Claudia Gargano, danse au-dessus d’un nid d’archives

Claudia Gargano, archiviste de la compagnie Blanca Li. DR

 

Portrait de Claudia Gargano, archiviste de la compagnie de danse de la célèbre chorégraphe Bianca Li.

La rencontre aurait pu avoir lieu à Lima, capitale du Pérou, où elle est née. Ou alors au Brésil où elle a grandi. Ou bien en Uruguay où elle a étudié l’archivistique. Ou bien encore à Madrid, Londres, Rome où elle a vécu. C’est finalement à Paris qu’elle reçoit, dans les studios de la célèbre chorégraphe Blanca Li. 

En cet après-midi du mois de juin, Claudia Gargano jongle avec les dossiers documentaires, les archives et les fichiers numériques. Derrière son bureau, les danseurs répètent la chorégraphie de la création Robots qui sera jouée au Festival de danse de Montpellier, puis au Théâtre des Champs-Elysées dans quelques mois. « Il y a toujours beaucoup d’activité en période de répétition… Une création chorégraphique, c’est un mouvement permanent, mais c’est aussi une importante production documentaire : photographies, affiches, vidéos, coupures de presse, dessins, programmes, notes… »

Le monde des archives n’a guère de secret pour Claudia Gargano. Sa famille compte un diplomate de l’Unesco qui lui a transmis très tôt le goût de la documentation. Cette latino-américaine d’origine italienne a par ailleurs connu de près l’époque où le continent sud-américain était défiguré par d’implacables dictatures : « J’ai grandi à l’époque des turbulences politiques en Uruguay et au Brésil qui m’ont donné le sens de la fragilité des choses. Très jeune, j’ai eu la conviction que la mémoire et l’histoire étaient importants pour les peuples. J’ai alors compris l’importance de la conservation des traces et des documents ».

branchitude madrilène

C’est à l’occasion d’un déplacement en Europe qu’elle fait la rencontre de Blanca Li dans les années 80. A Madrid, la chorégraphe avait monté un incontournable lieu de la branchitude madrilène, El Calentito. Cette salle de spectacle accueillait les meilleurs danseurs de flamenco de la place ainsi que des créations de danse contemporaine. 

Quelques années plus tard, elle repart en Uruguay et, à 30 ans, s’inscrit à la célèbre Escuela Universitaria de Bibliotecologia y Ciencias Afines de Montevideo. Spécialité : archives. De son propre aveu, elle y apprend la rigueur et participe à la création d’une base de données relative aux familles de disparus pendant la dictature. 

Une fois de plus, la question de la mémoire la poursuit. A peine diplômée, elle entre au quotidien La Republica pour s’occuper des archives photographiques. De nombreux fonds hétérogènes et mélangés : « Il fallait réunir des documents auprès de sources diverses, certains ayant été perdus, d’autres conservés par des particuliers. C’était un beau travail de recherche et de mémoire ». Quelques mois plus tard, elle intègre le ministère des Affaires étrangères à Montevideo et découvre une salle entière dédiée aux archives de la dictature. Incommunicables, elles seront progressivement mises à disposition des familles des victimes.

18 mois pour classer 20 ans d’archives

Mais le cadre « technique et bureaucratique » de la diplomatie uruguayenne lui pèse. Retour en Europe où Blanca Li lui propose d’organiser ses archives. « Compte tenu de mes compétences d’archiviste doublées de ma connaissance du milieu artistique, elle a fait appel à moi. Les artistes sont tellement habités par leur passion qu’ils n’ont pas de temps à accorder aux archives et à la documentation », constate Claudia Gargano.

Il lui faudra alors traiter une vingtaine d’années de production documentaire et partir de zéro… Une mission chronophage, mais excitante. « Classer 20 ans d’archives me prendra environ 18 mois ! Le temps passé sur les différents dossiers variait selon l’état de conservation des documents. Au final, ces archives sont un fidèle miroir de la carrière de Blanca… ».

Aujourd’hui, Claudia Gargano estime que sa mission va au-delà du seul souci patrimonial. Les différents services de la compagnie font régulièrement appel à elle pour satisfaire leurs besoins documentaires. C’est en particulier le cas du service communication qui puise abondamment dans la mémoire de la compagnie pour concevoir ses dossiers de presse. 

Les archives sont également régulièrement consultées par Blanca Li pour inventer de nouvelles chorégraphies. Le ballet ne s’arrête jamais.

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