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Facturation électronique et RGPD : enjeux, responsabilités et précautions contractuelles

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    L'intégration proactive du RGPD dans la facturation électronique, loin d'être une contrainte, est un gage de fiabilité des données et de fluidité opérationnelle (Freepik).
  • L’entrée en vigueur du dispositif français de facturation électronique obligatoire à partir de 2026 place au cœur des préoccupations des entreprises la conformité au RGPD. Si la facture est avant tout un document fiscal, elle n’échappe pas aux exigences de protection des données personnelles, dès lors qu’elle contient des informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable. Le cycle de vie d’une facture - de son émission à son archivage - soulève ainsi plusieurs enjeux juridiques nécessitant une vigilance accrue.

    couv_-_fake_news.jpgenlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°386

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    Données personnelles concernées par la facture électronique

    Contrairement à une idée reçue, la facture n’est pas un document neutre au regard du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Elle contient très fréquemment des données à caractère personnel, telles que l’identité d’un professionnel indépendant (nom, prénom, adresse), les coordonnées d’un contact au sein d’une entreprise cliente ou encore des identifiants (numéro de client, adresse e-mail, téléphone professionnel), pouvant être rattachées à une personne physique. Le traitement de ces données est systématique dans les outils de gestion comptable, les plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) ou dans le Portail public de facturation (PPF).

    Lire aussi : Réforme de la facturation électronique : quelle PDP choisir ?

    Un indispensable : une base de données à jour

    Le RGPD peut avoir du bon et se révéler être un "partenaire business". En effet, ce règlement impose au responsable du traitement de veiller à ce que les données collectées soient exactes (RGPD, article 5 1) d).).
    Or, lors de l’utilisation d’une plateforme de facturation électronique, toutes les informations devant être mentionnées sont standardisées.

    La plus importante d’entre elles est le numéro Siret/Siren. La facture arrivera à son destinataire grâce à l’annuaire des entreprises géré par l’administration fiscale.

    Ainsi, les entreprises qui auront veillé à avoir une base de données de leurs prestataires à jour seront récompensées pour leur effort. La mise en place de la facturation électronique sera grandement facilitée et le risque d’erreur pour l’envoi des factures réduit à zéro. Heureusement, certains cabinets fiscalistes, tels que Cyplom Avocats, proposent la mise à jour et la correction de ces fichiers, en particulier au niveau du Siret/Siren.

    Lire aussi : Réforme de la facture électronique : le point de non-retour

    Risques de non-conformité dans le cycle de facturation

    La facturation électronique implique une chaîne de traitements (génération, transmission, stockage, consultation) exposée à plusieurs risques de non-conformité au RGPD :

    • licéité et minimisation : l’usage de certaines données personnelles doit reposer sur une base juridique appropriée (obligation légale, contrat, intérêt légitime) et se limiter aux données strictement nécessaires à la finalité poursuivie,
    • sécurité : la dématérialisation accroît l’exposition des données à des risques d’accès non autorisé, d’altération ou de perte. L’absence de mesures techniques (chiffrement, journalisation, cloisonnement) constitue une violation potentielle de l’article 32 du RGPD,
    • durée de conservation : si les obligations fiscales imposent un archivage de dix ans, les entreprises doivent veiller à ne pas conserver de données personnelles au-delà de ce qui est nécessaire à cette obligation, en appliquant des mesures d’anonymisation ou de purge,
    • transferts hors UE : certains prestataires techniques peuvent recourir à des sous-traitants situés en dehors de l’Espace économique européen, ce qui impose des garanties spécifiques (clauses contractuelles types, mécanismes d’adéquation, etc.).

    Responsabilité du traitement : une chaîne à clarifier

    Dans le cycle de facturation électronique, la détermination du responsable de traitement peut s’avérer complexe. En principe :

    • l’entreprise émettrice et destinataire d’une facture agit en tant que responsable de traitement dès lors qu’elle décide des finalités et des moyens du traitement,
    • le prestataire de PDP ou tout autre opérateur technique (éditeur de logiciel comptable, hébergeur) est un sous-traitant, au sens de l’article 28 du RGPD. Il traite les données pour le compte de l’entreprise, selon ses instructions,
    • l’État, via le Portail public de facturation (PPF), agit comme responsable autonome du traitement pour les données traitées dans le cadre de sa mission de service public fiscal.

    Cette répartition des rôles impose un examen attentif de l’architecture choisie par l’entreprise et de la nature des flux de données dans chaque maillon de la chaîne.

    Clauses contractuelles essentielles avec un prestataire

    Le recours à un prestataire de facturation électronique impose la formalisation d’un contrat conforme à l’article 28 du RGPD. Certaines clauses sont essentielles pour sécuriser juridiquement la relation :

    • objet du traitement : description précise des opérations effectuées par le prestataire, des données concernées et de leur finalité. Cette clause est particulièrement importante, car elle détermine les prestations pour lesquelles le sous-traitant agit sur les instructions et sous la responsabilité du responsable du traitement,
    • mesures de sécurité : engagement à mettre en œuvre des moyens techniques et organisationnels appropriés (chiffrement, traçabilité, authentification forte). La vérification de ces mesures nécessitera l’implication du RSSI dans le processus de négociation,
    • sous-traitance ultérieure : exigence d’une autorisation préalable ou spécifique pour tout recours à des sous-traitants secondaires. Il est à noter que les autorités de contrôle renforcent grandement la responsabilité du responsable de traitement par rapport à la conformité des sous-traitants de second rang ("Opinion 22/2024 on certain obligations following from the reliance on processor(s) and sub-processor(s)", Comité européen de protection des données, 7 octobre 2024). Il sera donc essentiel de s’assurer que les sous-traitants de second et troisième rang présentent des garanties appropriées, tant sur la conformité à la loi informatique et libertés que sur l’encadrement des transferts hors de l’UE, 
    • sort des données en fin de contrat : garantie de suppression ou de restitution des données à la première demande, selon les instructions du client. Cette clause est à concilier avec la clause de réversibilité. En effet, si le client décide de ne plus avoir recours au prestataire de PDP, il sera essentiel de s’assurer du format et du délai dans lequel les factures transmises et stockées lui seront remises ou transférées au nouveau prestataire,
    • audit : faculté pour l’entreprise de procéder à des audits ou d’obtenir des preuves de conformité, dans des conditions raisonnables. Cette clause est très sensible, car les prestataires souhaitent limiter au maximum leur obligation de laisser les clients les auditer. Or, il est important pour un client de prévoir contractuellement sa capacité à prouver qu’il s’est assuré du respect, par son sous-traitant, des obligations issues de la réglementation relative à la protection des données personnelles.

    Lire aussi : Le RGPD, 6 ans après : quel bilan pour la protection de nos données personnelles ?

    Conclusion

    eleonore_favero_agostini_facturation-electronique-rgpd-enjeux-responsabilites-precautions-contractuelles.pngLa conformité RGPD ne saurait être considérée comme un simple appendice à la réforme de la facturation électronique. Elle en constitue un pilier structurant. Les entreprises doivent intégrer cette exigence dès la conception de leurs processus internes, dans le choix de leurs prestataires et dans la rédaction de leurs contrats.

    Au-delà du respect formel du règlement, il en va de la confiance des clients et de la résilience juridique des organisations face aux contrôles de la Cnil ou à d’éventuelles violations de données.

    L'autrice, Eléonore Favero Agostini, est associée cofondatrice du cabinet ADLANE Avocats.

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