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"L'open data est un nouveau défi pour les archivistes"

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    Cyril Longin : "L'impulsion pour l'open data est donnée, il va s'imposer à nous que nous le voulions ou pas" (Visual Hunt)
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    Cyril Longin est directeur des archives municipales de Saint-Étienne et chef de projet open data pour la commune. Il est également pilote du groupe de travail sur la "réutilisation des données publiques" de l'AAF (Association des archivistes français).

    L'AAF a créé un groupe de travail en 2010 sur la « réutilisation des données publiques ». Quelles sont ses actions au quotidien ?

    Ce groupe de travail a été créé suite aux relations conflictuelles qu'entretenait la profession avec certaines sociétés privées de généalogie telles que NotreFamille.com (devenue depuis Filae), Ancestry ou encore Coutot-Roehrig. Nous n'étions pas encore sur le sujet de l'open data, mais plutôt sur celui de la réutilisation des archives en général et de celle de l'état civil en particulier. Ce groupe de travail est en sommeil depuis un an et demi, à la fois par manque de temps pour m'en occuper, mais aussi parce que nous manquons de main-d'oeuvre sur le sujet de l'open data, qui n'est pas évident pour la plupart des archivistes. Pourtant, nous allons tenter de le relancer avec quelques collègues.

    Je tiens tout de même à préciser que ce n'est ni au nom de l'AAF (qui n'a pas pris de position particulière sur ce sujet), ni au nom de la profession que je m'exprime ici. Le sujet de l'open data, qui donne lieu à de nombreuses réflexions chez mes collègues, n'est pas facile. Et il ne faut pas perdre de vue que nous dépendons de toute façon de collectivités qui ont leurs propres politiques sur la question.

    À quel moment le sujet de l'open data a-t-il croisé celui des archivistes ? Comment ce lien vous est-il apparu ?

    À titre personnel, c'est lorsque j'ai pris mon poste aux archives de Saint-Étienne, fin 2010. Suite, justement, aux questions de réutilisation des archives publiques, j'avais soumis au conseil municipal des licences et des tarifs associés pour les archives de la ville. Le directeur général des services (DGS) de l'époque a accepté le principe de l'exception culturelle, mais m'a demandé des préconisations pour l'ensemble des données produites par la ville de Saint-Étienne, qui sont aussi des archives. Il n'y avait alors pas de stratégie globale et équitable lorsque nous étions sollicités. Parfois nous donnions et parfois non. Je pense avec le recul que ce DGS avait compris bien avant moi l'intérêt de mêler un archiviste à ces questions.

    En me documentant sur le sujet, proposer la libre réutilisation gratuite m'a rapidement semblé évident. J'ai donc fait la proposition de partir sur un principe d'open data, hors données culturelles dans un premier temps, et j’ai mené ce projet en lien avec un certain nombre d'acteurs économiques et universitaires du territoire.

    En quoi l'archiviste est-il à même d'occuper un rôle central dans ce genre de projet ?

    Selon moi, l'archiviste ne doit pas nécessairement en être le chef de projet, mais occuper néanmoins une place importante. Car tout cela fait partie de ce que l'on appelle la gouvernance de l'information. La donnée étant en effet devenue le patrimoine de la collectivité - on parle d'ailleurs de patrimonialisation des données -, sa gestion doit faire l'objet d'une gouvernance globale. L'archiviste est pertinent dans cette gouvernance et dans les projets d'open data pour plusieurs raisons :

    • d'abord parce que les archivistes sont les seuls, avec les services informatiques et parfois les services juridiques, à avoir une vision transversale et stratégique de tous les documents produits, et à savoir par qui ceux-ci sont produits dans leur organisation ;
    • ensuite en raison de ses compétences en qualification et en documentation de la donnée, qui garantissent sa fiabilité et sa qualité, primordiales dans un projet open data ;
    • de plus, la capacité de l'archiviste à gérer le cycle de vie du document est également décisive, puisque tout n'étant pas forcément accessible ou communicable immédiatement, c'est lui qui a la capacité de gérer les accès ;
    • enfin, toute la question de la collecte fait déjà partie du quotidien des archivistes, et ce, quel que soit le support.  

    L'open data est un nouveau défi pour les archivistes, car ils ne collecteront plus seulement pour conserver ou communiquer, mais en vue d'une diffusion et d'une réutilisation possible. 

    Quelle compétence manque-t-il à l'archiviste pour pouvoir être le chef de tels projets ?

    Selon moi, les compétences qu'il faut en la matière relèvent plus des qualités personnelles de l'archiviste et du temps qu'il peut consacrer au projet. Il devra notamment avoir un véritable rôle d'animateur, puisque le projet doit vivre sur le territoire, en rencontrant par exemple la société civile et économique, les établissements d'enseignement supérieur, etc. Les archivistes devront alors sortir du champ naturel de leur réseau et disposer de bonnes connaissances du tissu local. Tout seul, ce n'est pas simple.

    Vous préconisez un cercle vertueux entre système d'archivage électronique (SAE) et open data. De quoi s'agit-il ?

    L'archivage électronique constitue une raison de plus pour laquelle l'archiviste me semble essentiel dans ce type de projet : le SAE peut servir à une plateforme open data et inversement. Rappelons qu'un SAE collecte des données, permet d'assurer la fiabilité et l'intégrité de documents, mais également d'y apporter des métadonnées descriptives ainsi que des métadonnées de production, et d'en gérer les accès. Tout ce processus est très proche de la mise à disposition en open data, voire identique. Un SAE pourrait donc très bien être un fournisseur de données. On ne parle alors pas forcément de données en temps réel, mais en tout cas de données fraîches, de bonne qualité, qualifiées, que l'on pourrait ainsi mettre à disposition via un connecteur sur une plateforme open data.

    D'autre part, le fait de mettre des données à disposition sur une plateforme permet à des réutilisateurs de les alimenter et pourquoi pas de les corriger. Finalement, la qualité des données s'améliorera avec le temps et celles-ci pourraient à terme être ensuite récupérées et déposées au sein d'un SAE dans une perspective d'archivage. 

    Quelles évolutions a connu le paysage juridique à ce sujet ?

    Depuis la loi NOTRe et la loi pour une République numérique, les communes de plus de 3 500 habitants vont désormais devoir publier leurs données en open data. Pouvoir montrer à ces communes au pied du mur ce qu'ils savent faire et ce qu'ils peuvent leur apporter est donc une véritable opportunité pour les archivistes. 

    La question de la réutilisation des archives a également un peu bougé puisque les dernières lois permettent aux services d'archives d'obtenir une forme de dérogation et de mettre en place une redevance, notamment lorsqu'ils ont financé de coûteux projets de numérisation ou de mise à disposition. Les Archives de France devaient fournir un modèle pour les procédures à établir, qui sont assez lourdes et qui devaient être mises en place au 1er décembre 2016. Or, le modèle n'ayant toujours pas été fourni par les Archives de France, la plupart des services d'archives disposaient de redevances qui ne prenaient pas en compte toutes ces nouvelles contraintes et Filae a ainsi pu récupérer une bonne partie des archives d'état civil français. La Cada (Commission d'accès aux documents administratifs) a émis un avis en janvier dernier qui stipule que les services d'archives pourront demander rétroactivement ces redevances, mais à charge pour chaque département d'engager un « débat » avec l'entreprise. 

    Ces deux sujets sont assez différents. Comment les abordent les archivistes ?

    Une partie de la profession reste en effet assez réticente aux principes de l'open data et notamment à la question de la réutilisation des archives publiques. Jusqu'à présent, notre profession avait une sorte de monopole sur leur diffusion et les sites internet représentaient notre outil de visibilité. Le fait de mettre à disposition toutes ces données que des sociétés pourraient ensuite réutiliser représente pour certains une forme de concurrence. Je crains d'ailleurs qu'une partie de la profession ne se focalise sur la question de l'état civil, qui est certes un document spécifique, mais qui ne doit pas cristalliser le débat.

    Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que l'impulsion pour l'open data est donnée, et qu'il va s'imposer à nous que nous le voulions ou pas. De mon côté, j'y vois une véritable opportunité, et si une collectivité souhaite s'engager dans cette voie, je pense que l'archiviste a toute sa part et qu'il doit se faire entendre, quitte à pousser, voire enfoncer, les portes. 

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    Les données ouvertes sont un fait. Des données à qualifier, conserver, communiquer : typiquement du travail pour les archivistes ! Pourtant l’implication de ces professionnels dans les projets open data n’a encore rien d’évident.
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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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