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Conférences en vidéo : penser juridique

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    Juridiquement, montrer en public - fût-ce à distance - son propre diaporama, incluant textes, schémas, infographies ou autres, s’analyse en la "représentation" de sa propre œuvre. (freepik)
  • Quelles sont les différentes facettes juridiques de la réalisation et de la diffusion de vidéos, notamment produites au sein d’une entreprise ? Les cas juridiquement les plus touffus sont ceux des conférences, des webinaires, ainsi que du e-learning et autres Moocs. Les droits en présence étant assez vastes, notre panorama des droits applicables et leur mise en œuvre s’étaleront sur plusieurs articles.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°372
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    1- Les droits induits

    Réaliser une vidéo aussi anodine en apparence que la prise de vue d’une conférence publique, d’une journée d’étude ou d’une formation, que ce soit en présentiel ou à distance, nécessite impérativement de se préoccuper d’un grand nombre de droits, parfois même là où on ne les imagine pas. Il faudra ainsi penser non seulement aux droits des divers auteurs mis à contribution, mais aussi aux divers droits sur les images, aux données à caractère personnel - pour ne citer que quelques facettes juridiques emblématiques.

    Lire aussi : Droit d’auteur, intelligence artificielle et production documentaire

    2 - Notre fil conducteur

    Pour balayer le plus grand nombre de droits à appliquer, nous prendrons comme fil conducteur l’exemple de la réalisation d’une visioconférence accueillant du public en ligne, amené lui aussi à intervenir, notamment en posant des questions, voire en présentant des documents. Cette visioconférence sera, de plus, illustrée par des images ou des vidéos empruntées à des auteurs autres que les conférenciers. La version finale de la vidéo sera également illustrée musicalement pour les génériques de début et de fin, ainsi que pour les pauses.

    3 - Droit d’auteur : penser et aménager tous les droits en présence

    Tout d’abord, il convient bien sûr de penser aux divers droits d’auteur mis en jeu dans la conférence, et ensuite dans la vidéo.

    Les auteurs principaux : conférenciers et assimilés

    On pensera ainsi à gérer les droits des auteurs sollicités pour intervenir.

    Les contenus visuels, audiovisuels et sonores présentés

    Les conférenciers, formateurs, et autres intervenants sont auteurs des contenus qu’ils vont présenter au public : diaporamas électroniques dont ils sont les créateurs et auteurs, textes et/ou images reproduits dans ces diaporamas, dont ils peuvent être les auteurs. Ils peuvent aussi choisir d’étayer leur présentation à partir d’exemples textuels, sonores ou vidéos, qui sont extraits d’œuvres qu’ils empruntent à des tiers. Ils sont également auteurs de tout ce qui sort de leur bouche pendant leur intervention.

    Les droits d’auteur mis en œuvre

    Juridiquement, montrer en public - fût-ce à distance - son propre diaporama, incluant textes, schémas, infographies ou autres, s’analyse en la "représentation" de sa propre œuvre. Prononcer sa conférence et répondre aux questions du public est également soumis au droit d’auteur. Comme on le sait, le droit d’auteur protège tout type d’œuvre, quelle qu’en soit la forme : le texte improvisé qui sort de la bouche du conférencier est donc protégé par le droit d’auteur, y compris ses réponses aux questions.

    Lire aussi : Didier Frochot, le droit d'auteur en la majeur

    Diffuser cette visioconférence en direct revient à mettre en œuvre les "droits de représentation" des auteurs, tant pour leurs œuvres fixées (diaporamas, le cas échéant vidéos préexistantes) qu’improvisées (tout ce qui sort de leur bouche). L’enregistrer revient à fixer matériellement toutes ces créations intellectuelles, donc à les "reproduire".

    Gestion des droits d’auteur principaux

    Le producteur de la visioconférence et de la vidéo devra donc se faire céder par l’auteur :

    • le droit de représentation - pour la visioconférence en direct, ainsi que pour la vidéo qui sera exploitée sous forme de visualisation par ceux qui y auront accès ;
    • le droit de reproduction, puisqu’il y a enregistrement vidéo de la visioconférence et diffusion sur support numérique.

    S’agissant des images fixes dont le conférencier n’est pas auteur et qu’il présenterait au cours de sa prestation, insérées ou non dans son diaporama, il y a lieu de s’assurer - dès avant la visioconférence - qu’il détient bien les droits des auteurs concernés.

    S’agissant des œuvres audiovisuelles empruntées, deux cas de figure :

    • il s’agit d’un court extrait de la vidéo et l’exception de courte citation rend licite l’extrait ;
    • il s’agit d’une présentation totale ou partielle de la vidéo : on revient à l’hypothèse précédente et il conviendra d’avoir négocié auprès du producteur de la vidéo les droits d’exploitation nécessaires.

    S’assurer que le conférencier détient les droits revient à lui demander de produire et d’annexer au contrat de présentation et de diffusion l’acte de cession de droits d’exploitation qu’il détient et d’insérer dans ce contrat une clause de garantie (c’est le cas dans tout contrat d’édition : l’auteur avertit son éditeur s’il a emprunté des contenus et lui donne garantie de bien détenir les droits) ; ou encore de recueillir la preuve que les images fixes ou animées sont légitimement diffusées librement (images du domaine public ou sous licence Creative Commons).

    S’agissant des vidéos, il faut en principe avoir obtenu des producteurs, non seulement le droit de projection au moment de la visioconférence, mais aussi le droit de reproduire celles-ci dans la vidéo finale. À défaut d’accord pour cette dernière exploitation, il convient de s’abstenir de reprendre les vidéos dans le produit final.

    Il faut également régler le sort de la présentation orale du conférencier. L’enregistrer en vidéo suppose la cession des droits d’exploitation de l’auteur. Ce sera donc une partie à prévoir dans le contrat liant le conférencier au producteur de la vidéo. La clause veillera à bien inclure toutes les interventions orales du conférencier, y compris lors de ses réponses aux questions du public.

    Gérer les droits d’auteurs périphériques

    On l’aura peut-être deviné, toute question posée par une personne du public est un texte improvisé protégé par le droit d’auteur. Filmer ce type de question revient à fixer matériellement cette œuvre d’auteur, et suppose donc l’accord de ces intervenants.

    Ceci nécessitera de s’organiser en conséquence et de gérer en aval de la conférence tous ces droits, en faisant signer à chaque participant un accord formel, puisque depuis 2016 "les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit" (art. L.131- 2 al.2 Code de la propriété intellectuelle). En pratique, l’acte peut être signé électroniquement ou sur papier au moment où la personne s’inscrit, gratuitement ou non, à la conférence, en ligne ou sur un formulaire papier renvoyé par La Poste ou scanné et retourné par courriel.

    Pour être complètement protégé, il faudrait aussi envisager le cas où la personne qui intervient présente à l’appui de son intervention un document porteur d’une œuvre d’auteur, comme par exemple une photo, une reproduction d’œuvre d’art ou tout autre document qualifié d’ "œuvre" (Si le cas est rare en présentiel, il ne l’est pas dans le cadre d’une visioconférence au cours de laquelle les participants peuvent avoir la main pour présenter des documents. Si cette solution est retenue, il importe de la prévoir contractuellement).

    Gérer les droits des illustrations musicales

    S’agissant de musique enregistrée, trois couches de droits sont à considérer - droit d’auteur et droits voisins :

    • le droit d’auteur du compositeur ;
    • les droits des artistes-interprètes de l’œuvre ;
    • les droits du producteur de phonogrammes, voire de vidéogrammes, selon les supports des musiques empruntées.

    Il est possible de choisir des œuvres triplement tombées dans le domaine public. Il suffit de choisir un compositeur dont l’œuvre est du domaine public - la plupart des compositeurs classiques sont dans ce cas - dont l’interprétation a été enregistrée il y a plus de 70 ans pour les sources audios ou 50 ans pour les vidéos.

    Dans tous les autres cas, des droits doivent être négociés par écrit auprès des producteurs en s’assurant qu’ils gèrent par délégation les droits de leurs artistes-interprètes. Si les artistes-interprètes ont apporté leurs droits à une société de perception et de répartition de droits (SPRD), c’est à elle qu’il faut s’adresser.

    Lire aussi : Comment créer ou diffuser des webinaires en toute légalité (et sans se faire avoir) ?

    4 - Pour ne pas conclure

    Comme on le voit, le seul terrain des droits d’auteurs et des droits voisins rend déjà complexe la sécurisation de vidéos d’entreprises, certes tout autant que les vidéos qui sont réalisées par des maisons de production audiovisuelle. À ceci près que c’est leur métier de maîtriser toutes ces facettes.


    Sources juridiques

    Code de la propriété intellectuelle :

    • Cession et périmètre d’exploitation des droits d’auteur : articles L.131-2 et L.131-3 ;
    • Cession et périmètre d’exploitation des droits des artistes-interprètes : Article L.212-3.

    [www.les-infostrateges.com]

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