Le Maroc a intégré l’intelligence économique (IE) dans sa politique de développement en 2004. Mais il reste encore du chemin à parcourir pour qu’elle soit adoptée plus largement.
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[Par notre correspondante au Maroc] De plus en plus pratiquée à travers le monde, l’intelligence économique ou IE est une arme dont beaucoup se sont dotés dans le but de dégager un avantage compétitif ou encore de résister face à la concurrence.
Mais elle n’est pas pratiquée de la même manière partout. Dans les régions du Maghreb et plus précisément au Maroc, elle se manifeste surtout sous forme de veille permanente à travers des institutions et cercles de réflexion.
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Intelligence économique : une impulsion institutionnelle
Depuis 2004, le Maroc a officiellement intégré l’IE dans sa politique de développement. À travers les rencontres internationales de Tétouan, l’État a mis en place une politique publique d’IE nationale et territoriale, institutionnalisant ainsi cette pratique dans le pays.
Par la suite, une cellule d’analyse et de réflexion stratégique ainsi qu’un Observatoire d’étude et de recherche sur l’IE ont été créés.
En mars 2005, l’Association marocaine pour la recherche et développement a organisé un salon professionnel sur le thème « veille stratégique et compétitivité » et, en 2006, le Centre de veille stratégique a été institué pour surveiller les mouvements des investissements étrangers à travers le monde et l’investissement au Maroc.
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Promouvoir la pratique de l'intelligence économique
La même année, l’Association marocaine d’IE, appelée aujourd’hui Amie center for policy, fut créée afin de constituer un cercle de réflexion et d’information en matière d’IE. L’Institut marocain de l’information scientifique et technique (IMIST) s’est également mis à la veille et à l’IE en construisant tout un centre dédié.
Plusieurs programmes et conférences ont eu lieu au fil des années dans le but de promouvoir la pratique de l’IE dans le pays comme par exemple le programme FINCOME lancé en 2007 avec pour objectif de faire contribuer les Marocains résidents à l’étranger (MRE) dans la recherche et développement pour le pays ; les nombreux programmes développés par l’Agence nationale pour la promotion des PME (ANPME), les différentes Assises africaines de l’IE dont la première s’est tenue en 2016 à Casablanca…
ar ailleurs, de plus en plus d’entreprises ont intégré l’IE dans leur stratégie : Maroc Telecom, l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), la BMCE, la Banque Centrale Populaire (BCP)…
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Scepticisme face à l'IE
Bien que l’on distingue déjà plusieurs activités et institutions de l’ intelligence économique au Maroc, celle-ci est encore très peu répandue dans le pays. Les grandes entreprises en ont fait leur pilier de développement tandis que pour la majorité des PME, elle représente soit un luxe, soit une option facultative, voire sans intérêt pour leur activité.
Pourtant, l’IE est une pratique dont les impacts sont bien réels : elle permet de dévoiler les opportunités non apparentes, de déceler les failles ou les manques d’un système, d’anticiper les besoins de ses consommateurs, d’innover… Elle est utile à tous les niveaux et dans tous les services en permettant par exemple à un directeur de ressources humaines de trouver le bon profil après une enquête sur les différents profils des entreprises concurrentes.
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Manque de moyens
Bien plus que le scepticisme des uns face à cette pratique, le manque de moyens technologiques adaptés représente aussi un frein à l’IE au Maroc.
En outre, quand bien même la technologie pourrait exister, très peu de personnes y sont initiées. Très souvent, c’est un savoir qui est réservé aux hauts cadres et membres de la direction. Certains considèrent encore que la recherche d’informations relève du domaine des spécialistes et experts. Or il est important que toute l’organisation soit formée à la pratique de l’IE, décideurs comme employés.
Le management de l’information doit être au centre de toutes les politiques et des systèmes d’ingénierie stratégiques installés.
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Le Maroc doit développer son propre modèle d'intelligence économique
L’IE est une pratique très importante dont on ne peut plus se passer aujourd’hui. Les plus grandes puissances et les plus grands acteurs internationaux l’ont bien compris et l’ont intégré dans leur système de fonctionnement. Mais pour que le Maroc puisse subsister et rester compétitif sur la scène internationale, bien plus que d’adopter et généraliser cette démarche à tous les niveaux, le pays doit développer son propre modèle d’IE.
Pour reprendre les mots de Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS), le marocain doit devenir hybride et apprendre à surveiller comme les Chinois, analyser comme les Français et avoir la compétitivité des Américains.