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Dans certains cadres, l’éthique est moins importante, car la religion apporte des réponses. Dans un pays non laïque, l’information est gérée par un État religieux et répond à des règles établies par cette religion. Dans un environnement laïque, l’éthique est alors une démarche rationnelle et publique pour justifier ce qu’il est bien de faire, sans s’appuyer sur une autorité religieuse.
Bien sûr, l’éthique est une échelle de valeurs personnelles. Chacun peut avoir des opinions, et donc une éthique, différentes. Avant qu’une éventuelle réglementation ne vienne encadrer un sujet, le débat public met en exergue des opinions différentes. Prenons l’exemple concret du "droit à l’oubli", largement débattu il y a une dizaine d’années, avant son inscription dans le RGPD. Il consiste à permettre à quelqu’un de faire effacer les informations historiques le concernant, quel que soit le support sur lequel elles sont enregistrées (document papier ou numérique).
Ainsi, une personne citée dans des documents historiques et qui souhaite ne plus y apparaître peut solliciter l’exercice de ce droit d’effacement. Avant que ce droit ne soit inscrit dans la loi, il a fait l’objet d’un débat éthique : peut-on effacer le passé ? D’un côté, la personne concernée, qui voudrait ne pas être réduite aux traces laissées dans des documents ; de l’autre, l’information historique qui ne devrait pas être modifiable.
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Rapidement, les débats ont rappelé Staline, qui faisait effacer ses opposants politiques de photographies passées… Peut-on corriger ce passé ? Telle était la question éthique. Le RGPD a décidé que oui, mais a prévu un certain nombre de conditions et d’exceptions. Nous sommes alors passés de l’éthique à la loi. Support papier ou numérique : même combat, dès qu’il y a un classement. L’effacement est un droit fort, mais encadré par des exceptions légales et archivistiques.
La loi ne peut pas tout encadrer et l’éthique prend le relais
L’éthique de la gestion de l’information en entreprise est l’ensemble des principes et des règles de décision qui guident la collecte, la création, la qualification, l’usage, le partage, la conservation et la destruction des données et des documents de manière loyale, proportionnée, transparente et responsable, afin de respecter les personnes, prévenir les dommages, répartir équitablement les bénéfices et les risques, et rendre des comptes sur ces choix. Voici ce qui pourrait être une définition de l’éthique appliquée à nos métiers.
Cette éthique couvre :
- tout le cycle de vie : de la conception d’un processus/outil à l’archivage ou l’effacement,
- tous les supports : systèmes numériques, papier, e-mails, messageries, IA générative, etc.,
- tous les usages : opérationnels, analytiques, entraînement de modèles, conformité, preuve.
De l’éthique à ses principes
L’éthique générale est découpée en principes éthiques. Il n’en existe pas de liste officielle, car ces principes varient en fonction des personnes, des pays, des religions, des secteurs d’activité, etc. Voici une liste, non exhaustive, de quelques principes éthiques sur lesquels vous pouvez être amenés à vous prononcer, en rapport avec la gestion des données et de l’information :
- Finalité légitime et explicite : on sait pourquoi l’information existe et à quoi elle sert.
-> Si une information n’a pas de finalité, doit-on réellement la collecter ?
- Nécessité et minimisation : pas plus de données que nécessaire, ni plus longtemps que nécessaire.
->Une information m’a été utile, mais elle ne l’est plus : est-il éthique de la conserver ?
- Proportionnalité : le niveau d’intrusion et de contrôle est ajusté au but poursuivi.
-> Conserver une information trop détaillée, trop précise ou trop confidentielle par rapport aux objectifs de l’organisation est-il éthique ?
- Loyauté et équité : pas de manipulations ni d’effets discriminatoires indus.
-> Attention aux statistiques, analyses, regroupements qui pourraient être déduits d’informations croisées,
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- Transparence et explicabilité : les personnes concernées comprennent l’usage et peuvent questionner.
-> Collecter une information sous un prétexte, faire miroiter un avantage… Attention à la dérive classique : "si quelque chose est gratuit, c’est que tu es le produit",
- Sécurité et confidentialité : protection contre les accès, usages et divulgations non autorisés.
-> À t’on mit en place tout ce qui est possible pour protéger l’intégrité des informations et détecter d’éventuelles fuites, pour en rendre compte en toute transparence ?
- Qualité et traçabilité : sources, transformations et décisions sont documentées et auditables.
-> Qui consulte, utilise et analyse l’information ? Est-il éthique de tracer l’ensemble des usages qui en sont faits ?
- Responsabilité et reddition de comptes : des rôles clairs, des décisions assumées et révisables.
-> Qui décide ? Comité d’éthique, service de gouvernance, de conformité… ? Comment sont prises les décisions qui ne relèvent pas de la loi, mais de l’éthique ?
- Respect des personnes : dignité, autonomie (consentement, droits) et évitement des dommages, impact réputationnel.
-> Une information conservée peut-elle, dans le futur, faire du tort aux personnes concernées ? Doit-on privilégier le droit à l’information ou le droit à la réputation ?
- Durabilité et intérêt collectif : impacts sociaux, environnementaux pris en compte.
-> C’est très large, mais calcule-t-on le coût énergétique de l’information collectée et conservée ? Le coût de son interrogation et de son analyse ?
Qui décide ? Chacun, mais surtout le collectif
Bien sûr, chacun a son opinion, et elles sont généralement toutes respectables. Mais, dans une organisation, il est impossible d’appliquer des principes éthiques différents ! Une uniformité doit donc y être décidée. Un producteur de viande peut difficilement adopter une éthique végétarienne ; un fabricant d’armes aura du mal à critiquer ses propres produits pour l’usage qui peut en être fait ; un producteur de charbon aura du mal à défendre l’impact négatif de son produit sur le climat.
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L’opinion individuelle, parfaitement respectable, devra néanmoins s’effacer face aux choix décidés par l’entreprise. On imagine mal un serveur, dans un restaurant, refuser de prendre la commande d’une entrecôte pour un client, sous le prétexte qu’il est lui-même végétarien. On lui recommandera plutôt de travailler dans un restaurant dont les principes éthiques sont en conformité avec les siens.
Ces choix éthiques, volontairement simplifiés plus haut, sont en réalité complexes à réaliser. Bien souvent, l’entreprise va s’appuyer sur un comité d’éthique, composé de personnes internes et externes, pour prendre ses propres décisions.
Appliquer concrètement l’éthique à la gestion de l’information
Certains principes éthiques concernent la gestion des documents et des données. Les aborder seuls est difficile. Le métier d’éthicien a été inventé pour aider à étudier ces sujets sous leurs différents angles. Selon les estimations, on compte quelques centaines d’éthiciens en France et quelques milliers en Europe.
Une spécialisation pourrait apparaître : celle d’éthicien de l’information, particulièrement conjuguée avec le développement des problématiques d’éthique des données servant à alimenter les IA. Suivez Enrico Panaï, auteur d’un livre sur l’éthique de l’IA ou Luciano Floridi, éthicien de l’information à l’Université de Yale, aux États-Unis. Le secteur public britannique a même normalisé le rôle de "data ethicist", avec des missions et des compétences clairement définies. Alors, à quand un éthicien des données et des informations dans votre organisation ?
Philippe Nieuwbourg
 
 


















