CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°372
Cette année, plus de 325 organisations de toutes tailles et de tous secteurs d’activités ont répondu à notre enquête préalable à l’élaboration de notre 13e Rapport sur la gouvernance de l’information numérique, des documents et des données.
Les profils de professionnels très variés y ont participé (dirigeants, responsables d’activité, professionnels de l’information, représentants de fonctions métier comme le marketing, la communication, le juridique, les SI, les ressources humaines, les finances, etc.) ; autant de fonctions qui sont toutes, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des usagers quotidiens du numérique.
Les résultats 2024 de ce rapport apportent leur lot de sujets centraux et de thèmes émergents et rendent compte des attendus des utilisateurs comme des irritants. Il s’agit aussi d’un véritable baromètre permettant de mesurer les niveaux de maturité des organisations en ce qui concerne la gouvernance de l’information.
Maturité de la gouvernance de l’information numérique
Une organisation sur quatre fonctionne déjà, pour l’ensemble de ses activités, dans un cadre établi de gouvernance de l’information (GI). Notre rapport nous apprend également que plus de 50 % sont dorénavant sur le chemin, que ce soit en développant un programme (métier par métier, fonction par fonction, ou site par site) ou en étant engagées à différents niveaux dans le déploiement d’un nouveau modèle d’organisation en matière d’information numérique.
Car d’année en année, la GI numérique est devenue un cadre de référence et de sécurité pour 67 % des organisations, permettant de lutter contre la fragilité des informations numériques. Les résultats en matière de maîtrise des risques - considéré comme un enjeu essentiel au même titre que "l’accès et le partage de l’information et des connaissances" - sont éloquents : si la courbe est exponentielle depuis plusieurs années, elle connaît en 2024 un nouveau bond en avant de 8 points. Il s’agit là du premier enseignement de notre Rapport 2024.
Prises de position des utilisateurs
Les autres marqueurs importants concernent les prises de position des utilisateurs : ces derniers attendent de la simplicité et de l’accompagnement pour s’approprier leurs nouveaux modes de travail en matière d’information, pour prendre en main leurs nouveaux outils, et surtout pour donner du sens aux évolutions qu’on leur propose ; leur permettant ainsi de mieux appréhender le nouveau cadre dans lequel ils vont fonctionner.
Notamment parce que l’infobésité, toujours grandissante, pèse de plus en plus sur le quotidien des équipes, à laquelle s’ajoute le sentiment d’être suréquipé (ce qui entraîne une véritable dispersion au niveau des gisements de données).
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Pour 71 % des organisations, le volume croissant d’informations et de documents internes à gérer est donc bien la problématique numéro un, qui a notamment pour conséquence une perte de temps liée à la recherche de cette même information. 86 % des utilisateurs plébiscitent d’ailleurs un point d’accès unique aux données et documents de leur organisation ; un chiffre qui monte même à 89 % pour les profils de managers ou décideurs.
Réduire le nombre des applications est l’autre grande revendication. Source d’exaspération pour 64 % des utilisateurs, elle découle notamment de la façon dont nos organisations ont tenté depuis quatre ans de faire face au travail à distance, souvent pensé dans l’urgence, et ont équipé, voire suréquipé, les activités.
Si le besoin de simplification est fort, il s’accompagne aussi de demandes d’appui et de support pour permettre une meilleure appréhension des nouvelles pratiques de travail et des outils mis à disposition. "Accompagner le changement", qui reste un volet insuffisamment pris en compte dans le cadre de projets, est pourtant considéré comme "important" pour 78 % des organisations, voire "critique" pour 19 %.
Les data au centre
2024, c’est aussi l’installation au centre des programmes de gouvernance de l’information numérique d’un certain nombre d’incontournables. Dorénavant, le cœur de tout programme est constitué pour 39 % des organismes de données, que celles-ci soient techniques, géographiques, personnelles, etc. Avant même les documents. On assiste à une véritable bascule du périmètre de la GI : la notion de document passe dorénavant en position 2, au profit des data.
Cela relance la question des risques en matière de sécurité des informations, et ce sont des craintes portées par 77 % des organisations, qui vivent la perte des données comme la conséquence première, à laquelle s’ajoute l’atteinte à la réputation de son organisme en cas de faille dans la protection des données du SI.
Percée de l’archivage électronique
Autre incontournable : la place que prend le processus d’archivage électronique, engagé dans 54 % des organisations, et déjà en place pour 22 %, permettant d’offrir, à travers un système d’archivage électronique, une réponse complète, sécurisante et conforme aux obligations de tous.
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Le développement des projets que l’on identifie cette année est aussi une conséquence directe de la mise en service dans plus de 45 % des organismes des systèmes de signature électronique, suffisamment démocratisés pour permettre à tous, selon ses responsabilités ou ses niveaux de délégation, d’en bénéficier.
La place de l’IA
L’édition 2024 de notre rapport apporte aussi des ouvertures vers des domaines émergents, mais intégrés, dans les programmes de gouvernance. L’intelligence artificielle (IA), dont on nous parle dans tous les forums ou débats, prend déjà sa place : 10 % des organisations l’incluent déjà comme un actif évident, bien qu’il s’agisse d’un sujet émergent.
13 % des organisations disent avoir réalisé un projet de Ged/ECM autour de l’IA, et 45 % prévoient un projet dans les 2 ans.
Le numérique responsable
Dernier volet essentiel : celui du numérique responsable. Force est de constater que nous sommes encore loin de parler de "gouvernance responsable", car 6 % seulement des organisations ont réalisé un bilan carbone du numérique.
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Ce résultat est très faible et le sujet tarde à décoller. Pourtant, les obligations réglementaires sont en place :
- à partir de 2026, la loi Climat et Résilience, promulguée en août 2021, obligera les acheteurs publics à ajouter dans les appels d’offres au moins un critère de RSE ;
- en parallèle, les collectivités ont l’obligation de mettre en place leur propre démarche RSE et celle qui concerne la sobriété numérique dans le cadre de la loi Reen, promulguée le 15 novembre 2021, et de son décret d’application du 29 juillet 2022 relatif à l’élaboration d’une stratégie numérique responsable.
Retrouvez les analyses de bien d’autres éléments dans le Rapport de la gouvernance de l’information numérique 2024. Bonne lecture !
Caroline Buscal
[Consultante experte — Directrice de Serda Conseil]