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Intempéries : comment les bibliothèques et les archives sauvent le patrimoine

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    la seine en crue à saint-denis
    La Seine en crue en 1910
  • Pour les centres patrimoniaux sinistrés par les intempéries, il est toujours temps de tirer les leçons des événements.

    Au fur et à mesure de la semaine et du déplacement des alertes météo, les institutions patrimoniales enclenchent des plans de prévention contre les dégâts des eaux.

    Aux Archives nationales (AN), on surveille les infiltrations d'eau dès qu'il pleut, et l'entretien des points vulnérables est permanent. Mais la situation météo depuis une semaine dépasse le cadre de l'ordinaire, et les mesures mises en place également.

    Mieux vaut prévenir que guérir

    Un note interne a circulé ce 3 juin à destination de tous les personnels des AN. Rassurante, elle précise qu'aucun dégât n'est enregistré et que le plan de prévention mis en place permet de déployer des mesures en fonction du niveau de la montée des eaux de la Seine.

    À son retour de la réunion avec la ministre de la Culture, qui a réuni les représentants des grandes institutions culturelles de Paris, le directeur-adjoint des AN, Nicolas Houzelot, se dit serein et pleinement soutenu par son ministère de tutelle et par la préfecture.

    Le site historique de Paris, le plus vulnérable, n'est pas touché mais des remontées d'eau par le sous-sol restent possibles. Des agents de l'institution effectuent des rondes plus fréquentes dans les étages inférieurs.

    Un plan à long-terme

    Au moindre signe d'infiltration, les effectifs d'appareils de déshumidification et de ventilateurs pourront être augmentés rapidement.

    Parallèlement, Nicolas Houzelot explique qu'un mouvement consiste actuellement à déplacer les archives des sous-sols en direction des étages supérieurs. Celui-ci est indépendant de la crue du moment.

    Il ne pourrait d'ailleurs pas être accéléré par celle-ci, puisqu'il dépend de la vitesse d'exécution de travaux d'aménagements des bâtiments.

    Surveillance étendue

    Les sites de Fontainebleau et de Pierrefitte-sur-Seine sont également étroitement surveillés. Le premier, malgré sa proximité avec la Seine, ne pose « aucun problème » et n'a subi que des « infiltrations vraiment mineures ». Ses bâtiments fermés au public depuis plusieurs mois, qui contiennent toujours de précieux documents, sont arpentés régulièrement par des agents du service sûreté et sécurité.

    Le second est un bâtiment ultra moderne hors de toute zone inondable. L'infrastructure est prête à accueillir, dès que nécessaire, le déferrement du ministère de la Culture – une procédure prévue depuis un ans environ en cas de grande inondation de la capitale par exemple.

    « Même en cas d'épisode plus grave, conclut-il, le plan de prévention du ministère protégerait nos archives ». Il insiste : « De toute façon, une crue de la Seine à Paris est toujours annoncée par une crue en amont 72 ou 96 heures en avance ».

    A la BNF, une réunion « de crise » en prévention

    Les sites de la Bibliothèque nationale de France (BNF) proche de la Seine, François Mitterrand et Arsenal, sont fermés au public ce vendredi 3 juin, et le resteront au moins jusqu'à dimanche [MàJ 06 juin : tous les sites de la BNF sont ouverts lundi 06 juin]. Une mesure « de prévention » qui n'indique pas nécessairement un risque imminent pour les collections.

    Cette fermeture, prise lors d'une réunion de surveillance le 2 juin, pourrait être la première d'une série. Le 3, deux nouvelles réunions de la direction, dont une « de crise », évaluaient les risques et les mesures à mettre en place et faisait passer la BNF au niveau d'alerte 3.

    La fermeture des sites sert notamment à éviter, en cas de montée brusque des eaux ou de coupure de courant, d'avoir à évacuer le public. Pour l'instant, la BNF est complètement épargnée. Le pic de crue de l'après-midi du 3 juin reste raisonnable au vu des seuils de « résistance » de l'institution.

    Pour l'instant, le plan formel de prévention – comme il en existe dans tous les établissements publics - prévoit surtout des mesures techniques : mobilisation renforcée des personnels, contrôle en continu de l'isolation et de l'étanchéité des bâtiments...

    Déplacement des collections vulnérables

    En cas de risque imminent, un plan formel peut être déclenché et accompagner le passage au niveau 4. Il prévoit, entre autres, le déplacement des collections vulnérables.

    En 2013, lorsqu'une canalisation d'eau avait fuité au sein de l'établissement, les équipes de la BNF avaient été capables de déplacer 38 000 documents, soit 648 mètres linéaires, en seulement deux jours.

    D'autres sites publics, frontalement menacés, comme le Musée et la Bibliothèque des arts décoratifs, ont déjà lancé une première étape du plan de prévention. Situé à deux pas du Musée du Louvre et de la Seine, cet établissement a fermé l'une de ses salles pour y stocker des œuvres jusque-là entreposées au sous-sol.

    Des archives sinistrées

    L'objectif du fameux « plan de prévention » est d'éviter à tout prix des dégâts comme ceux survenus le dernier week-end de mai aux Archives Départementales de Vendée.

    Le bâtiment annexe de la Roche-sur-Yon a été inondé, mais tout serait « entièrement réglé » le 3 juin. Il serait toujours « trop tôt pour dire » si une partie des 300 m² de documents déplacés et 200 mètres linéaires d'archives du 20e siècle endommagées « est définitivement perdue ».

    Pourtant, ces archives départementales avaient déjà été sinistrées en février et avaient promis aux lecteurs de leur site internet que toutes les mesures seraient prises pour éviter une nouvelle inondation.

    Tirer les enseignements du passé

    Ailleurs, d'autres archives semblent avoir tiré les leçons de précédents sinistres. Un dégât des eaux léger est survenu aux Archives départementales du Val-d'Oise le 31 mai.

    « Une infiltration s'est produite via des vulnérabilités qui avaient déjà été repérées la semaine précédente » et auraient dû être réparées. La directrice du site, Marie-Hélène Pelletier, parle de « hasard malencontreux du calendrier ».

    C'est en arrivant sur le site le matin du 31 que les équipes découvrent un centimètre d'eau au sol de l'un des 21 magasins. Aucun dégât n'est à déplorer, le niveau d'hydrométrie a été rabaissé et les archives ne « risquent maintenant plus rien ».

    Prévenir avec le minimum et « du bon sens »

    Heureusement, les équipes étaient sensibilisées à une telle éventualité. Et la prévention, à Cergy, est « basée sur le bon sens, la cohésion d'équipe et l'entraide avec d'autres institutions alentour » qui ont prêté du matériel le 31 mai.

    Le centre lui-même n'est équipé « que du minimum : un aspirateur à eau, un déshumidificateur et des ventilateurs – avec leurs rallonges !- réunis et accessibles rapidement ».

    L'institution est « passée en mode vigilance. Les collègues ont partagé leurs numéros de téléphone personnels pour pouvoir intervenir y compris le week-end si une nouvelle infiltration survenait ».

    « L'eau plus dangereuse que le feu »

    L'entretient régulier et la surveillance du bâtiment sont maintenus, car « il y a toujours un risque », notamment lié aux travaux successifs, aux toit-terrasses et aux canalisations d'eau des bureaux de l'administration. « Ici, nous savons que l'eau est plus dangereuse que le feu », insiste la directrice.

    La direction des Archives départementales du Val-d'Oise délivre également les autorisations d'installation des Archives communales. L'incident du 31 mai va augmenter sa capacité à faire prendre conscience aux Mairies des risques d'une installation vulnérable (grenier, sous-sol humide…).

    Selon Marie-Hélène Pelletier, les Archives communales de Beynes, 7500 habitants environ dans les Yvelines, « sont sous l'eau. Elles ont tout perdu ».

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