise à profit attendue du côté des start-up pour créer des applications et de l’activité. Après quelques années passées, malgré des initiatives qui se multiplient, un bilan mitigé s’impose.

    Sommaire du dossier :

     

    Fidèle à sa réputation de ville innovante, Rennes fut la première en France à ouvrir un portail open data. C’était le 1er juin 2010. Quelques mois plus tard, ce fut au tour de Paris. Puis vinrent Montpellier, Saint-Quentin, Longjumeau, Bordeaux... Aujourd’hui, on trouve plusieurs dizaines de portails animés par des mairies, des communautés urbaines, des départements ou des régions. En cette fin d’année 2014, près de 50 plateformes de données publiques sont librement accessibles sur la toile.

    Toutes ne se valent pas, ni en termes de volumes de jeux de données mis à disposition des citoyens, ni en termes d’interfaces. Pour l’essentiel, ces jeux de données se présentent sous la forme de fichiers Excel assez indigestes, mais il convient de saluer la volonté des collectivités de jouer le jeu. « Aujourd’hui, la grande majorité de l’open data est en V1, constate Marie-Cécile Huet, responsable marketing de l’éditeur OpenDataSoft ; cela a le mérite d’exister ! Mais il faut désormais passer à la V2, c’est-à-dire la visualisation des jeux de données. C’est indispensable si l’on veut que les citoyens s’approprient l’open data ». 

    Un constat partagé par les collectivités. Certaines font donc appel à la bonne volonté des internautes pour y contribuer ; d’autres se tournent vers des éditeurs ou des agences spécialisés. Parmi ces éditeurs, OpenDataSoft commercialise une plateforme de visualisation de données (à partir de 200 euros par mois) qui permet de publier des jeux de données sous forme de graphiques interactifs. « Certaines visualisations ont du succès, car elles parlent à tout le monde. C’est le cas des cartes qui sont un excellent support d’exploitation », souligne Marie-Cécile Huet. On se souvient en effet du succès rencontré par la carte parisienne des cafés à un euro ou de celle des lieux de tournage de la capitale.

    charte des bonnes pratiques

    Tout le monde s’accorde donc sur la nécessité de rendre l’open data plus sexy. Le Conseil d’État se penche, lui aussi, sur le sujet, mais de façon plus globale. 

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    Dans une étude publiée au mois de septembre dernier (1), l’institution préconise en effet de poursuivre le mouvement et de passer à la vitesse supérieure. Le Conseil d’État propose en particulier « d’adopter une charte d’engagement et de bonnes pratiques signée par l’État, les associations de collectivités territoriales et les représentants des utilisateurs des données publiques ». 

    Cette charte aurait deux objectifs : 

    le premier obligerait les collectivités à « respecter des standards de qualité » dans la publication de leurs données ; le second viserait à « limiter les risques de réidentification » grâce à un modèle général d’anonymisation. 

    « image brouillée de l’open data et de ses bénéfices »

    Mais le mouvement d’ouverture des données publiques n’est pas un long fleuve tranquille. Certaines collectivités commencent à s’en rendre compte. La Loire-Atlantique fut le quatrième département français à lancer, en avril 2012, une plateforme de diffusion de données. Deux ans plus tard, le département confiait une mission d’évaluation au cabinet Deloitte afin de vérifier si les trois objectifs qu’il s’était fixés au départ étaient atteints : développer la transparence et l’e-démocratie, faire émerger de nouveaux savoirs, encourager les services innovants...

    Les résultats de cette étude donnent à réfléchir. Du point de vue des agents territoriaux d’abord : « L’ensemble des services a une vision positive de la démarche (...), mais les équipes ont encore une image brouillée de l’open data et de ses bénéfices. L’ouverture des données est plutôt vue sous l’angle d’une obligation légale et pas encore comme une approche systématique accompagnant chacune des politiques engagées sur le terrain ». Le cabinet Deloitte constate également un inévitable « risque d’essoufflement » après l’engouement qui a accompagné le lancement du portail en 2012.

    Quant aux citoyens, le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne se bousculent pas aux portillons. Un questionnaire envoyé à 1 400 personnes n’a reçu que 69 réponses ! Il est vrai que certaines des 35 questions qui leur étaient adressées étaient particulièrement indigestes : « Précisez les activités et le périmètre des données sur lesquels vous seriez prêt à vous investir » ou encore « êtes-vous satisfait de l’interface de programmation (APIs) et documentation associée ? »... Résultat : un taux d’abandon en cours de questionnaire très élevé. 

    Au-delà, cette étude apporte un intéressant éclairage, plus général, sur les initiatives locales : « L’impact de l’open data sur le développement économique d’un territoire n’est aujourd’hui pas quantifiable. (...) Le sondage mené semble indiquer que l’usage commercial des données est encore peu développé. (...) Les retombées de la démarche sont plutôt à voir de façon plus large ». Et l’étude Deloitte de souligner que ce projet open data contribue à « la richesse du catalogue français » et donne au département « une avance pour se positionner comme un acteur moteur au niveau national et international ».

    e-gouvernance

    Ce constat ne surprendra personne. L’ouverture des données publiques est un mouvement quasiment inconnu de l’immense majorité des citoyens français. Il reste à souhaiter aux collectivités de réussir comme l’État a réussi avec sa plateforme Data.gouv.fr. La France vient en effet d’être récompensée à New York par l’Open Government Partnership (Partenariat pour un gouvernement ouvert) pour sa politique en matière d’ouverture des données publiques. Le portail Data.gouv.fr a été classé au 10e rang des initiatives mondiales d’amélioration des politiques publiques. Un classement qui en confirme un autre : selon une étude de l’Organisation des Nations Unies, la France occupe la première place en Europe des pays engagés dans l’e-gouvernance.

    (1) Étude annuelle 2014 du Conseil d’État - Le numérique et les droits fondamentaux. La Documentation française
    (2) e-Government Survey 2014. e-Government for the future we want. United Nations.


    + Repère
    L’État se dote d’un administrateur général des données

    La France possède désormais un administrateur général des données. Cette nouvelle fonction a été créée le 17 septembre dernier et confiée à Henri Verdier qui dirige par ailleurs la mission Etalab. Selon le décret paru dans le Journal officiel, l’administrateur général des données aura pour mission de « coordonner l’action des administrations en matière d’inventaire, de gouvernance, de production, de circulation et d’exploitation des données par les administrations ».

    Chaque année, il remettra un rapport public au Premier ministre afin de faire le point sur les données existantes ainsi que sur « les exploitations innovantes que ces données autorisent ». Henri Verdier précise qu’il a également l’intention de « créer très rapidement une petite cellule de “datascientists” qui se penchera sur différents problèmes d’évaluation ou de pilotage des politiques publiques ».

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