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Quel futur pour le stockage de données ?

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    La souveraineté du stockage est mise à mal par notre dépendance aux acteurs non européens qui dominent le marché. (Vinkf/Freepik)
  • Un clic, un contenu, une transaction… Chaque action numérique vient alimenter l’océan mondial des données. Le stockage de ce patrimoine informationnel est devenu un enjeu crucial, notamment en raison de l’explosion des volumes de données et du raz de marée de l’IA, mais aussi en matière de souveraineté numérique, de réglementation et d’écoresponsabilité. Certains data centers proposent des infrastructures plus vertueuses ; d’autres innovent avec les technologies quantique et moléculaire. Et du côté des supports de stockage, leur avenir se joue souvent dans les laboratoires : ADN, cristaux liquides, supports magnétiques réinventés… Si l’on ne sait pas encore où sera conservée la mémoire de demain, une chose est sûre : le futur du stockage s’écrit maintenant.

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    Au sommaire : 

    - Quel futur pour le stockage de données ? De nombreux enjeux à surmonter, des volumes à la souveraineté, en passant par la conformité et le coût environnemental
    - Entre quête de puissance et de sobriété :  la course folle des data centers. Réduction des coûts énergétiques, intégration urbaine, valorisation de la chaleur fatale : les innovations se multiplient
    - Les supports de stockage innovent : vers l’éternité numérique ? ADN, quartz, cristaux liquides ou diamants : panorama des supports d'archivage de demain


    L’année 2025 aura été marquée par un nouveau record. Le volume mondial de données produites numériquement a atteint le niveau d’environ 180 zettaoctets (Zo). Un chiffre multiplié par 90 par rapport à 2010 !

    Plusieurs raisons expliquent cette croissance exponentielle : le recours à l’intelligence artificielle (IA) générative, le développement de la 5G, le stockage dans les nuages, la multiplication des objets connectés (montres, domotique, appareillages médicaux, machines agricoles, robots industriels, etc.)… Sans oublier les obligations légales d’archivage à long terme qui sont particulièrement contraignantes dans certains secteurs, comme l’industrie pharmaceutique, l’aéronautique, la banque-assurance.

    Bien entendu, ces 180 zettaoctets viennent s’ajouter aux données déjà produites depuis plusieurs décennies. Un véritable défi pour les archivistes, les informaticiens et les laboratoires, qui s’échinent à développer de nouveaux supports de stockage en faisant appel à des technologies auxquelles on ne s’attend pas spontanément.

    Stockage, accessibilité et réparabilité du LTO

    Dans la longue histoire des supports de stockage (argile, peau animale, tissu, papier, bandes magnétiques, supports numériques…), de nouveaux dispositifs font leur apparition (voir page 18) alors que d’autres, déjà opérationnels, font l’objet d’améliorations en continu. C’est le cas du LTO (Linear Tape-Open), une technique de stockage sur bande magnétique au format ouvert déjà couramment utilisée pour l’archivage à long terme.

    siddikha_mohamed.jpg"Sa principale force réside dans sa fiabilité et sa capacité à répondre à des obligations réglementaires très strictes", explique Siddikha Mohamed, ingénieure commerciale Infrastructure & SPaaS chez Evernex. "La technologie LTO assure cette capacité de sauvegarde des données sensibles ou moins sensibles pendant une longue durée sans altération". Le secteur bancaire, par exemple, exige une conservation des données sur près d’un siècle, et la bande magnétique, contrairement à d’autres supports, est la seule à permettre cette rétention à long terme, en conformité avec des normes, comme le RGPD et les normes Iso. "En matière de capacité, elle peut accompagner les entreprises jusqu’à 60 téraoctets".

    vincent_bavcevic_evernex-photo-david-morganti.jpgSelon Vincent Bavcevic, responsable des ventes Europe du sud-ouest chez Evernex : les avantages du LTO vont bien au-delà des capacités de stockage stricto sensu : son intérêt s’articule autour de deux points majeurs : la conservation et l’accessibilité. "Le LTO permet la sauvegarde des données sur une très longue période combinée à la facilité d’accès et de relecture des informations sans limitation", explique-t-il. Autre atout mis en avant : la réparabilité. "Nous avons chez nous des experts qui viennent réparer ces machines. L’entreprise est en mesure de reprendre des machines défectueuses, de les réparer et de les remettre en service chez ses clients."

    370 milliards d’euros à l’horizon 2028

    Face à l’explosion des données, le stockage sur ADN de synthèse apparaît comme l’une des pistes les plus prometteuses pour l’archivage à très long terme. Au point de permettre à la société Biomemory de lever 5 lto2-cart-wo-top-shell.jpgmillions d’euros en 2022, puis 17 millions d’euros en 2024, pour poursuivre ses recherches sur le stockage de données optimisé par ses procédés biotechnologiques.

    Pour Erfane Arwani, PDG et cofondateur de Biomemory, ces levées de fonds marquent un tournant décisif dans l’avenir du stockage de données : "avec notre technologie de stockage ADN, nous ne répondons pas seulement aux défis actuels du stockage de données, nous construisons des solutions qui soutiendront l’écosystème pour le siècle à venir et au-delà".

    Selon Biomemory, les capacités de stockage basées sur l’ADN offrent la possibilité de stocker toutes les données de l’humanité dans l’espace d’une seule baie 19 pouces. D’ici 2028, le marché mondial du stockage de données devrait atteindre 370 milliards d’euros. Une telle perspective ouvre inévitablement les appétits des acteurs du stockage, dont Biomemory, qui entend désormais "capturer une part significative de ce marché avec ses solutions de stockage durables, ultra-denses et pérennes".

    Un coût environnemental à plusieurs dimensions

    Mais une ombre pèse sur ces belles perspectives : le coût environnemental du stockage des données numériques. À l’échelle française, les centres de données représentent à ce jour environ 2 % de la consommation totale d’électricité. Elle pourrait être multipliée par quatre en 2035 et représenter 7,5 % de notre consommation en 2035, selon une étude récemment publiée par le think tank The Shift Project.

    dossier_dessin_vince_stockage_du_futur.jpgLes data centers, qui abritent les serveurs de stockage, sont en effet extrêmement énergivores : ils nécessitent de fonctionner 24 heures sur 24 et dégagent une importante chaleur. Ils doivent donc être constamment refroidis, une opération qui est elle-même consommatrice d’énergie, puisqu’elle peut représenter jusqu’à la moitié de l’énergie totale consommée dans les centres les moins efficaces.

    Le refroidissement des serveurs passe aussi par la consommation de grandes quantités d’eau (utilisée dans les tours de refroidissement par évaporation). Cette exploitation peut exercer une pression sur les ressources hydriques locales, notamment dans les régions déjà soumises à une situation critique en matière d’accès à l’eau.

    Extraction des métaux rares

    Un autre facteur vient assombrir la situation : la fabrication des équipements de stockage (serveurs, disques durs, infrastructures) nécessite l’extraction de nombreux métaux rares et autres minerais, dont l’exploitation est souvent polluante et destructrice pour les écosystèmes naturels. À cet épuisement des ressources s’ajoute l’artificialisation des sols. La construction de nouveaux centres de données en zones naturelles entraîne des opérations de défrichage et d’urbanisation qui ont un impact direct sur la biodiversité locale, avec la réduction des surfaces agricoles ou les puits de carbone naturels.

    Si le stockage de données dans les nuages peut sembler immatériel pour l’utilisateur final, force est de constater qu’il ne l’est pas du tout dans les faits : il repose sur une infrastructure matérielle très lourde qui contribue significativement à l’empreinte environnementale globale du numérique.

    Une souveraineté à conquérir

    Autre défi, la souveraineté du stockage est mise à mal par notre dépendance aux acteurs non européens qui dominent le marché. Une situation préoccupante, dont profitent les grandes plateformes extraeuropéennes qui complexifient à l’envi le changement de fournisseur. Les opérations de migration de données peuvent en effet s’avérer longues, dispendieuses et techniquement complexes. Certains observateurs n’hésitent pas à évoquer « un verrouillage technologique » en bonne et due forme destiné à accroître la dépendance au fournisseur.

    Le thème de la souveraineté est aujourd’hui brandi à Paris, comme à Berlin ou à Riga. Reste que cette souveraineté est encore à conquérir dans le domaine des supports de stockage. Le rapport de force ne joue clairement pas en notre faveur : la puce mémoire (NAND Flash et DRAM), qui est au cœur des SSD et des cartes mémoire, est principalement fabriquée en Asie. La Corée du Sud (Samsung Electronics, SK Hynix), Taïwan (TSMC, Micron, Nanya) et le Japon (Kioxia/Toshiba pour la mémoire Flash) semblent aujourd’hui intouchables. Avec Micron Technology et Western Digital, les États-Unis produisent eux aussi des supports de stockage, mais certaines étapes de production peuvent être sous-traitées en Asie.

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    Le centre névralgique de la fabrication des supports de stockage

    Cette concentration de la production se vérifie également pour les disques durs (HDD), dont la fabrication est dominée par un petit nombre d’entreprises. Les composants spécifiques (têtes de lecture, plateaux magnétiques) sont souvent fabriqués par des sous-traitants spécialisés asiatiques, notamment japonais (TDK pour les têtes de lecture, Hoya ou SDK pour les plateaux magnétiques).

    Quant à l’assemblage final (intégration du boîtier, du moteur, des plateaux magnétiques et des circuits imprimés), il est principalement réalisé dans des usines à forte intensité en Asie du Sud-Est. À ce jour, le continent asiatique constitue le centre névralgique de la fabrication mondiale des supports de stockage numérique.

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    Mais, déjà, les supports de stockage les plus récents sont confrontés à des défis de nature différente. L’écriture et la lecture de certaines des nouvelles formes de stockage sont actuellement coûteuses et lentes, ce qui les limite à des applications de niche. Leur vitesse d’accès, moins importante que les disques durs de type SSD, les destine principalement au stockage à froid, pour des données qui n’ont pas besoin d’être consultées fréquemment.

    Par ailleurs, l’absence de normes industrielles freine leur adoption à grande échelle. Probablement se dirige-t-on vers une coexistence à court terme avec les technologies existantes, chacune trouvant son application idéale dans l’écosystème de stockage.

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