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Storytelling et archives : qui pour porter le projet ?

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    Développer le storytelling d’une entreprise à partir de ses archives exige un savoir-faire, faut-il internaliser ou externaliser cette mission ? (Freepik)
  • Raconter l’histoire d’une organisation pose une question clé : mieux vaut-il porter ce projet en interne ou faire appel à des experts pour structurer et valoriser ce storytelling ? Entre authenticité, continuité et efficacité, le véritable enjeu est de trouver le juste équilibre pour faire des archives et de la mémoire un récit vivant, fédérateur et stratégique.

    archimag_388_couv_bd.jpgenlightened RETROUVEZ CET ARTICLE ET PLUS ENCORE DANS NOTRE MAGAZINE : CONSTRUIRE ET ENTRETENIR SON STORYTELLING AVEC LES ARCHIVES

    Au sommaire : 
    Construire et entretenir son storytelling avec les archives : les agences témoignent
    Fédérer les équipes autour du patrimoine : quand la mémoire des marques permet d’innover
    Storytelling et archives : qui pour porter le projet ? Mieux vaut-il piloter ce projet en interne ou faire appel à des experts ?
    Réseaux sociaux : un gisement d’archives à valoriser ? Comment collecter et valoriser ces contenus ?


    Développer le storytelling d’une entreprise à partir de ses archives exige un savoir-faire : celui de transformer ces documents en récit. Mais qui désigner pour s’en charger ? Dans les grands groupes, cette mission peut être confiée à un "chief storytelling officer", dont la mission apparaît comme essentielle : donner du sens, fédérer les équipes et incarner la raison d’être de l’entreprise. Mais ces professionnels sont encore rares…

    Ailleurs, il reste à décider d’un responsable : internaliser, c’est bâtir une mémoire vivante et durable, souvent incarnée par une ou plusieurs personnes au cœur de l’organisation ; confier cette mission à un prestataire permet de bénéficier d’une expertise et d’une méthode éprouvée et d’un gain de temps. Alors, comment choisir ?

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    La mémoire en famille

    beatrice_gruau_racine.jpgChez Gruau, un groupe industriel familial mayennais fondé en 1889 et spécialisé dans la carrosserie, la mémoire se vit de l’intérieur. "Je n’ai jamais été salariée de l’entreprise, mais j’ai toujours travaillé pour elle", raconte Béatrice Gruau-Racine, descendante de la famille et également conseillère en communication. "Si on me ferme la porte, je rentre par la fenêtre", plaisante-t-elle. Au fil du temps, son rôle s’est dédié à la "mémoire de l’entreprise" : conserver, organiser et transmettre l’histoire du groupe grâce aux archives.

    Pour ce faire, l’entreprise avait deux atouts : de l’espace pour conserver et une culture familiale de l’image. "Des photos, nous en avons toujours eu, par passion et par nécessité commerciale", explique Béatrice Gruau-Racine. Peu à peu, ce patrimoine s’est structuré et organisé de manière collective. Deux collaborateurs ont également consacré des années à ce projet : un ancien responsable de production et l’ancien directeur général de l’entreprise. Aux côtés de Béatrice Gruau-Racine, ils ont identifié, daté et légendé les archives, avant de lancer une vaste campagne de numérisation qui rassemble aujourd’hui plus de 130 000 documents numérisés et accessibles dans un logiciel développé avec l’éditeur Keepeek.

    Plans techniques, brevets, catalogues, photographies… Autant de matériaux désormais sauvegardés et interrogeables pour alimenter le storytelling de l’entreprise familiale. Mais le projet ne s’est pas arrêté là : des interviews ont été menées auprès d’anciens collaborateurs, de responsables techniques et de commerciaux afin de légender l’ensemble du fonds et de recueillir des anecdotes de terrain. "Pour que nos archives racontent une histoire vivante", précise Béatrice Gruau-Racine.

    Un regard extérieur sur l’histoire d’entreprise

    "Les équipes internes ont souvent le nez dans le guidon", affirme Christine Carbonnel Saillard, fondatrice de Passé Avenir. "Nous apportons un regard tiers et une expertise méthodologique". En tant que cheffe de projet, consultante ou chargée de mission indépendante, elle propose son expertise en gestion des archives historiques et en conduite de projet de communication. Externaliser permet ainsi de prendre du recul et de monter en compétences. C’est aussi un gain de temps, surtout pour les organisations dont la mémoire n’est qu’une partie marginale de la mission du service communication.

    christine_carbonnel_saillard.jpg"Je ne parlerai pas de "construction" du storytelling, car on ne fabrique pas une histoire et ce n’est pas du marketing : on la fait émerger. Je réalise un travail d’historienne d’entreprise : je m’appuie sur des preuves - sur les archives - pour restituer le passé tel qu’il est, pas pour l’inventer", précise la fondatrice de Passé Avenir. Sa démarche reste inscrite dans la stratégie de l’entreprise : elle implique des choix éditoriaux sur ce qui est mis en avant ou plutôt passé sous silence, loin d’une histoire académique.

    Ses interventions commencent donc souvent par un état des lieux : retrouver, inventorier, classer et, si besoin, collecter des témoignages. Viennent ensuite les phases d’analyse et de rédaction, qui constituent le cœur de son métier. Il peut s’agir d’une note de quelques pages sur l’origine d’un produit ou d’une "bible" de deux-cents pages retraçant l’histoire complète d’une organisation. À l’issue de ce travail, les livrables deviennent de véritables outils pour l’entreprise : ils alimentent les discours de marque, les sites internet ou donnent une autre dimension aux célébrations d’anniversaire, par exemple.

    Parmi ses clients, Christine Carbonnel Saillard compte notamment Leroy Merlin France, Forvia et Saint-Gobain. La relation avec ses clients se construit sur la durée : "nous travaillons souvent en binôme, avec un collaborateur en interne qui connaît le terrain", précise-t-elle. Certaines collaborations se prolongent même sur trois ou quatre ans, le temps de structurer un fonds, d’élaborer une politique de conservation et de produire les supports de valorisation.

    Le storytelling en visite

    Chez Gruau, la sensibilité à la préservation et la transmission de l’histoire de l’entreprise a été réfléchie très tôt par des collaborateurs investis. Ce travail de longue haleine s’est finalement concrétisé par la création de "L’Aventure Gruau", un espace d’exposition ouvert pour les cent-trente ans du groupe, destiné à valoriser ces fonds, au profit d’un storytelling structuré et maîtrisé transmis durant les visites. "Celles-ci durent généralement une heure et peuvent être adaptées selon le public : plus approfondie pour les collaborateurs, plus synthétique pour les clients ou les partenaires", indique Béatrice Gruau-Racine, à laquelle l’incarnation de ces récits tient à cœur.

    C’est pourquoi "L’Aventure Gruau" est aussi animée par quelques collaborateurs de l’entreprise : chacun agrémente ses visites d’anecdotes glanées auprès des anciens ou vécues personnellement. D’ailleurs, le storytelling fondé sur les archives fait désormais partie de la culture de l’entreprise Gruau : chaque nouvel arrivant assiste à une visite commentée de l’exposition pour comprendre l’histoire, les valeurs et l’évolution des métiers. D’un point de vue commercial, ce storytelling constitue un atout : "montrer aux clients notre héritage et nos innovations renforce notre crédibilité et inspire confiance", affirme Béatrice Gruau-Racine.

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    Le modèle hybride comme compromis ?

    Internaliser l’élaboration du storytelling a l’avantage de garantir une continuité : la mémoire est portée par des personnes qui connaissent intimement l’entreprise et suppose une volonté stratégique : "il faut éviter l’armoire de grand-mère qu’on n’ouvre jamais, au risque d’empiler les archives, sans jamais les transformer en récit", avertit Béatrice Gruau-Racine.

    C’est en préparant les cent-trente ans du groupe qu’elle et la direction ont décidé de faire appel à Instant 3D, un prestataire en production scénographique : "nous avions déjà tout sauvegardé et classé, mais il nous fallait un scénariste et une mise en scène professionnelle pour transformer cette matière en parcours de visite cohérent, ce qui n’était pas notre métier", explique-t-elle. "Jusque-là, nous nous étions concentrés sur le tri et la numérisation, mais il s’agissait ensuite de raconter une histoire au public à travers un projet immersif".

    Pour Béatrice Gruau-Racine, il ne s’agit pas de choisir radicalement entre tout internaliser ou tout déléguer, mais de construire un véritable "partenariat" avec les bons prestataires au bon moment. Elle préconise donc de conserver et de classer les archives en interne pour garder la main sur la mémoire, puis de faire appel, si le budget le permet, à des experts en valorisation et en mise en scène pour un storytelling réussi. De son côté, Christine Carbonnel Saillard insiste sur l’apport d’un regard extérieur régulier : externaliser, c’est gagner du temps, structurer un fonds parfois inexistant et prendre du recul sur ce qu’il convient de raconter - souvent en binôme, avec les équipes internes, pour un résultat équilibré.

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