Article réservé aux abonnés Archimag.com

Cloudification, IA, transition bibliographique... Où en est le SIGB de demain ?

  • sigb_de_demain-2025.jpg

    sigb-demain-enquete-intelligence-artificielle-cloud-transition
    Entre avancées technologiques et évolution de l’expérience utilisateur, les SIGB sont en mutation. (BillionPhotos/Freepik)
  • Véritable outil au service des bibliothèques et de leurs usagers, les systèmes intégrés de gestion de bibliothèque (SIGB) connaissent depuis quelques années des transformations accompagnant les évolutions technologiques, mais aussi les nouvelles pratiques de ses utilisateurs.

    archimag_388_couv_bd.jpgenlightened RETROUVEZ CET ARTICLE ET PLUS ENCORE DANS NOTRE MAGAZINE : CONSTRUIRE ET ENTRETENIR SON STORYTELLING AVEC LES ARCHIVES

    mail Découvrez Le Bibliothécaire Innovant, la newsletter thématique gratuite d'Archimag dédiée aux professionnels des bibliothèques et de la conservation !


    Selon la dernière enquête annuelle de Tosca Consultants, publiée dans le magazine Archimag n° 383 en avril dernier, le marché des logiciels de bibliothèque pesait 41 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2024. Les éditeurs, nombreux et plutôt stables, se sont mis en ordre de marche pour faire face à plusieurs grandes mutations en cours. "Pour penser les systèmes intégrés de gestion de bibliothèque (SIGB) de demain, nous devons déjà nous demander quelle est la bibliothèque de demain ?", souligne Jean-François Piat, directeur France de la division bibliothèque chez Axiell Group.

    Vers une systématisation de l’hébergement externalisé

    easselin.jpgComme dans de nombreux secteurs d’activité, les SIGB n’échappent pas à la "cloudification" ambiante et se renouvellent au niveau de leur infrastructure. "Nous avons noté ces dernières années une forte orientation vers des solutions en mode SaaS ou hébergées de façon externalisée", constate Emmanuelle Asselin, gérante de Tosca Consultants. "Cependant, comme les subventions des bibliothèques de lecture publique portent sur des acquisitions de licence, nous ne sommes pas toujours sur un mode SaaS total, c’est-à-dire sur un système d’abonnement." Cette tendance pose bien sûr de nouveaux enjeux, tels que la souveraineté, le respect des normes (types RGPD) et la sécurisation de l’hébergement. "Cela demande aussi de disposer d’une bonne connexion internet", reprend Emmanuelle Asselin. "De plus, les clouds souverains représentent des coûts d’infrastructure élevés, même si c’est la volonté des collectivités de miser sur des solutions européennes."

    Lire aussi : Logiciels pour bibliothèques : marché en hausse, ventes en recul pour l'année 2023

    jf_piat.jpgPour Jean-François Piat, c’est le cloud multi-tenant qui change réellement la donne : "désormais, tous les clients bénéficient du même degré de maintenance et d’évolutivité", explique-t-il. "Si nous réalisons une mise à jour, celle-ci bénéficie à tous, mais les données de chacun restent séparées."

    L’expérience utilisateur fait aussi partie des grandes tendances. "Il y a un gap entre les outils utilisés par les publics et ceux qu’ils retrouvent dans leur bibliothèque", explique Emmanuelle Asselin. "Si les développements sont encore inégaux à ce niveau, il faut quand même reconnaître que de plus en plus d’éditeurs engagent une démarche UX." Et Jean-François Piat de poursuivre : "nous devons être au plus proches des usages : en nous alignant, par exemple, sur le fonctionnement des grands sites marchands pour la suggestion de contenus, ou encore en développant des applications pour les usages mobiles."

    Sortir de la boîte noire pour plus d’interopérabilité

    cbouchet.jpgLes éditeurs de SIGB travaillent également à gommer davantage les barrières techniques au profit de la transition bibliographique. "Pendant des années, les SIGB étaient de véritables boîtes noires où il était très difficile de diffuser les informations "catalogue" des bibliothèques", explique Christopher Bouchet, directeur commercial chez Tech’advantage. "L’enjeu de la valorisation des ressources numériques - encore sous-estimées - et celui de toucher de nouveaux publics font que la notion d’interopérabilité est devenue aujourd’hui incontournable. Le SIGB de demain doit pouvoir échanger et publier plus facilement des données sur le web".

    La transition bibliographique pose aussi les bases de l’utilisation d’un nouveau modèle de langage. "Là aussi les éditeurs ne sont pas tous au même niveau d’avancement", constate Emmanuelle Asselin. Les professionnels des bibliothèques doivent s’adapter aux nouveaux modèles (IFLA-LRM, RDA-FR, etc.), mais cela passe aussi par l’outil qui doit accompagner ce changement de paradigme. "Désormais, l’enjeu est de fournir aux professionnels des outils adaptés et des formats compatibles", pouvait-on lire cet été dans Archimag. Certains éditeurs de SIGB, comme Quria ou Syrtis (Tech’advantage), se sont intéressés à la question et proposent un catalogage orienté entités-relations conçu selon le modèle IFLA-LRM. Leurs métadonnées, exposées en RDFa et Schema.org, optimisent l’indexation web et sont, par exemple, capables d’identifier automatiquement des œuvres.

    L’IA au service des professionnels et des usagers

    L’ensemble de ces évolutions menées par les éditeurs de SIGB sont également bouleversées par la déferlante de l’intelligence artificielle (IA). "L’IA est un sujet de société qui est naturellement devenu un sujet d’entreprise", reprend Christopher Bouchet. "Les éditeurs doivent s’en emparer pour proposer de nouvelles solutions, ce à quoi nous nous sommes attelés dès 2023 : nous avons interrogé nos clients pour comprendre comment intégrer cette technologie et ce qu’elle pourrait améliorer dans la gestion quotidienne, comme le traitement des métadonnées ou la relation avec les usagers." Mais, comme pour la "cloudification", l’IA vient avec son lot de défis, notamment en matière de sécurité des données et de souveraineté. "Nous restons ouverts et testons plusieurs modèles", commente Christopher Bouchet.

    Lire aussi : Transition bibliographique et systèmes de gestion de bibliothèques : cuisson à feu (très) doux

    De son côté, Jean-François Piat voit l’IA comme un booster de l’expérience usager. "Elle peut offrir des recommandations plus intelligentes, une meilleure assistance et des outils de traduction", explique-t-il. "Les utilisateurs peuvent aussi interroger le catalogue en langage naturel grâce à la reconnaissance de texte et d’image, même avec des approximations orthographiques… Cela participe à une meilleure accessibilité." Et Christopher Bouchet de compléter : "nous travaillons sur un chatbot qui pourrait répondre à des questions sur les horaires d’ouverture, permettre de réaliser des emprunts et des réservations de ressources."

    Les cas d’usage peuvent aussi concerner les bibliothécaires : "nous faisons actuellement des tests sur différentes thématiques", poursuit Christopher Bouchet. "L’objectif est de faire gagner du temps en automatisant certaines tâches, comme le catalogage de métadonnées, la classification, la lecture intelligente de résumé, la génération de mots-clés ou les propositions de cote Dewey."

    Un marché tendu

    Si la promesse est là, l’implémentation des technologies d’intelligence artificielle dans le quotidien des bibliothèques reste embryonnaire. "L’intégration de l’IA, à des degrés divers, tâtonne largement", confirme Emmanuelle Asselin. "Tout cela est encore en chantier. Les éditeurs n’ont pas le même degré de réflexion et les utilisateurs n’expriment pas tous les mêmes attentes". En dehors de l’IA, il faut par ailleurs souligner que "les bibliothèques ont des attentes concernant des outils d’évaluation et de pilotage", reprend-elle. "Les systèmes actuels n’offrent pas forcément de solutions simples, fiables et qui permettent de dégager de grands indicateurs. Ce n’est pas dans les orientations des éditeurs."

    Sans compter que, malgré ces grandes avancées, le marché des SIGB se montre beaucoup plus figé. "Cette tendance à la stagnation ne donne pas forcément beaucoup de marge de manœuvre pour la R&D", constate Emmanuelle Asselin. "Les incertitudes budgétaires, les choix politiques (à l’image de la mutualisation des systèmes de gestion au sein des bibliothèques universitaires, qui a fortement réduit la demande) et la période préélectorale n’aident pas à redynamiser le secteur." Autant de problématiques qui conditionneront le SIGB de demain…

    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Êtes-vous prêt pour la réforme de la facturation électronique ? À moins de 460 jours du grand lancement, l’écosystème se prépare activement. Lors de la Journée de la Facturation Électronique qui s'est tenue le 13 mai dernier à Paris, Archimag Podcast est allé à la rencontre des acteurs incontournables de cette réforme : les Plateformes de dématérialisation partenaires, ou PDP. Ensemble, nous avons parlé de leur rôle, de leurs spécificités, de leur modèle économique et de leur secret de longévité. Dans cet épisode, nous vous dévoilons qui sont ces acteurs et ce qu'ils préparent pour accompagner la réforme.

    sponsoring_display_archimag_episode_6.gif