Sommaire du dossier :
- Olivier Caudron : "être dans l'anti-routine !"
- créer des postes dans les BU : une véritable urgence !
- moi, directeur de bibliothèque municipale au Havre
- moi, directrice de bibliothèque universitaire à Angers
Olivier Caudron est conservateur général des bibliothèques et inspecteur général des bibliothèques. Il intervient ici au titre d'ancien directeur de bibliothèque municipale (Pau et Bordeaux) et de bibliothèque universitaire (IUFM Midi-Pyrénées et université de La Rochelle).
Quelles compétences et quels traits de caractère un directeur de bibliothèque doit-il posséder ?
Un directeur de bibliothèque doit posséder des compétences multiples, car il s'agit d'une fonction variée : management de personnel, gestion de budget et de locaux, connaissances administratives... Bien entendu, il doit également connaître son coeur de métier organisé autour d'un savoir professionnel.
N'oublions pas son profil scientifique : les conservateurs sont d'ailleurs considérés comme du personnel scientifique.
À côté de ces compétences, il doit faire preuve d’un « savoir être » : curiosité d'esprit, ouverture sur le monde, volonté de décloisonner et de créer des partenariats, capacité d'adaptation dans un secteur très impacté par le numérique... Il doit aussi savoir se remettre en question, faire preuve de souplesse à l'intérieur d'un cadre relativement strict. Tous ces aspects relèvent du bon sens.
Certains directeurs d'établissement se plaignent d'un emploi du temps surchargé. Quels conseils leur donnez-vous ?
Il est vrai que la fonction est très prenante ! Il faut donc prioriser, et...
...déléguer, car on a l'habitude de dire que le directeur donne la vision et les bibliothécaires la mettent en oeuvre. Mais cette délégation dépend de la taille des équipes et de la qualité des collaborateurs.
Lorsque je dirigeais la bibliothèque de Bordeaux, j'ai pu m'appuyer sur une équipe de 230 agents. Je précise qu'il faut laisser une marge de manoeuvre aux collaborateurs à l'intérieur des objectifs que l'on a fixés. Autre conseil : il ne faut pas être trop perfectionniste au risque de s’user et d'user les équipes.
Quel type de management doit-il mettre en place ?
Au fil de 35 ans de carrière, j'ai constaté l'évolution du management. Autrefois, le directeur avait l'habitude de diriger tout seul. Puis s'est imposée l'idée qu'il fallait plutôt créer une équipe de direction. Le directeur n'a pas en effet la science infuse, mais il a une vision d'ensemble qui lui permet d'animer et de réguler.
Je crois beaucoup à l'intelligence collective et à l'apport de chacun. Cela débouche sur un management participatif même si le directeur endosse la responsabilité de l'établissement.
Comment prévenir les conflits et résoudre les moments de tension ?
Il faut distinguer les conflits rencontrés avec les usagers et ceux constatés en interne. Dans le premier cas, il faut travailler en mode préventif avec les organismes et les travailleurs sociaux qui connaissent les personnes dont le comportement pose problème. À Bordeaux, j'ai travaillé avec différentes structures comme les collèges afin de prévenir les incidents que l'on peut rencontrer avec le public pré-adolescent.
Il faut aussi tisser un maillage pour éviter que des publics en situation d'exclusion sociale soient, en plus, exclus des bibliothèques. Ces dernières sont souvent les seuls lieux où l'on peut entrer gratuitement pour y trouver de la culture.
J'ajoute qu'il faut bien évidemment former et protéger les personnels qui sont très affectés lorsqu'ils sont menacés ou victimes de violences. Dans de tels cas, il faut réagir immédiatement après l'événement.
En ce qui concerne les conflits internes, il faut oeuvrer au bien-être professionnel des agents et créer des conditions sereines de travail, et pour cela faire en sorte qu’ils se sentent impliqués dans un projet d'établissement. Dans la mesure du possible, il faut anticiper les tensions, par exemple en améliorant l'aménagement des bureaux.
Comment motiver une équipe ?
D'une façon générale, les bibliothécaires sont des personnes qui aiment leur métier et qui l'ont choisi. C'est un point important ! Il faut entretenir cette vocation par la reconnaissance, par les félicitations, les encouragements et par l'implication dans des projets.
Le directeur doit également faire le maximum afin d’obtenir pour ses agents des promotions qui se traduisent par une évolution de carrière et une rémunération qui s'améliore. Il faut constamment stimuler l'intérêt et briser la routine.
Un directeur de bibliothèque doit-il être stratège ou à tout le moins faire preuve d'innovation ?
Bien sûr ! Il devient quasi obligatoire d'avoir un projet d'établissement. Nous évoluons dans un environnement en pleine mutation avec un public qui lui-même évolue. Un directeur de bibliothèque doit être dans la prospective, le mouvement et l'anti-routine !